Je ne savais pas quoi faire de cet album. Mes doutes ont perduré un mois durant lequel j’ai souvent envisagé de le détruire, de partir loin pour oublier toute la rage et la confusion qui s’emparaient de moi. Après force écoutes, consultations et revirements, un diagnostic douloureux est malgré tout apparu : il est bien.
Pour le fan ou même le simple sympathisant, le plus dur est sans doute d’oublier qu’il s’agit bien du Brian Jonestown Massacre et de se contraindre à voir l’objet comme un projet solo d’Anton Newcombe et quelques autres. L’heure n’est plus au revival sixties anarchique, à la folie merveilleuse qui fait de Dig ! l’un des meilleurs films des années 2000. Cette première phase passée, un second écueil apparait : ne pas se laisser aveugler par ce changement, au point de se lancer dans des phrases du genre «Quel courage ! Une telle évolution ! C’est forcément génial !» La récurrence du point d’exclamation est un signe clair des limites de la démarche. Certains osent même évoquer «l’album de la maturité» voire même s’autorisent le blasphème en affirmant avoir jusque là toujours préféré le film à la musique.
La meilleure option reste de bloquer une heure dans son agenda pour explorer les choses par soi-même : cet album s’appréhende difficilement, et sa conception le rend réellement protéiforme et complexe (Anton aurait fait jouer ses musiciens au dessus de vieux enregistrements pour créer de nouvelles chansons…). Écoutez le en entier, en désordre, avec les vidéos, en ayant bu, à jeûn, en le passant à l’envers tout en égorgeant une chèvre s’il vous en vient l’envie. Ou mieux allez voir là-bas.
La plupart des chansons se présente comme un mash-up réinventé et puriste, référencé mais pas aussi lourd qu’à première vue. Les Fab Four récoltent bien sûr leur quota de citations, du titre de l’album jusqu'à l’utilisation de bribes d’interview de Lennon, mais on trouve aussi un visuel emprunté à 16 Horsepower pour la vidéo de Someplace else unknow ou encore des emprunts flagrants à Joy division sur This is the one thing we did not want to have happen. Certains s’en plaindront mais nous sommes en 2010 et les artistes électro font ça depuis des siècles alors ne soyons pas prudes.
Dans un registre plus contemporain qu’auparavant (le néo-psyché vaguement électro) ce nouveau Brian Jonestown Massacre met une claque à pas mal de monde et relève le niveau de leurs derniers albums. On pense à Health pour le plus valorisant, mais aussi à tous ces groupes de Brooklyn ou d'ailleurs faussement avant-gardistes. Anton, lui, est trop fou pour ne pas être sincère quand il place des boucles assénant "Let’s go, fucking mental !" Et cette honnêteté s’entend. Qu’importe la forme qu’elle prend, cette musique a conservé l’essentiel : le souffle, l’élan vital qui faisait la force d’un "Take it from the man" ou "Their satanic majesties' second request."
Let's go fucking mental
"Who killed sgt Pepper ?" pèche néanmoins souvent par excès. A commencer par des musiciens beaucoup trop sérieux, ce qui est bien la dernière chose dont a besoin le BJM. Le son en devient bien lisse et fait perdre beaucoup de son charme au groupe. Même en photo ils semblent désespérément sages. Il est clair aussi que des 73 minutes que dure l’album, vingt au moins sont dispensables. Il y a toujours eu des rebuts chez le BJM mais ici le nombre de morceaux évoquant une bouillie insipide et pleine de graisse approche vraiment le seuil limite (White Music, This is the first of your last warning,...). Enfin, ce qui plombe durablement "Who killed sgt Pepper ?" tient en cette question : Où est Joel ? Comment le seul groupe à porter haut l’étendard du tambourin a-t-il pu le troquer contre l’un de ces milliards de synthés qui pullulent de toutes parts (et doivent avoir désormais dépassé les guitares en terme de chiffres de vente) ?
"Who killed sgt Pepper ?" est un album insupportable, décevant, bancal, mais qui continuera de squatter mes platines encore pas mal de temps. Et il y a même des risques de le retrouver dans mes tops de fin d’année. Vous pouvez me lyncher.
Arthur Graffard"Who killed sgt Pepper ?" est un album insupportable, décevant, bancal, mais qui continuera de squatter mes platines encore pas mal de temps. Et il y a même des risques de le retrouver dans mes tops de fin d’année. Vous pouvez me lyncher.
Ah le voilà le poisson d'avril de c'est entendu. :D
RépondreSupprimerTrève de boutade, je me demande qu'est ce qu'il te plait dans cet album et surtout pourquoi tu le préfére au dernier?
Perso, j'ai l'impression que who killed sergent pepper s'inscrit ds la continuité de my bloody underground (que j'ai adoré, oui !) mais en fait quelque chose de fade, plat, vidé de toute substance. Mdu était hypnotique, fascinant, brutal et étonnamment cohérent. Une perle noire. Anton semblait s'être laissé déborder par son côté perturbé et nous entrainé avec lui dans un magnifique bad trip. Sur who killed.. Anton s'est juste laisser aller. L'album sent la flemme sous couvert de "je fais ce que je veux, je suis un génie qui vous emmerde". Chaque morceau est une boucle vide.
Brian Jonestown Massacre étant un groupe à morceaux, la question est juste: est-ce que le nouvel album contient les deux perles qui justifient qu'on s'enfile aussi le reste? Les gens disaient beaucoup de mal du dernier disque, par exemple, mais Golden Frost était excellente.
RépondreSupprimerSalut à vous!
RépondreSupprimerSébastien: Je ne vois pas vraiment les choses comme toi, pour moi la continuité entre MBU et Who killed n'est pas évidente du tout. J'avais eu beaucoup de mal avec leur précédent album qui était globalement plus proche de leur style historique mais en beaucoup plus plat. Pour le dire simplement, je m'ennuyais en l'écoutant. Mais tes lignes me poussent à redonner sa chance à MBU, peut être que je suis passé à côté de quelque chose...
Matador: Golden Frost n'était pas mal mais ça tenait plus à "l'ambiance" que dégageait le morceau qu'à la composition non? Pour Who killed... j'ai justement aimé l'album par contagion, en commençant par scotcher sur This is the one thing[...] et le morceau d'ouverture puis Detka, Someplace else unknow, etc...
Pour le coup, je trouve que Tempo 116.7 est un très bon morceau.
J'avais trouvé My Bloody Valentine complètement pourri et chiant, et celui-là semble effectivement s'inscrire dans sa continuité puisque les deux chansons disponibles dans l'article m'ont foutu un cafard de tous les diables. J'ai le bourdon.
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