C'est entendu.

mardi 16 février 2010

[Vise un Peu] The Konki Duet - Ensemble, et Suzanne The Man - Let's Burn

Voilà une bien belle idée qu'ont eu les Boutiques Sonores l'année dernière. Ce qui n'était à l'origine qu'un réseau de distribution qui s'occupait de plus ou moins petits groupes en France depuis quelques années, aidant déjà parfois à produire, a décidé de franchir le pas officiellement et de carrément servir de label pour des artistes à eux en lançant BS Records. Et pour la première "vraie" sortie originale du label après des petites cassettes et vinyles l'année dernière, un concept curieux mais pas bête en ces temps difficiles pour le monde de la musique indépendante : sortir des split e.p. en 45 tours, lier des artistes qui n'ont pas forcément de rapports directs sur un objet commun où chacun propose un mini album, créant ainsi une sorte d'entre-aide collective et musicale. Un beau projet donc qui réunit pour cette première édition les chansons intimes et folk de Suzanne The Man, et la musique définitivement à part de nos favorites The Konki Duet.

Commençons par "Let's Burn" de Suzanne The Man. Derrière ce pseudonyme, il y a Suzanne Thoma, qui a composé, en parallèle de son travail avec différents groupes, des petites chansons folk dans sa chambre, démarche tout à fait simple et sans prétention, avant de finalement se dire qu'il serait plutôt intéressant de les mettre sur bande. Le résultat, c'est finalement un joli essai acoustique assez dépouillé à première vue qui repose principalement sur cette rencontre classique entre une voix et une guitare, ressassée mille fois mais, vraiment, peu importe, et proposé ici dans une tonalité assez légère, ce qui ne veut certainement pas dire superficielle. Non, plutôt une légèreté réelle, comme si le tout flottait un peu dans l'air chaud. Accompagnée par moments par de jolies cordes, qui dépassent la simple décoration quand elles frottent et murmurent sur la fin de Stargazing, Suzanne The Man chante d'une voix pure et teintée de quelques trémolos (qui rappelle parfois irrésistiblement certaines grandes dames de la folk américaine contemporaine) des morceaux plutôt réussis, quoique semblant parfois un peu prévisible, pas assez prenants.


(How the Owl Sang Last Night)

Ce n'est pas que la musique manque de personnalité ou de cœur, au contraire, il y a des ambiances toutes en réverbérations vaporeuses dans un morceau comme How The Owl Sang Last Night qui sont vraiment très réussies, rappelant un peu le travail d'un David Thomas Broughton, et sur le morceau le plus intime et simple avec ses accords à la Nick Drake, Flourishing, les voix se mélangent en un frêle final de toute beauté qui dépasse toute influence pour tenir debout de lui-même et en faire une chanson à l'ambiance troublante. Mais finalement, on ne peut réellement savoir (l'e.p. ne durant que 14 petites minutes qui passent bien vite!) si la musique de Suzanne The Man aurait de quoi tenir sur la longueur d'un album, et c'est pour cela que, sans être une véritable révélation, "Let's Burn" a valeur de belle introduction.






Cela fait maintenant près de 8 ans, peut être plus, que The Konki Duet existe, et chaque nouvelle sortie de ce groupe envers lequel nous avons une affection particulière est une espèce de petit événement qui, à coup sûr, nous prend à revers. Au fil des ans, le groupe a eu le courage (oui, c'est du courage) de n'avoir jamais voulu faire la même chose, de toujours avancer pour éviter de tourner en rond, et avec succès, quitte à perdre des gens en cours de route. Ainsi, ce nouvel e.p., "Ensemble", déjà sorti digitalement en août dernier, surprend immanquablement quand on essaie de le comparer aux précédents efforts du groupe, déroute même pour qui aurait encore en tête l'idée du groupe minimaliste et rêveur des débuts. Jouant toujours sur la synthèse d'influences qui viennent d'à peu près partout, qu'elles soient pop et synthétiques (ce que Kumi, claviers et chant, a mis en lumière avec son fameux projet solo dont on vous recommande l'album soit dit en passant), ou bien plus rock et distordues, le trio a tout de même décidé de monter l'intensité d'un cran pour cet e.p. et cela se ressent d'emblée, dès les premières secondes de l'étonnant Riff, quasiment instrumental avec ses ambiances envolées avec montée façon mini-post-rock. Rythmique soutenue (et en 7/4!), orgue sombre, guitares définitivement électriques, et batterie qui martèle avec force quand il faut, ah ça, personne ne pouvait s'attendre à pareil morceau, et le mieux, c'est que cette évolution puissante sied au groupe, et parait presque naturelle. Ça l'est d'autant plus sur le morceau titre, qui est magnifié par ces même violons, bon sang, oui, ces violons.

