C'est entendu.

mardi 16 mars 2010

[Vise un peu] Gil Scott-Heron - I'm New Here

Mea culpa ! J'ai la sale habitude d'être à côté de mes pompes quand il s'agit d'anticiper un disque de Gil Scott-Heron. Pendant longtemps je n'ai connu que ses deux premiers albums solo ("Pieces of a Man" et "Free Will", sortis respectivement en 1971 et 1972) et sa première collaboration avec Brian Jackson ("Winter in America" sorti en 1974) et je pensais, à tort, que l'âge et la drogue (dure) aidant, les nombreux autres LPs enregistrés par Gil durant les décennies suivantes, avec ou sans Jackson, seraient d'une façon ou d'une autre décevants, voire tristement ridicules. Dans la mesure où la demi-douzaine d'albums que j'ai découverts par la suite m'a convaincu, chacun à sa manière, j'aurais pu, j'aurais du me douter que ce nouvel album, signé chez XL Recordings (le label très inspiré de Richard Russell, qui s'occupe notamment des sorties de Radiohead, Beck ou encore Vampire Weekend) qui plus est, ne pourrait être le disque de papy, ringard et obsolète, que je semble tenir absolument voir Gil enregistrer avant de disparaitre (flinguez-moi).


(Me and the Devil)

"I'm New Here," autobiographie hésitant entre amertume, nostalgie et paix de l'âme est l'œuvre d'un vieil homme. Gil Scott-Heron n'est certes plus le jeune type fringant qui contribuait à inventer le rap avec The Revolution Will Not Be Televised ou qui rivalisait de groove sur le très sous-estimé (et un brin vulgaire) "Moving Target" (1982), et sa voix est celle d'un homme usé par les années, qui revient sur son enfance difficile (On coming from a Broken Home), ses addictions et ses multiples emprisonnements (Me and the Devil) de façon humble et sincère, avec l'aide de fans de la première heure, invités à participer à l'enregistrement (Damon Albarn joue du clavier et Richard Russell lui-même produit et co-écrit trois morceaux).

(Where did the Night go)

A l'image du propos, la forme est on ne peut plus modeste. En passant directement du blues urbain (New York is Killing Me) à la soul (I'll take care of you, en écoute sur votre gauche), de la folk (I'm new here) à un spoken word rèche et rappelant le trip hop de la fin des 90's (The Crutch), Gil (prononcer Guile) dessine un patchwork retraçant sa vie et sa carrière, sans pour autant s'y enfermer à double tour : l'album cite Kanye West, samplé sur les deux parties de On Coming From a Broken Home, et Gil reprend Bill Callahan (I'm New Here), Robert Johnson (Me and the Devil) et le soulman Brook Benton (I'll take care of You) en réinventant entièrement les chansons. "I'm New Here" est un livre ouvert, aéré par six courts interludes, qui se lit vite (moins de 30 minutes) et appelle à une relecture fréquente tant il est juste et touchant.

Richard Russell et Gil Scott-Heron

La vie de Gil Scott-Heron n'a pas été rose et, si j'espère que ce disque ne sera pas son dernier (auquel cas ma théorie du final en eau de boudin tomberait à plat), il n'en demeure pas moins un legs gravé sur microsillon offert à ceux qui ont tant appris de la musique de Gil (Russell le premier) et à ceux qui ne verraient en lui qu'un vieux schnoque. Avec "I'm New Here" il propose une fenêtre sur les rues de New York, telles qu'un vieux briscard peut les voir, désabusé, fatigué, se souvenant de ce qu'elles étaient et de ce qu'elles auraient pu être.



Joe


3 commentaires:

  1. Par contre ça mérite un prix de la pire pochette de l'année so far avec cette photo prise par un numérique à 50€ et passée en noir et blanc dégueulasse et ces titres colorés moches.

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  2. sur la réalisation, je dis pas, mais moi, la gueule burinée de Gil en gros plan, ça me plait bien.

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  3. C'est en réalité une photo prise par Richard Russell pendant l'enregistrement. Je la trouve plutôt bien, moi aussi. La pire pochette de l'année, je la donnerais plus facilement à Toro Y Moi, ou à Surfer Blood.

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