On l'a appris récemment, "Do Whatever you want all the Time" sera le chant du cygne de Ponytail, la faute probablement à des envies contradictoires ou, pour le dire plus simplement, la faute à la réussite des tentatives solo de Dustin Wong, le guitariste prodige du groupe. Auteurs de deux albums (dont le plutôt réussi "Ice Cream Spiritual", 2005), les cinq membres de Ponytail n'avaient pas changé la formule cette année : tandis qu'une batterie foldingue se démène en arrière plan et que la guitare de Wong trousse des décors oniriques Animal Collectivistes et des breaks rythmiques Deerhoofiens, des sons électroniques étranges parasitent les chansons que Molly Siegel "tente" de chanter (ou beugler), pas forcément de façon intelligible à la manière d'une Satomi Matsuzaki avinée qui ne parviendrait pas à conserver le microphone à proximité de sa bouche.
(Honey touches)
(Honey touches)
La qualité principale de cet imbroglio fluo (auquel la pochette et le titre de "Do whatever you want all the time" font justice) est en même temps son défaut : on se laisse difficilement trimballer dans les énigmes sonores extatiques du groupe, des "chansons" difficiles à appréhender avec clarté, des gimmicks pas évidents, un univers à part, psychédélique et bon enfant, mais lorsqu'on se laisser bercer par ce genre de voyages intersidéraux intracérébraux, la transe idiote (pléonasme) est à son comble (comme sur Tush) et on peut se laisser aller à un retour rétromaniaque à l'enfance désirée, au sourire béat et à l'oubli de soi. Tout ne fonctionne certes pas aussi bien (notamment lorsque trop de place est laissée à la guitare de Wong, comme sur AwayWay) mais la majorité des tentatives ici présentes de créer un maelström rétropop psychédélique est amené à terme et naissent ainsi de grands moments de partage psycho-physique para-hippie par le biais d'une musique libre, sur laquelle on s'imagine danser dans un festival (Easy Peasy) ou devant son miroir en faisant de l'aérobic lo-fi (Honey touches). La formule était peut-être vouée à ne pas se diversifier suffisamment et après deux albums réussis, Ponytail a établi une proposition musicale suffisamment personnelle et originale pour que l'on se souvienne d'eux en de bons termes. C'était peut-être le moment idéal pour splitter, après tout. Reste à estimer l'apport de Dustin Wong à l'art musical, mais ça c'est une autre histoire.
Ce trio suisse de math rock fait figure de revenant, aujourd'hui. Comme tous les intervenants de ce que l'on a appelé le math rock, le gros de leur carrière est derrière eux. Les Chevreuil, Don Caballero, Hella, 65daysofstatic et autres Cheval de Frise ont plus ou moins fait leur temps, une fois passée la moitié des années 00. Il est vrai qu'entre 2000 et 2005 (à peu près), ils avaient la côte, ces descendants du post-hardcore 90's (de Slint à Shellac en passant par Drive like Jehu et même des soldats de l'ombre comme Colossamite). On s'échangeait les cartes Panini à l'effigie de Zach Hill ou Steve Albini dans les cours de récré de HEC (Hipster Entertainment Central). On s'amusait à taper sur ses genoux en essayant de suivre les breaks des batteurs (les véritables stars de ces groupes-là). On avait retrouvé avec ce rock d'un genre nouveau la virilité (les groupes étaient plus ou moins tous composés de mâles) que le post rock et le métissage électronique de l'art pop laissaient de côté depuis quelques années déjà. On en redemandait et on écoutait Lightning Bolt. Et puis suffit. La formule était somme toute convenue et n'amenait pas bien loin en dehors de quelques frissons rythmiques, d'une énergie folle et de guitares acérées. Le math rock était voué à ne pas rester longtemps une mode mais il n'est pas mort pour autant, pas plus que le post rock n'est mort. Certains des groupes ont même survécu. Battles par exemple, tardifs mutants transgenre qui ont d'ailleurs contribué à la fin de l'engouement pour le math rock en faisant dévier l'attention sur leur version avant-gardiste, progressive, plus mélodique (et aussi plus laide, m'est avis) du genre.
