Un nom c'est important et si au bout de 60 ans de pop music la liste des possibles s'amoindrit d'heure en heure, il reste un paquet de noms disponibles pour les nouveaux venus. Si vous débutez dans la musique, vous avez le choix : vous pouvez reprendre un nom déjà usité mais tombé en désuétude (exemples : Droids, ce combo électronique français dont personne n'a entendu parler, ou bien KungFu, des rockers allemands dont le seul album n'a jamais atteint l'oreille de personne, ou bien Fred François, qui aurait été un chanteur populaire français dans les seventies), vous pouvez aussi faire comme tout le monde et baser votre pseudonyme sur un jeu de mot "cool" comme le Brian Jonestown Massacre ou Radiohead (dont le nom fait référence à une chanson de Talking Heads) voire Slalom Aleïkoum si vous voulez innover. La dernière solution, la meilleure, consiste à choisir votre alias à partir du néant et là, soit vous avez de la suite dans les idées et un maximum d'imagination et vous vous appellerez Mordant Music ou Afrirampo (voire Einsturzende Neubauten mais vous vous aliénez alors tous ceux qui ne sauront pas le prononcer) soit vous êtes aussi imaginatifs qu'un film de Dany Boon et vous vous appellerez Wild Nothing, The Black **** ou Twin Shadow (*).
(For Now)
Il m'a fallu passer outre cette terne affiche avant d'écouter la musique de George Lewis Jr, dont Twin Shadow est l'alias. Il faut dire que la même année, Twin Sister faisait aussi ses débuts et que j'avais mieux à faire que d'apprendre à différencier les deux. Cependant, je voulais revenir sur cet album qui a eu très bonne presse afin d'expliquer pourquoi nous n'en avions pas parlé au cas où vous vous poseriez encore la question et si vous vous l'êtes déjà posée un jour. La réponse est que c'est chiant comme la mort ce que joue George Lewis second du nom. Tout est dit. Je n'écris pas cette chronique (peu professionnelle) parce que je m'ennuie, ou pas entièrement, mais bien pour vous rappeler que la musique est ma passion et que je ne m'enquille des disques que parce que ça me plait, parce que ça me donne envie de danser, parce que ça excite mes méninges, m'émeut, me fait ressentir de la haine (contrôlée) et m'en purge, ou parfois (plus rarement) parce que ça me fait marrer, mais il n'y a aucune chance pour que j'écoute un disque aussi mortel que celui-là plus d'une fois et vous devriez en faire autant.
Comprenons-nous bien, ça n'est pas un mauvais musicien, George, ni non plus un mauvais parolier, chanteur ou arrangeur (on peut tout de même affirmer qu'il est super nul pour se trouver un nom de groupe), mais si je suis le premier à m'enthousiasmer quand un type ré-interprète pour mieux nous faire bouger (sans non plus aller jusqu'à ignorer la part de facilité dans cette opération et d'ailleurs vous pouvez toujours chercher le dernier LCD Soundsystem dans mon top de fin d'année), il y a une limite à mon enthousiasme et cette limite est certainement liée au concept de "propos". Twin Shadow joue de la synth pop, soit, et on y entend les années 80 anglaises à chaque seconde, des Smiths (le chant) à The Human League (les synthés) en passant par quelques guitares post-hard-rock sous mixées, une batterie d'époque, de la réverb partout et des gimmicks que n'auraient pas refusés Depeche Mode... Mais Twin Shadow ne va nulle part. La synth pop que George a écoutée, il l'a prise comme ça, il a trouvé ça joli, alors il l'a reproduite comme John Hammond l'avait fait au Costa Rica, sans compter. Seulement, les types qui jouaient cette musique il y a trente ans ne le faisaient pas "parce que c'est joli", ils avaient un propos : ils jouaient du synthétiseur en réponse aux guitares qui dominaient la pop d'alors, ils sublimaient la société anglaise en crise par leurs textes et leurs sons, et leur musique avait valeur de nouvelle révolution après les diverses vagues de punks de la fin des années 70. Il y avait, en plus, quelque chose que Twin Shadow ne cherche même pas à se trouver : un propos.
