C'est entendu.

mercredi 5 octobre 2011

Swing Spleen #-1

Ma dernière crise musico-existentielle s'est produite il y a deux semaines. Lassé d'écouter tous les jours la même chose, une envie de nouveauté m'a trainé devant la porte du petit disquaire du coin. J'y ai trouvé de quoi combler mon manque et stopper les tremblements... ou presque.


par Bertrand Bruche
art par Jarvis Glasses


Ces nouvelles Nanas du Jazz



La première des deux trouvailles du jour est l'album "Keep On Running" de Robben Ford, une petite merveille. Je vous le présenterai d'ailleurs peut-être d'ici peu mais c'est aujourd'hui du deuxième achat dont je vais vous entretenir : "Women Of Jazz". Il s'agit d'une compilation de différents morceaux interprétés par les nouvelles voix du pop-jazz. La pochette annonce : Melody Gardot, Madeleine Peyroux, Kate Paradise ou encore Stacey Kent. Il est probable que certains éprouvent une poussée de haine à la lecture de ces quatre noms. Rangez vos couteaux, amis lecteurs, vous aurez tout loisir avec les prochains paragraphes d'assouvir votre soif de sang. Je ne tenais pas là le meilleur album de tous les temps, mais j'espérais y découvrir quelques nouveautés intéressantes et quelques noms inattendus. Écoute et déception. Certains reprocheront à ces nouvelles nanas du jazz de transformer des standards en mauvaise chansonnettes d'amour. Libre à chacun de se faire sa propre idée sur la question. Je voudrais malgré tout mettre en lumière le conformisme sans limite dont font preuve ces nanas-là. C'est en effet ce qui saute aux yeux lorsqu'on écoute l'entièreté de cette compilation. La popote interne est presque toujours la même. Un pop-jazz sautillant, mêlant balais, contrebasse, piano et chant. Une voix chaude qui interprète avec une justesse exemplaire le répertoire "Divas-du-jazz-du-siècle-dernier" (Billie Holliday, Ella Fitzgerald, Dinah Washington,... ). Le temps d'une reprise pourquoi pas. Le temps d'un album, c'est barbant de répétition. Plusieurs albums c'est infaisable, et une compile, c'est indigeste.


(Madeleine Peyroux - Dance me to the end of Love)

Me voilà donc tout barbouillé, à la recherche d'un remède efficace. Instinctivement, je me tourne vers les trois grandes dames du jazz citées en guise d'exemple il y a quelques lignes. Ces divas qui ont grandement participé à la popularisation du jazz, avec leur propre style, et leurs propres caractéristiques. Fluette et hésitante, avec un timbre particulier, la voix de Billie Holiday n'était pas destinée à faire carrière dans la musique. De nombreux journalistes ont tracé un lien entre l'enfance difficile et misérable de la chanteuse et la capacité de sa petite voix fluette à transmettre les émotions. Peu importent les causes, le résultat est épidermique et bluffant. Il suffit d'écouter son interprétation de Strange Fruit, qui dépeint la pendaison de deux esclaves noirs innocents pour s'en rendre compte.


(Billie Holiday - Strange Fruit)

Figure incontournable du jazz, c'est certainement au travers de ses exploits vocaux qu'Ella Fitzgerald s'est le plus distinguée. Sa technique vocale, complexe et impressionnante, deviendra d'ailleurs un terrain de jeu sans limite, lorsqu'elle inventa le scat. Le but est simple : imiter avec ses son seul organe vocal, l'ensemble des instruments qui l'entourent. Ella peut alors effectuer des improvisations, au même titre que n'importe lequel d'entre eux.


(Ella Fitzgerald - Mack the Knife)


Dinah Washington est pour moi la voix du jazz. Son timbre et ses interprétations sont les exemples parfaits de la place d'une voix dans une formation de jazz. Dinah Washington est sans doute celle qui a été le plus copiée et imitée par ses héritières. Les effets de voix, naturels chez elle, appris par mimétisme par l'ensemble des nanas actuelles se retrouvent sans modération dans le genre de compile dont je vous parlais tout à l'heure.


(Dinah Washington - September in the Rain)


Loin de moi l'envie de tirer à vue sur la moindre minette à la tête d'un quartet contemporain. Il est encore permis de chanter le jazz en 2011, cela ne fait pas l'ombre d'un pli. Je suis à deux doigts d'aimer ce que vous faites, mais par pitié, mesdames, écoutez vos modèles sans les copier, arrêtez d'imiter la voisine d'à côté. Je promets la gloire à celle qui fera preuve de sincérité et de culot.

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