Axel Willner avait fait sensation avec son premier album en 2007. Ce musicien suédois avait sorti un disque apparemment sans prétention, basé sur un concept simple et réalisé avec peu de moyens : des samples provenant souvent de chansons qu'on entend à la radio (Kate Bush, Fleetwood Mac, Lionel Richie, Coldplay…), découpés, montés en boucle, superposés et entièrement recontextualisés sur de nouveaux rythmes avec quelques sons en plus — le tout réalisé avec un logiciel gratuit et mixé en une seule prise la plupart du temps, sans retravailler quoi que ce soit.
Des myriades d'artistes et bidouilleurs amateurs ont dû essayer de faire de même sans parvenir à un résultat probant, alors que Willner a su s'attirer l'attention des amateurs de musique électronique et les compliments des critiques (souvent même dithyrambiques, au point que l'album fut le mieux noté de l'année 2007 selon Metacritic). Pas que sa musique fût particulièrement riche ni même complètement originale en apparence, mais "From Here We Go Sublime" faisait preuve de nombreux coups de génie, des pistes simples mais qui faisaient mouche (et transcendaient complètement les chansons dont elles étaient tirées) — Over The Ice, Everday ou Silent pour ne citer qu'elles.
(Over The Ice, sur "From Here We Go Sublime")
Pourtant, de nombreux auditeurs ne partagèrent pas l'enthousiasme des critiques — et pour cause : "From Here We Go Sublime" était un disque purement électronique, répétitif, et… trompeur ! Car les beats rapides et entraînants laissaient attendre, après une première écoute, un développement, une structure qui aboutirait à des tubes potentiels ou au minimum à quelque chose de dansant. Or rien de tout cela : cet album s'écoutait réellement comme de l'ambient, le contraste entre les boucles (microstructures) très dynamiques et les (macro)structures lentes, reposantes, enveloppantes, allait complètement à l'encontre de nos attentes et nécessitait un certain temps d'adaptation. Pour ma part, je trouve toujours "From Here We Go Sublime" très bon, les pistes possédant chacune leur propre charme, tenant à la fois de la froideur électronique et de la chaleur pop qui transparaît malgré tout (sans les niaiseries autour). Bon, l'album possède quelques défauts : The Little Heart Beats So Fast a un côté agaçant et je trouve quand même que Willner (ou quelqu'un d'autre) aurait pu corriger le gros bug qui fait un trou dans Sun & Ice. Mais à part ça, l'album est particulièrement réussi, et plus original qu'il n'y paraît.
(Everybody's Got to Learn Sometime, sur "Yesterday and Today")
Le deuxième album de The Field, "Yesterday and Today", avait d'autres qualités mais était aussi plus inégal. L'ouverture I Have The Moon, You Have The Internet n'était pas mauvaise mais un peu longue, et peu remarquable par rapport à ce qu'on avait entendu sur l'album précédent ; le sample d'Elizabeth Fraser des Cocteau Twins sur The More That I Do, quant à lui, avait de quoi taper sur les nerfs (à cause de la répétition, pas de la voix de Fraser — j'aime bien les Cocteau Twins). Mais trois des six pistes de l'album étaient des perles : une étonnante et touchante reprise d'Everybody's Got to Learn Sometime des Korgis, qui présentait à la fois chant et boucles répétitives (mariage réussi) ; le final Sequenced qui, sur un quart d'heure, faisait preuve d'une sorte d'illusion sonore qui donnait l'impression que la piste évoluait beaucoup plus que les autres sans que ça soit réellement le cas ; et l'éclatante Leave It, qui conservait le mode opératoire classique de l'artiste mais reste à ce jour l'une de ses plus belles pistes après Everday (du moins parmi ses albums — j'avoue ne pas avoir encore écouté ses EPs).
(Is This Power, sur "Looping State of Mind")
Quant à ce nouvel opus, "Looping State of Mind", eh bien… force est de constater que c'est le moins bon et le moins intéressant des trois. Pourtant, tout démarre bien : la boucle d'Is This Power, au tempo modéré mais assuré, laisse augurer du meilleur. La piste évolue lentement, comme d'habitude, puis un break vient à mi-parcours et fait prendre de nouvelles formes au rythme ; une structure plus évolutive que d'habitude, tout à fait bienvenue. It's Up There continue sur cette belle lancée, et suit aussi une structure en phases sur une boucle particulièrement dansante et réussie. Mais l'album s'essouffle une fois arrivé à la troisième piste. On revient aux structures habituelles des albums précédents, ce qui n'est pas forcément négatif en soi mais, piste-titre mise à part, tout donne une impression de déjà entendu et même de poussif : Burned Out paraît fatiguée, Then It's White semble vouloir évoquer un paysage de neige mais manque singulièrement d'élégance, Sweet Slow Baby n'a rien de véritablement mémorable… Arpeggiated Love rappelle certaines des meilleures pistes de The Field sans parvenir à les égaler ; seule Looping State of Mind est entièrement convaincante. Ce qui nous laisse trente à quarante belles minutes à garder — mais un album inégal dans son ensemble.
(Burned Out, sur "Looping State of Mind")
"Looping State of Mind" n'est pas l'album d'un artiste fatigué ou qui manquerait d'idées : c'est juste un album mineur, décevant (malgré quelques bons moments), de la part d'un musicien qui a déjà fait ses preuves et gagnerait à sélectionner un peu mieux ses pistes. Espérons que le prochain disque sera meilleur. En attendant, on peut toujours se réécouter "From Here We Go Sublime" !
— lamuya-zimina
— lamuya-zimina
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