(Shooting holes at the Moon, autant pisser dans un violon)
Vous me direz, tout le monde ne cherche pas un propos, un fond et dans ce cas, Twin Shadow fera l'affaire puisque Lewis est un compositeur doué et qui sait jouer de tout (ses batteries et ses basses sont plus que simplement "pros"). "Forget" est une jolie copie de synth pop anglaise des années 80, avec cette touche de totale insouciance qui caractérise les années que nous vivons, qui aimerait nous faire oublier un original que de toute façon, une majorité n'écoute plus. Je ne suis pas dupe et je vous invite à être vigilants. Alors qu'on nous remake tout, partout (les fringues vintage façon eighties, les films déjà vus comme Karate Kid et l'Agence Tous Risques...), avons-nous vraiment envie de voir les meilleurs moments de l'Histoire de la pop réduits à des vignettes Panini collées par-dessus les photos de nos héros ? Avons-nous réellement envie d'oublier pour mieux laisser le rouleau compresseur d'artistes sans âme aplatir les formes de qui fut (et reste) un Art ? Avons-nous vraiment envie d'écouter Twin Shadow ?
Joe Gonzalez
(*) : Vous avez remarqué à quel point c'est facile ? Prenez deux mots, un adjectif et un nom, et vous avez un nom de groupe prêt à l'emploi !
"ils jouaient du synthétiseur en réponse aux guitares qui dominaient la pop d'alors".
RépondreSupprimerOuep, on oublie cette qualité qu'avait la synth-pop de se placer en opposition à tout un ensemble de valeurs rock. 0n peut la voir comme l'aboutissement d'un processus de sophistication (toujours plus synthétique et artificiel) dans lequel justement le rétro ou le revival n'a pas sa place. La techno et la house ont joué le même rôle dans la première moitié des années 90, à peu près.
Pour ce qui est de l'Ombre Jumelle, ça entre par une oreille, ça ressort par l'autre.
Même pas un petit mot sur sa pochette ? :D
RépondreSupprimerBon la question que je me pose en revanche, et n'y voit pas là une agression à ta critique (d'autant que je n'aime pas Twin Shadow) mais simplement je m'interroge ; ce "propos" dont tu parles, ce contexte social qui fait que telle ou telle musique en est venue à exister (punk, new wave, synth pop, n'importe)...ça entre dans ton critère de jugement personnel quand tu écoutes quelque chose ou non ?
Je veux dire, quand on écrit un papelard assez réfléchi sur un disque, ou quand on cherche à comprendre le fondement d'une œuvre de manière rétrospective, d'un point de vue analytique par exemple je comprends qu'elle soit difficilement dissociable de son contexte.
Mais après au niveau, du sentiment et de la relation personnelle qu'on établit avec la musique elle-même, la musique et rien qu'elle...? perso ça s'efface, j'appréhende un album quasi-uniquement à son contenu musical et rien d'autres, qu'il date de 30 piges ou d'hier, mais j'ai l'impression que c'est pas le cas de tout le monde.
Apprécier un album parce que quand je l'écoute ça me permet de penser "wouah cette musique a été une vraie rébellion à la fin des 70's" ou je n'sais quoi, et en tirer du plaisir ça me paraît un peu de la branlette intellectuelle..
Donc je m'interroge, car j'ai du mal à me répondre à ça, ta réflexion sur Twin Shadow, et le commentaire qui me précède aussi m'y ont fait repenser. Combien de personnes qui adorent White Light/White Heat le trouverait sans intérêt s'il sortait aujourd'hui ?
Cool, des questions !
RépondreSupprimerD'abord la pochette, je n'en ai rien dit car je la trouve parfaitement adéquate pour ce genre d'album et de musique : de la ouate, un ego, peu de vivacité.
Maintenant laisse moi te dire que oui, ça entre en compte. guilty as charged d'aimer la musique populaire en tant qu'art et pas comme une marchandise culturelle, je m'intéresse à tout : pour moi un disque est une personnalité (le musicien ou le groupe), de la musique, des PAROLES (c'est souvent important, parfois moins que d'autres, selon le type de musique ou si c'est de la musique sans parole), un artwork (oui c'est important, et le titre de l'album, des chansons et l'alias de l'artiste en font partie !) et évidemment un contexte.
