C'est entendu.

jeudi 6 mai 2010

[They Live] Mon énième nuit avec Efrim et Anton, ou "en quatre ans, mes héros ont vieilli"

Mon avis sur les comptes rendus de concerts, c'est qu'ils sont au moins autant fastidieux à écrire qu'à lire, et qu'à moins d'avoir vu un concert véritablement extraordinaire, avec une trivia de dingue, ou bien d'avoir vu plus loin que le concert en question et d'en avoir tiré un enseignement, le seul intérêt de ce genre d'article est de renseigner les amateurs quant à ce qu'ils doivent attendre de la part de ces artistes. C'est une sorte de guide de l'acheteur : "vous allez mettre 20 euros dans un billet, voici ce qui vous attend !" Ça peut aussi, éventuellement, être une madeleine de Proust pour ceux qui "y étaient" qui seront alors heureux d'y trouver photos ou vidéos, voire un point de vue différent du leur, afin de reconsidérer leur expérience, mais en règle générale, un "They Live" a une chance sur deux de vous agacer et si vous râlez à chaque fois que vous en voyez un poindre ici-bas (comme c'est très régulièrement le cas ces temps-ci), je ne vous jetterai pas la pierre.

L'autre jour, je suis allé voir Thee Silver Mount Zion en concert. C'était la quatrième fois et je n'ai donc pas été extraordinairement ébloui, ni n'ai noté tant de différence entre cette prestation et les précédentes, et Dieu sait que ces canadiens ne sont pas le genre à vous surprendre en donnant un concert hors des clous ; si bien que depuis deux semaines maintenant, j'ai remis cet article à plus tard tant la perspective de trouver QUOI vous raconter me glaçait d'effroi, jusqu'à ce que je me décide enfin, et ça commence tout de suite, accrochez-vous, avec la première partie, Montreal On Fire, un groupe du coin qui n'était pas si poisseux mais sonnait tout de même comme The Cure, sauf qu'ils jouaient des triples croches à la Mogwai tout le temps avec un son Nü Metal. Rien de très étonnant à ça, à chaque fois que j'ai eu le privilège (suffisamment d'oseille pour me payer la place) de voir le Zion Memorial Orchestra, la première partie était à mille lieues de leur univers, pour ne pas dire foireuse.

AH mais je ne vous ai pas dit, j'ai aussi vu le Brian Jonestown Massacre, même salle, une semaine plus tard, que j'avais vus à une semaine d'intervalle de Silver Mount Zion en 2006, dans une autre salle. Quatre ans ont passé et les deux groupes reviennent et je ne voulais pas y aller, je peux vous l'avouer, je n'avais ni l'envie de retrouver Efrim Menuck (de Thee Zion Memorial Tralala Band) ni le désir brûlant de revoir Anton Alfred Newcombe. Pourquoi ? La peur d'être déçu, je suppose. Il faut dire que les concerts de 2006 étaient d'un niveau stratosphérique : les canadiens avaient défouraillé ce qui allait devenir leur meilleur album ("13 Blues for 13 Moons," 2008) avec une puissance sonore incomparable, et une formation à sept dressée comme un canasson puis un BJM post-Dig! auquel la mascotte Joel Gion s'était récemment regreffée avait envoyé deux heures et demi de boucan, de confrontation (avec un public débile), de sang (Gion s'était ouvert la main avec son tambourin) et était parti en laissant trainer un larsen dégueulasse en réponse à un public avide de guéguerre, parmi lequel des connaissances à moi qui tirèrent une ou deux pédales BOSS au groupe dans la confusion générale. Après ça, après quatre années, deux albums discutables (voire indiscutablement moches selon moi) du BJM et un dernier disque pas-mal-mais-pas-au-niveau de SMZ, je n'avais pas de raison particulière d'aller remplacer mes souvenirs par d'autres, moins forts (oui, j'ai une mémoire limitée, et mes 4 ou 5 Giga Octets sont très vite remplis, il faut que je grave par-dessus).

