Si vous croyez qu'il a fallu attendre le 21ème siècle pour que les geeks sortent de leurs chambres, prennent un micro et chantent leurs univers fantasmés, vous vous mettez le pouce dans l'œil jusqu'au bassin, parce qu'en 1979, Gary Numan enflammait l'Angleterre avec une musique synthétique inspirée par J.G. Ballard, un look d'androïde androgyne et une voix de nerd à peine pubère. A la base, rien qu'un gamin timoré qui avait du passer des heures devant son miroir à chanter du David Bowie période "je-m'amuse-avec-Brian-Eno-en-Europe" et rêvait parfois, dans son lit, aux claviers de Kraftwerk et à leurs sonorités si modernes, juste un ado comme tant d'autres à cette époque, qui s'étaient dit eux-aussi qu'ils allaient faire la musique du futur avec des Moog de partout, ces boutonneux économisant l'argent qui aurait pu leur servir à s'acheter de la lotion anti-acné pour créer une série de groupes sans doute pleins de bonnes intentions (OMD, The Human League, Depeche Mode) mais qui étaient quand même foutrement timorés et mous du genou, cherchant parfois à s'opposer de manière proprette à un punk déjà mort en affirmant que les guitares électriques, voire même le rock, c'était has-been. Ce qui fit la différence, et la raison pour laquelle Numan parvint au sommet des charts (avec son premier album, "The Pleasure Principle" mais également le deuxième album de son groupe Tubeway Army, "Replicas," sorti lui-aussi en 1979), c'est qu'il n'envisageait pas les choses de la même manière que ses prédécesseurs. Il ne voulait pas tuer le punk ou bannir les guitares mais simplement être une star, et il battit à plate couture ses concurrents en incorporant la hargne propre au rock de Bowie aux synthétiseurs de Kraftwerk, évitant ainsi l'écueil d'une synth pop trop mielleuse.
(Metal, en 1979)
Qu'on ne s'y trompe pas : malgré cette pochette venant d'un futur antérieur, les instrumentations entièrement synthétiques (à l'exception de violons qui s'insèrent miraculeusement au sein de quelques morceaux) et ces sonorités froides, rêches et métalliques, Gary Numan faisait du rock, conservant une vraie batterie en lieu et place des boites à rythmes pourtant à la mode à l'époque, et avait tout simplement mis de la distorsion et des effets sur autre chose que les six cordes d'une guitare. Il suffit d'écouter Metal pour s'en convaincre : le clavier gras joue un riff robotique, rejoint rapidement par une basse dont le groove mécanique est accentué par le son tranchant de la charleston. L'énergie est palpable, réelle et les sons synthétiques n'ont rien à voir avec ceux plus légers que pouvaient avoir les autres groupes à l'époque. Ici, ils sont lourds et oppressants, vibrants dans un écho terrifiant, formant une sorte de drone grave qui devient un véritable brouillard assourdissant à la fin. Et sur ces amas de sons, Numan qui venait sans doute de relire Philip K. Dick, chante avec sa voix juvénile comme un pinocchio robotique rêvant d'être humain.
Emilien Villeroy & Joe Gonzalez
P.S. : Comme toute bonne popstar, Numan ne connut qu'un succès éphémère, mais il eut néanmoins la bonne fortune d'inspirer Trent Reznor au moment de la gestation de Nine Inch Nails... et pas qu'un peu ! Reznor eut la bonne idée en 2009 d'inviter son ainé pour quelques dates et c'est en voyant Nine Inch Nails jouer Metal POUR Gary Numan que l'on prend toute la mesure de cette indiscutable filiation.
Oé oé oé c'est vrai que le lien avec NIN est flagrant. Il n'empêche que malgré l'instrumentation à laquelle j'adhère (lourd et oppressant ce sont effectivement les mots: j'aime !) ce style de voix m'irrite à un point assez surprenant. Mon oreille le perçoit comme un fil bien tendu sur le point de rompre, la voix de Numan m'irrite jusqu'au plus profond d'un bout d'ongle que j'aurais déjà coupé. Et voilà, 7h31 puis 7h34 (oui, je réécoute toujours avant de publier...) à lundi sur ce, bon pied, bonne oreille ^^
RépondreSupprimersans parler de la filiation physique entre les 2 hommes je trouve
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