Tu parles de White light White Heat et je ne te suis pas : "Combien de personnes qui adorent White Light/White Heat le trouverait sans intérêt s'il sortait aujourd'hui ? "
Ca n'a aucun sens de penser comme ça : si ce disque n'était pas sorti, tout serait différent, ça c'est une première chose. Ensuite, un tel disque ne sortirait pas aujourd'hui, pas le même, pas exactement, il ne parlerait pas des mêmes choses, ne serait pas enregistré pareil, n'aurait pas le même son, etc, et puis surtout, si tu pars du principe qu'un disque équivalent (le concept est étrange mais soit) serait sorti en 68 mais pas celui-là, qui aurait amené les mêmes inspirations, les mêmes idées chez d'autres, FORCEMENT que si une copie conforme de ce que nous aimons depuis longtemps sortait et que cette copie était WLWH, copie de ce disque analogue sorti en 68, FORCEMENT, nous ne l'aimerions pas autant, loin de là.
il est bien évident que l'originalité est importante, à moins de faire table rase du passé tous les six mois ou de n'avoir aucune culture historique en matière de musique (cette option est bien plus logique et respectable mais l'absence de connaissance des uns ne doit pas pour autant encourager les autres à sortir de nouvelles pales copies quand bon leur semble et ne donne en aucun cas plus de valeurs aux copies).
(la suite, tout de suite)
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RépondreSupprimer(voilà la suite !)
RépondreSupprimerJe ne connais pas de relation "personnelle" avec la musique "elle-même" différente de celle que tu vois étalée ci-dessus. J'écoute la musique comme un Art, un tout et pas juste une succession de sons "cools" ou pas. Je sais que tout le monde n'est pas comme ça et c'est très bien mais ma façon d'appréhender la musique n'est pas une branlette intellectuelle, c'est tout simplement une autre façon de voir les choses. Je ne me triture pas les méninges comme un dingue à la recherche d'un sens à tout, c'est quelque chose qui est naturel, parce que ça m'intéresse, ça me passionne.
Je ne prends pas mal ton commentaire à ce sujet. Tu ne me comprends pas, donc tu tires des conclusions parce que ta façon d'envisager la musique (qui est celle de la majorité des gens) te parait "naturelle" et pas la mienne : dommage pour toi ou pour moi ! On s'en fout un peu non ? Personnellement, je considère que si la musique populaire n'était pour moi avant tout que des sons et un sentiment, je n'aurais jamais commencé à écrire à son propos, j'aurais certainement eu mieux à faire que de donner mon ressenti, tout le monde s'en carre je pense. Ce que j'essaie de transmettre avec mes articles c'est un peu plus que ça : des sentiments certes, mais aussi de l'histoire, de la réflexion, un jugement, des idées (et quelques vannes de temps à autre) en même temps que l'envie de faire découvrir (mais ça c'est évident).
J'espère avoir satisfait ta curiosité !
Merci bien pour cette réponse intéressante. :p
RépondreSupprimerOui, mon idée concernant WLWH était capillotractée, d'autant que j'imaginais une situation dans laquelle aucun album du même genre ne soit jamais sorti mais que l'histoire concernant le reste soit restée la même, un truc encore plus loufoque en fait !
Concernant le reste, les réflexions etc..j'ai dit que ça me paraissait un peu de la branlette intellectuelle mais ça ne veut pas dire que je ne le fais pas, c'est plutôt mon cas aussi justement, or j'ai tendance à remettre en question ma façon de voir les choses dernièrement d'où mon questionnement..
Je considère aussi chaque album comme une oeuvre d'art et j'adore m'intéresser à tout ce qui tourne autour du son; artwork, textes, contexte dans lequel a été faite l'oeuvre, etc...c'est quelque chose qui m'aide encore plus a apprécier un album que j'aime, et le "tout artistique" de cette oeuvre m'aide à avoir une relation plus "personnelle" avec elle. Mais c'est quelque chose que je viens à considérer uniquement quand j'aime l'album en question, c'est-à-dire : ce que j'entends (voilà pourquoi je parlais d'"appréhender" l'album plus haut, à savoir avant toute chose juger ce que j'entends, donc oui primitivement si ça me plait ou non), ce qui n'est pas non plus radicalement éloigné de ta manière d'apprécier même si tu préfères tout appréhender d'un coup (c'est ça ?).