J'y suis tout de même allé, vous l'aurez compris, et je ne l'ai pas vraiment regretté, les deux concerts m'ont beaucoup plu, tout comme à l'assemblée (certes bien plus clairsemée pour SMZ que pour le BJM), mais durant les passages les moins intenses, c'était au jeu des septs différences que je jouais et à ce jeu-là, 2010 a paumé. Mes collègues m'avaient pourtant prévenu : "Efrim fait des blagues entre les morceaux." C'était d'ailleurs plutôt amusant, ses références à Montreal et au mauvais exemple donné par la France quant à certains détails d'urbanisme, les piques envoyées à U2 ou la remarque "We always lose some people with that song" après avoir joué 'Piphany Rambler. Cela ne suffit pas, cependant, à combler un set, certes plus que correct mais très loin de l'intensité à laquelle le groupe avait pu m'habituer. Une puissance directement issue de la cohésion de sept musiciens, pas un de plus, pas un de moins, d'un même niveau de maitrise et liés par une tension permanente qui en faisait une machine de guerre punk sans peur ni reproche. Le one-man-show d'Efrim était plaisant, mais cela participait d'une dynamique différente, tout comme la perte de deux musiciens (hautement préjudiciable lors de la mise en place des canons chantés, notamment à la fin de Dead Marines) et le remplacement du batteur (par un étrange hybride de Will Sheff et Bradford Cox, doué derrière les fûts, mais loin du niveau des autres membres du groupe) ou l'abâtardissement des versions originales de certaines chansons. Certes les titres issus de "Kollaps Tradixionales" me touchent moins (même si le final de There is a light aura été brillant) mais c'est moins par un affaiblissement de son répertoire que le Memorial Zion Band m'aura moins touché, que par l'attitude et j'ose dire l'âge de ses membres. Efrim et Jessica ont eu un enfant, Sophie a pris du poids et porte des lunettes, GODSPEED SE REFORME, enfin quoi, le groupe vieillit, et son statut de monument du punk moderne en prend un coup lorsque les musiciens apparaissent presque comme... des hippies d'une certaine façon, vivant sur la route, en communauté, jouant désormais de plus en plus d'accords majeurs, et abandonnant avec le temps les slogans révolutionnaires pour une imagerie poétique et un calme plat (quid de la violence bouillonnant au sein de "13 Blues for 13 Moons" lorsque retentit 'Piphany Rambler dans nos oreilles ?). Loin de moi l'idée de reprocher à ces gens-là de prendre de l'âge et de changer, simplement, si le plaisir y est toujours, la passion passe son tour.

L'affaire est la même avec la bande d'Anton. Le concert fut pourtant encore plus fort (il en faut beaucoup, croyez-moi, pour que je saute frénétiquement en hurlant les paroles d'une chanson au milieu d'une foule) et on sait tous pourquoi : le Brian Jonestown Massacre était quasiment au complet ce soir-là. Anton, bien sûr, Joel, toujours, mais aussi et surtout Matt Hollywood, mon chouchou, qui, avec sa gueule de John Lennon Junior a tout de même composé et/ou chanté parmi les meilleures chansons du BJM. Si leur précédent passage avait été brut, violent et furieux, celui-ci s'est apparenté à une revue pop : un public plus jeune ayant grandi avec Dig! était venu en masse applaudir le retour de ce qui est désormais une troupe dont la place pourrait être dans un Musée (dans le sens où aucune composition tirée des deux derniers LPs - sur lesquels Newcombe est seul aux commandes - ne sera donc jouée), aux côtés des Rolling Stones ou de Gary Numan. Malgré quelques tentatives de souffler sur des braises inexistantes de la part de quelques abrutis dans l'audience, poliment ignorées par les musiciens (à un "You cunt !" Matt Hollywood répond "Someone's been learning English with British television..."), l'ambiance était au beau fixe, peut-être même trop détendue (Anton, muet comme une carpe ce soir-là, finira par lâcher un "This is the best club ever, man. I've been everywhere, to Australia, to Japan, and you have the best club in the world, it's fuckin' great.") et c'est ce que je craignais avant que d'apprendre la présence de Matt Hollywood, dont les chansons (forcément absentes en 2006) furent de grands moments : Cabin Fever, Not if you were the last Dandy on Earth, et mes favorites Got my Eyes on you et Oh Lord (celle qui activa le trampoline savamment planqué dans mes guiboles).



