Matthew Dear, en sus d'être un DJ et musicien plutôt beau gosse, se fait aussi appeler Jabberjaw, Audion et False, autant de pseudonymes qui lui permettent, pas forcément chez Ghostly International (le label co-fondé avec Sam Valenti dont vous pouvez gratuitement télécharger la compilation-sampler) d'offrir une musique différente, tantôt dense aux relents techno (Audion), tantôt d'une sensibilité à fleur de peau (False, dont l'album "2007" est ce que Dear a fait de plus tortueux, complexe et vaporeux, un monument malgré sa difficulté d'accès) et de continuer à expérimenter différents styles musicaux, démontrant du même coup le large éventail de ses possibilités. Ces nombreuses routes suivies quasi-simultanément l'obligeaient, à un moment ou à un autre, à effectuer le retour aux bases qu'est "Black City".
(You put a smell on me)
(You put a smell on me)
Avec Dear, on a le droit d'être surpris, de déposer le disque sur le lecteur et de s'attendre à être bringuebalé en tous sens comme sur la Grand Roue mais sans jamais pour autant être bousculé au point de rendre son brunch, et au regard de ses albums passés, "Black City" est un résultat logique en fin de compte. Dans la Cité de Gotham que Dear décrit, les clubs son remplis, les rues sont sombres, mal famées, les phares des automobiles sont autant de stroboscopes qui aveuglent le citoyen. Comme à l'époque de "2007", les beats sont acerbes, noirs et profonds, mis à part qu'ici, les mélodies font mouches, sont moins aériennes, plus pragmatiques. Aux cotés de plages lugubres, on découvre des chansons telles que Little People (Black City) ou encore You Put A Smell On Me (une référence odorante à la chanson de Screaming Jay Hawkins), écrites pour ces clubs nocturnes dans lesquels la population de la Ville Noire danse et où les corps se caressent avec langueur et exaltation.
(I can't feel)
L'album repose en fin de compte sur cet oxymore d'une froide chaleur : les lignes de basse (il convient d'écouter Honey et I can't feel, les deux premières pistes, au casque, de nuit, sans aucun bruit parasite, afin de se rendre compte des ondes funky-corticales qu'elles exhalent) et la rythmique électronique créent le genre de groove cérébral cher à des groupes tels que Talking Heads ou The Knife : elles vous font remuer comme sur de l'afrobeat au moyen de sons plus-blancs-tu-meurs et c'est votre ciboulot qui danse, pas vos guiboles. Dans le même temps, les mélodies fantomatiques glacialement entonnées par Dear sont autant de repères colorés, de gilets fluorescents de signalisation au cœur de la nuit éternelle qu'il décrit, et l'on se prend même à chanter avec lui que l'on n'est qu'animal ("I am a monkey in my monkey tree" in Monkey), tout citadin décadent que l'on soit.
Cette Ville Noire semble vêtue de ses plus sexy atours, son décolleté laissant place à l'imagination, mais elle n'en cache pas moins son jeu. De nombreuses écoutes seront nécessaires pour s'acclimater à tous les sons et pouvoir admirer les tréfonds de la cité imaginée par Matthew Dear et ce même si "Black City" est, il faut bien l'avouer, son disque le plus abordable.
Julien Masure & Joe Gonzalez
oui intéressant mais pas trancendant, je m'attendais à beaucoup trop de ce disque en fin de compte et sur la durée ça fait un peu flop ! Mais bon comme il vient au transmusicales de rennes, je peux revoir mon jugement de la même façons que j'avais revu celui de Fever Ray l'an dernier, tiens d'ailleurs, il ya quelques point commun entre leur albums respectifs je trouve.
RépondreSupprimerJe viens de l'écouter et ça tient peut être à mon passé personnel, mais, à trente ans (et même presque quarante!) de distance, cet album me fait sérieusement penser à Brian Eno...
RépondreSupprimerAsa Breed était tellement mieux... Qu'est-ce qu'il lui est arrivé à Matthew ? Il a l'air tout déprimé sur cet album. J'aimais son côté plus fêtard moi.
RépondreSupprimer"Son disque le plus abordable" : pas d'accord. Sur Asa Breed y'a que des tubes !
RépondreSupprimerDisons le plus abordable pour TOUS : ceux qui aiment moins son côté "tube club" sont servis ici puisqu'il y a aussi des choses plus introspectives (ce que tu trouve "déprimé" eh eh).
RépondreSupprimerOuais je me doutais bien que l'intérêt récent que lui portent les rockeux devait s'expliquer par quelque chose comme le côté "introspectif".
RépondreSupprimerBen justement, tout l'intérêt de Matthew Dear, je trouve, c'était de faire de l'electro qui sache être par moments, pas vraiment introspective, mais un peu chelou, un peu glauque, sans être juste hédoniste. Il faut écouter des morceaux comme "Elementary Lover" ou "Will Gravity Win Tonight ?".
Sur son dernier album, j'ai l'impression qu'il sacrifie carrément du groove au profit de chansons pas si bien que ça...