Mais ce qui est le plus réussi dans cet e.p., ce sont les choses pop bizarres qu'il contient, car nous avons affaire à un groupe pop ne l'oublions pas, à la croisée des chemins entre tout un tas de genres, d'instruments, d'idées, de langues même, rassemblant tout pour créer quelque chose d'hybride et original. Comme sur Isolée par exemple (que les plus malins d'entre vous ont déjà entendu dans le Peu Importe, volume 1), qui débute dans une étrange atmosphère avant de décider sans vergogne de devenir un tube avec un refrain génial et un pont aux cris désespérés. Dit comme ça, cela a l'air bancal peut être. A écouter, non, oh non non non, clairement pas. Tout se mélange sur ces 5 morceaux, de belles mélodies et des passages puissants, et le chant "à la Stereolab" qui ouvre le morceau Nothing But Love laisse place avec un naturel désarmant à un refrain lumineux qui semble faire le lien manquant avec ce qu'était le groupe du temps de "Mountain Mouton." The Konki Duet a pris de l'envergure et a su mettre à profit ce nouveau statut, tout en restant ce groupe décalé, mystérieux, un peu bizarre, vraiment.


(Nothing but Love)

Ce qui finalement lie cet e.p. avec le reste de la discographie du trio, c'est toujours cette tendance à ne pas aller là où il aurait été plus simple d'aller, et faire autre chose. Le groupe se fait un point d'honneur à toujours tomber à côté, parfois pas loin certes, mais toujours à côté, et à toutes les échelles, que ce soit d'une simple mélodie curieusement dissonante dans Isolée, ou d'une guitare qui tord l'harmonie par des bends étranges jusqu'à des variations globales impossibles à anticiper dans la plupart des morceaux. Oui, vous ne pouvez définitivement pas anticiper "Ensemble," c'est sa force, et cela donne finalement ce fameux paradoxe : cet e.p. est une heureuse surprise, et cela n'est pas une surprise du tout. En attendant un prochain album qui pourrait très bien être noise-pop ou alors drone-ambiant (franchement, comment deviner?), les cinq morceaux d'"Ensemble" affirment, une fois de plus, le talent de ce groupe auquel, de surcroit, personne ne pourra jamais retirer le mérite indéniable de ne pas prendre ses auditeurs pour des idiots.






Donc, vous savez quoi faire les amis, supportez les groupes qui en ont besoin, sortez la credit card, laissez vous happer par l'hypertexte pour aller sur le site des Boutiques Sonores et pour acheter ce split E.P., oui, vraiment, faites quelque chose.


Emilien.




N.B. : Wonderbar Die Konki Duett Photograff par Dorothy Smith

3 commentaires:

  1. une fille qui n'est pas Zoé Wolf16 février 2010 à 20:59

    On dirait que cestentendu aime bien The Konki Duet, ce qui tombe plutôt bien vu que Zoé de Konki aime bien cestentendu, comme en atteste son best of 2009 posté sur le site de clapping music.

    http://clappingmusic.com/

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  2. barnabé & flavie16 février 2010 à 23:26

    On connaît la photographe Dorothy, vous aussi ou c'est juste le hasard?

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  3. fichtre, merci beaucoup, vous la fille qui n'est pas Zoé Wolf mais qui a l'air de bien la connaitre quand même. dites-lui bien que cela nous fait très plaisir!

    sinon, barnabé et flavie, non non, on la connait pas, mais pour une fois, je me suis dis que je pourrais indiquer qui a pris une des photos qu'on pique n'importe comment sur l'internet pour décorer nos articles, ahem.

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