C'est entendu.

lundi 4 octobre 2010

[Réveille-Matin] Alain Bashung - Samuel Hall

"Tu f'rais mieux d'nous pondre un truc qui marche, mon garçon."

Ça y est, ce coup-ci c'est vraiment officiel : Alain Bashung est bel est bien mort (*1). On peut enfin revenir sur sa carrière avec un peu plus d'objectivité et un peu moins de larmes au coin de l'œil ; se dire, par exemple, que "Bleu Pétrole" est définitivement bien gris face aux deux albums qui l'ont précédé, et qui sont sans doute les deux plus grandes réussites de Bashung : "L'imprudence" et "Fantaisie militaire", dont est tiré l'extrait d'aujourd'hui.

"Acheté une livre et demi de viande hachée. Haricots en boîte + chips."

Alain Bashung est souvent considéré comme l'auteur principal de ses chansons. C'est complètement faux, mais paradoxalement, plus Bashung s'éloignait du processus de composition, plus il était reconnu comme étant un grand artiste qui détonnait dans le paysage français, alors même que la réalisation de ses albums se déroulait peu ou prou de la même manière que pour Johnny ou Michel Sardou : des musiciens choisis par le label travaillent sur des idées lancées par le chanteur, qui passait voir à la fin si ce qu'ils avaient pondu lui convenait (*2). Impossible de créer un chef-d'œuvre de cette manière, me direz-vous : c'est vrai que Bashung n'a rien d'un chanteur de la Motown.


"Avale, me disais-je, allez, avale."

Alors expliquez-moi, bon Dieu. Expliquez-moi comment un texte comme celui de Samuel Hall, inspiré par une chanson du XVIIIe (*3), un texte qui n'est pas de Bashung, couplé à ce jam qui devrait être de la masturbation guitaristique chiante comme la pluie mais qui ne l'est jamais, et à ce sample de batterie contre lequel DJ Shadow aurait vendu sa maman, expliquez-moi comment Bashung débarque là-dedans, lit le texte, et c'est comme s'il mettait le gâteau sous la cerise.

"Glisser le carbone + papier dans la machine, et au travail."

Car on peut tout enlever à Bashung. Même la vie. Mais ce gars-là, avec son passé de chanteur de charme devenu rockeur hésitant puis poseur élégant, ce gars-là a une voix, et il le sait. Il sait que quand il commence à déclamer "Je suis parti à 15h30. J'étais fatigué, j'avais mal", après qu'ait démarré la non-ritournelle composée par Rodolphe Burger, électron libre habitué des studios pour des artistes plus ou moins prestigieux, il sait que pour quelques minutes, il est Samuel Hall, et personne n'en doute. Absolument personne.

"Allez au diable. Je m'appelle Samuel Hall. Je vous déteste tous."


Joseph Karloff



(*1) Sisi.

(*2) Pour en apprendre plus sur cette évolution, et plus globalement sur la vie de Bashung, je vous recommande l'excellente émission qui lui a été consacré cet été sur France Inter, "Bashung, de l'aube à l'aube", et que vous pouvez réécouter ici.

(*3) La chanson originale contient les paroles "My name is Samuel Hall, and i hate you one and all", qui seront reprises dans la version de Bashung (dont le texte a été écrit par l'écrivain Olivier Cadiot).

6 commentaires:

  1. Pas mal cet article. Le tout début et la toute fin font un peu trop "grosse sentence définitive puissamment journalistique", ou "bonne formule à trois euros", mais à part ça, et donc dans l'ensemble, c'est un chouette article. Ceci dit d'après moi le dernier album est de loin le meilleur, largement supérieur aux deux précédents, qui sont néanmoins excellents. Le dernier album c'est indicible. "Là un dard venimeux, là un socle trompeur"... "Les capitales sont toutes les mêmes devenues"... "Comme un damier, comme un légo
    Comme un imputrescible légo
    Comme un insecte mais sur le dos"... "On voit de toutes petites choses qui luisent
    Ce sont des gens dans des chemises".......

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  2. Trois euros ! Je prends, merci ! Je débute dans le jounalimse non rémunéré, je vais essayer de me débarrasser de ces tics énervants pour en développer d'autres encore plus énervants.

    Et pour Bleu Pétrole (0% écrit par Bashung), apprendre que c'est Gaétan Roussel qui s'est chargé de la majorité des compos/textes ne m'a pas tellement surpris. C'est un peu "facile", quand même, et bon, vu les circonstances, on peut imaginer que les dithyrambes qui ont accompagné la sortie de l'album étaient légèrement influencées par l'état de Bashung...

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  3. C'est un peu étonnant ta manie de systématiquement chercher à savoir si l'interprète a écrit ou non ses chansons... C'est une politique des auteurs un peu naze. On s'en branle qu'il les ait écrites ou pas, et on s'en branle aussi de savoir pourquoi les médias l'ont encensé. Perso j'ai écouté l'album pour ce qu'il est, sans penser au cancer avancé de Bashung, et je l'ai trouvé non seulement sublime mais d'une rare liberté et d'une rare, trop rare, de plus en plus rare poésie. Tu l'as peut-être moins aimé mais j'espère pour toi que ça t'est pas venu en découvrant dans le livret que Bashung n'a pas écrit les textes lui-même, ou en te disant devant la télé: "ils disent ça parce qu'il va clamser". Si c'est parce que tu as trouvé ça "facile", je suis pas d'accord avec toi mais soit, c'est déjà plus "intéressant".

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  4. C'est vrai, j'ai cette manie, mais parce que je trouve que c'est quelque chose de fondamental. Et justement, ce qui est très fort avec Bashung, c'est qu'on ne s'en rend pas compte.

    Mon pinion sur Bleu Pétrole, je me la suis forgée en écoutant l'album à sa sortie. Le coté un peu facile, un peu variété des compositions de l'album ressort encore plus sur un live acoustique qu'il a donné pendant sa tournée promo (et qui est quelque part sur Youtube). C'est très récemment que j'ai appris que Gaétan Roussel était le coupable.

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  5. Dans la mesure où il est considéré comme un artiste, on est en droit de savoir qui a réellement fait quoi. La culture du résultat, c'est ce qu'on appelle le business.

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  6. Trip-hop, Bashung ?!!

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