C'est juste que je m'interroge sur ta vision et la mienne, en partie quand je tombe sur des critiques qui ont plus tendance à dénoncer un manque de nouveauté et le côté "revival" plutôt que la qualité de la musique elle-même, d'où mon exemple foireux du Velvet. Et cette chronique sur Twin Shadow qui me semble à mi-chemin m'a paru être un bon point d'amorce!
En revanche je pense qu'on peut écrire une critique uniquement basé sur le sentiment et faire quelque chose de sensass', c'est même d'ailleurs souvent les textes les plus marquants je trouve (en bien comme en mal). Mais je comprends parfaitement que tu veuilles apporter un peu plus que ça.
Je te rejoins à mort Joe ; même si moi j'aurais mis 2 voire 1.5. Multiplie par deux et t'as la note sur 10 vu que c'est sur 5. Je te le dis car j'ai compris cette astuce aujourd'hui.
RépondreSupprimerOuais je suis trooooooooooooop trop con.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerEn fait nous sommes bel et bien d'accord.
RépondreSupprimerD'abord je pense aussi que l'on puisse écrire à partir de sentiments uniquement, nous l'avons déjà fait ici sur CE, et le referons encore. Ce que je voulais dire c'est que l'on ne peut pas faire QUE des chroniques comme ça.
Ensuite, je suis d'accord pour dire qu'AVANT TOUT il y a la musique et si on l'aime ou non. Forcément, c'est le premier élément (même si l'artwork vient avant et peut empêcher ou retarder l'écoute s'il est atroce, ou bien l'accélérer et la relancer s'il est géant). Alors évidemment, si j'écoute un disque, que la musique ne m'apparait ni bien (elle ne me plait pas) ni intéressante (même si elle est super nulle, et que j'ai envie d'expliquer alors pourquoi je la déteste), je n'écrirai sans doute rien dessus, parce que la musique ne m'aura même pas suffisamment intéressé pour que je réfléchisse deux secondes au reste.
Dans le cas de "Forget", la musique m'a paru ennuyeuse même si pas mauvaise. J'ai la conviction que ce qui lui manque est un propos (et de là je lie ce manque de propos à un problème sociétal d'aujourd'hui) car je la trouve trop plate pour que les compositions (pourtant pas nazes du tout) de Lewis ne revêtent une quelconque signification. Je ne critique pas le revival en général (j'ai aimé LCD Soundsystem et d'autres), je critique le revival sans aucune envie d'apporter quelque chose en plus.
Je ne critique pas l'influence lorsqu'elle apporte quelque chose de neuf mais seulement quand elle n'est qu'une copie sans envergure.
Oui, je comprends, surtout que l'intellectualisation/côté analytique à outrance que je dénonce ne visait pas spécialement ta chronique, en somme toute fondée, mais plus d'autres trucs qu'il m'arrive de lire un peu trop souvent!
RépondreSupprimerBon après, c'est sûr qu'il y a encore matière à débattre sur ce qu'est un propos exactement de nos jours, du problème sociétal dont tu parles, et surtout si on peut vraiment parler de revival à un âge où toutes les musiques sont mélangées, etc...
Enfin c'était un échange cool, merci buddy, je vais aller me pieuter maintenant. x)
je te suis à donf joe, je te suivrai où que tu ailles en fait.
RépondreSupprimerPeut-on juste aimer la musique de Twin Shadow sans penser aux prédécesseurs ? Juste pour ce qu'elle fait ressentir ?
RépondreSupprimerBien sûr ! Tout comme on peut ne rien ressentir en l'écoutant. Cet article n'a pas vocation à obliger qui que ce soit à quoi que ce soit, comme aucun article sur aucun sujet d'ailleurs sur C'est Entendu.
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