[Réveille Matin] Mansfield.TYA - On A Boat

Je me souviens, c'était il y a très longtemps, à une époque reculée où je lisais encore les Inrockuptibles et où leur festival annuel comprenait encore suffisamment d'artistes à mon gout pour que je tolère d'y assister. Je me souviens, c'était pour ce festival-là que j'étais allé à la Cigale, en octobre 2005, voir Cat Power surtout, sans savoir évidemment qu'elle allait devenir bientôt une chanteuse de saloon à la musique toujours aussi déprimante mais cette fois-ci involontairement. De cette soirée, j'ai retenu des images (Chan Marshall épuisée et The Organ qui avaient donné une chouette performance), de l'ennui (il y avait feu -et tant mieux - The Rakes...), mais si il y a bien eu un moment de pure brillance qui me revient toujours vivement, ce fut lorsqu'un groupe pas annoncé est arrivé sur scène en guise d'interlude impromptu entre deux artistes. Deux filles, apparemment françaises, qui avaient trop hâtivement lâché leur nom de groupe pour que je le comprenne, et s'étaient mises à jouer. Ce petit concert n'a duré que dix minutes, elles n'ont joué que trois morceaux. Ce fut le meilleur moment de la soirée. J'ai appris, un peu plus tard, que leur nom était Mansfield.TYA.

Oh, j'aurais dû vous parler d'elles l'année dernière, quand elles ont sorti leur très réussi second album, intitulé "Seules Au Bout de 23 Secondes," mais l'oubli et le temps qui passe en ont décidé autrement. Que ce maigre article ait valeur d'erratum navré. Parce que Mansfield.TYA est véritablement l'un des meilleurs groupes français apparu durant les dix dernières années (avec quelques autres) et que quiconque n'a jamais vu ce duo en concert a manqué quelque chose d'extrêmement puissant. A l'époque, avec une formation originelle pourtant dépouillée, guitare-violon-voix, elles avaient interprété des morceaux intenses partagés entre le français et l'anglais, avec une conviction qui donne des frissons rien que d'y repenser. Je me souviens les avoir revues plus tard, avec toujours ce même enthousiasme. Mais ce premier soir-là, je me souviens parfaitement de Et demain déjà, de la façon dont tout s'était achevé dans une dernière explosion sonore éprouvante, des cris qui se noyaient dans le violon strident. Mais je me souviens aussi du premier morceau qu'elles avaient jouées. C'était On A Boat, extrait lui aussi de ce qui était alors leur tout récent premier album, "June." Je me souviens que pour créer ces sons étranges de cordes très tendues, Julia jouait autour du chevalet de sa guitare en chantant. Le violon, aussi, qui rappelait alors dans mon jeune esprit autant ceux de A Silver Mt Zion que de John Cale. Je me souviens que j'étais resté immobile au premier rang, très impressionné. Les images se dissipent peu à peu au fil des jours, mais reste la musique qui n'a rien perdu. Ce matin, il me faut corriger mes erreurs comme je le peux : Mansfield.TYA est un groupe génial, écoutez la force fantomatique sous-jacente de In A Boat, allez les voir sur scène, allez écouter leurs deux albums, vraiment.

J'aurais sans doute dû le dire plus tôt. Je le dis tout de même.

Emilien.