(That Girl Suicide)

On parle d'un nouvel album, auquel participerait Hollywood cette fois, et chanté exclusivement en français. L'effroi s'impose, mais en attendant, si la mort créative du BJM peut être estimée aux alentours de 2005, et si sa légendaire rage sur scène semble avoir périclité, ces dinosaures-là ne se moquent pas de vous, et peuvent encore tenir en laisse une salle comble avec autant de répondant pour chaque morceau joué (des débuts de 1995 à 2005) pendant deux heures et demi, avant que les lumières ne se rallument, et que les deux petits nouveaux (basse et guitare) ne viennent passer quelques minutes de plus avec vous, micro en main, chantant par-dessus le disque lancé par la salle, et vous promettant de revenir dans les douze mois. Il n'y aura probablement rien de neuf à se mettre sous la dent, mais cette fois, je n'hésiterai pas.


Joe Gonzalez


P.S. : Les vidéos du concert Toulousain du Brian Jonestown Massacre sont signées TheRetroPanda et la photo de Matt Hollywood est empruntée à Pierre de Soit dit en Passant.

6 commentaires:

  1. SALUT JE SUIS PAS D'ACCORD JOE, T'ES QU'UN VIEUX CON.

    Non, c'est à propos de A Silver Mt. Zion, que j'ai eu la chance de voir 2 FOIS en l'espace d'un MOIS à Paris (dans la même salle... heu, ouais, bizarre). Bon, pour la première date, ils étaient fatigués, mais pour la deuxième, c'était formidable, puissant, toujours aussi fort malgré le fait qu'ils ne soient plus que 5, et avec des interprétations épiques des morceaux du dernier album que, DE TOUTE FAÇON, joe n'a pas vraiment aimé, le coquin. Pour moi, y'a pas vraiment de baisse de régime due à l'âge, je veux dire, leur album le plus violent, c'était leur précédant, donc je ne vois pas en quoi Kollaps serait le signe de la vieillesse ou de l'impact du bébé d'éfrim et jessica. Tout ça pour dire que ASMZ en live, c'est toujours aussi bien qu'en 2006 pour moi. Ouais.

    ET SOPHIE A JUSTE PRIS UN PETIT PEU DE POIDS, ÇA VA, ARRETEZ BON SANG, C'EST LA PLUS JOLIE.

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  2. Ayant digéré la prestation des BJM, l'impression d'après concert a depuis bien pris racine. C'était vachement mieux en 2006 !

    Pourtant j'ai fais un effort pour le nuancer cet avis, en me disant par ex " Ouais mais en 2006 il y avait la surprise, la jouissance de la première fois ".
    C'est ptet l'âge comme tu le dis, Joe mais j'ai sentis le groupe lassé de jouer. Les chansons s'enchainaientt sans ferveur. Et cette ferveur c'est vraiment là ou réside (résidait?) l'interêt du groupe. Methodrone ça tourne sur deux accords mais ça t'emporte.
    Il n'y avait qu'a voir la bouille de Joel, le tambourrin man. Où était passé sa nonchalence joyeuse et communicative d'il y a 4 ans ? Là il avait juste l'air de s'emmerder.
    Alors ouai la setlist était cool et c'était un vrai plaisir d'entendre jouer cabin fever, mais j'étais pas venu pour me comporter comme avec de la junkfood.

    Je pourrais pas être plus d'accord avec toi Joe, quand tu utilises "stratophérique" pour parler du concert de 2006. Mais pas seulement pour les raisons que tu cites. C'était un peu destroy mais il y avait plus de lien entre le groupe et le public. Anton devrait peut être se remettre a la vodka sur scène. Car cette fragilité, il la transmettait dans son jeu. J'en reviens à la setlist, celle de 2006 cette fois. La présence de feel it est a elle seule synomyse de vie dans le jeu du groupe. Je me rappel aussi de ce jam d'un quart d'heure, plus que déléctable.
    J'ai planné ya 4 ans pour, cette année, atterir sur un best off. Mouais...

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  3. Le BJM ca donne envie. Sauf que je l'ai loupé à Paris. Parce que je ne sais pas comment savoir quels concerts il y a à Paris. Vous vous renseignez comment, Parigots?

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  4. Moi j'aurais bien aimé aussi... J'ai loupé parce que j'avais peur d'entendre les morceaux des derniers albums pourris, et parce que j'avais pas 17 euros à foutre là-dedans, puis j'avais mieux à foutre aussi :D

    PS: C'est un bon They Live, en grande partie parce qu'il est extrêmement bien écrit.

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  5. +1 en effet, je l'ai lu en entier !

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