(It comes from within)
Que penser alors d'un album de math rock publié en 2011 par l'un de ses représentants passés, un trio pas forcément très connu mais dont une paire de disques (l'EP "Nicholson", l'album "Man's rage for Black Ham") avaient fait partie du haut du panier il y a 6 ou 7 ans ? Ça n'est pas là une redite puisque d'une certaine façon, le propos s'est étoffé, c'est une sorte de pas en arrière pour mieux bondir ou de bond en arrière pour mieux faire un pas vers l'avant (je ne suis pas encore parvenu à me décider, et j'ai mieux à faire à vrai dire). La formule rappelle en effet davantage le post-hardcore de la fin des 90's. On y entendu du chant, des... mélodies et des constructions au format "chanson". Pourtant le son des guitares n'est pas vraiment passéiste, c'est plutôt une avancée en direction des chantiers ouverts par le Battles des débuts (Old Enough), avec ce que ça implique de sons hors du commun et pas forcément du meilleur gout mais avec aussi une certaine recherche mélodique dans la composition. On pense parfois même à des intonations vocales très en vogue ces dernières années chez Animal Collective et ses suiveurs (Fitness Wellness), sauf que celles-ci illustrent des bouillons math-rock à vocation pop où se croisent Deerhoof, Battles et McLusky. Toutes les compositions ne sont malheureusement pas d'un niveau suffisant d'intérêt (It comes from within, horripilante, Late night tale, à se tirer une balle) pour faire de l'album une alternative sérieuse à Battles pour quiconque place (encore) Battles au sommet des débats, mais quelques chansons font ici office de confiant retour aux affaires pour Honey For Petzi. Ça ne sera pas un revival math (le nouvel album pas terrible de Hella est là pour le prouver) mais si des rescapés de la vague mathématisantes se décident à publier des essais aussi ambitieux que celui-là à intervalles plus réguliers, on pourrait finir par se retrouver avec une descendance décente et enfin passionnante.
(It comes from within)
Que penser alors d'un album de math rock publié en 2011 par l'un de ses représentants passés, un trio pas forcément très connu mais dont une paire de disques (l'EP "Nicholson", l'album "Man's rage for Black Ham") avaient fait partie du haut du panier il y a 6 ou 7 ans ? Ça n'est pas là une redite puisque d'une certaine façon, le propos s'est étoffé, c'est une sorte de pas en arrière pour mieux bondir ou de bond en arrière pour mieux faire un pas vers l'avant (je ne suis pas encore parvenu à me décider, et j'ai mieux à faire à vrai dire). La formule rappelle en effet davantage le post-hardcore de la fin des 90's. On y entendu du chant, des... mélodies et des constructions au format "chanson". Pourtant le son des guitares n'est pas vraiment passéiste, c'est plutôt une avancée en direction des chantiers ouverts par le Battles des débuts (Old Enough), avec ce que ça implique de sons hors du commun et pas forcément du meilleur gout mais avec aussi une certaine recherche mélodique dans la composition. On pense parfois même à des intonations vocales très en vogue ces dernières années chez Animal Collective et ses suiveurs (Fitness Wellness), sauf que celles-ci illustrent des bouillons math-rock à vocation pop où se croisent Deerhoof, Battles et McLusky. Toutes les compositions ne sont malheureusement pas d'un niveau suffisant d'intérêt (It comes from within, horripilante, Late night tale, à se tirer une balle) pour faire de l'album une alternative sérieuse à Battles pour quiconque place (encore) Battles au sommet des débats, mais quelques chansons font ici office de confiant retour aux affaires pour Honey For Petzi. Ça ne sera pas un revival math (le nouvel album pas terrible de Hella est là pour le prouver) mais si des rescapés de la vague mathématisantes se décident à publier des essais aussi ambitieux que celui-là à intervalles plus réguliers, on pourrait finir par se retrouver avec une descendance décente et enfin passionnante.
Joe Gonzalez
Cette pochette de Ponytail est une ignominie.
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