C'est entendu.

mercredi 12 octobre 2011

[Réveille-Matin] Julee Cruise - I remember

On a beaucoup fait cas des jeunes femmes qui depuis quelques mois enchantent l'imaginaire des auditeurs parmi les plus patients avec des atmosphères vaporeuses, de lentes mélodies évanescentes et des chants de sirènes enjôleuses. Souvenez-vous des Julianna Barwick, Sea Oleena, Grouper et j'en passe. Tout ce beau monde regroupé derrière l'étiquette "dream pop" ou, comme je préfère le dire "light ambient" a fait valser (au ralenti) bien des cœurs rêveurs en mal de sérénité et de fantasme froid. Il est bien entendu que cette musique-là n'est pas née d'hier et que comme la plupart des genres musicaux centrés sur la réverbération et l'écho (pensez au shoegaze), elle est née à la fin des années 80. Sa plus fière représentante n'est pas vraiment célèbre puisque nous sommes peu à nous souvenir de son nom, mais sa musique, elle, vous la connaissez sans doute, puisque le single Falling, issu de "Floating into the night" (1989) devait illustrer quelques mois plus tard l'une des séries télévisuelles parmi les plus révérées depuis que le petit écran nous accompagne : Twin Peaks.




Plusieurs extraits de l'album devaient accompagner les pérégrinations de l'agent Dale Cooper et des habitants de la ville de Twin Peaks (Into the night, Rockin' back inside my heart...) et ça n'est pas un hasard puisque David Lynch lui-même a composé les ambiances sobrement jazzy, mollement rétro et véritablement séduisantes de ce qui devait être la bande-son d'une ville perdue dans les bois et dont la forêt environnante cachait bien des secrets tordus. Angelo Badalamenti, compositeur fidèle à Lynch, est aussi de la partie et ses synthés fantomatiques donnent tout son sens au titre d'un album qui ne tombe jamais vraiment dans le kitsch new age, ni ne plonge jamais dans l'ennui. Il en ressort plutôt, à dessein, une atmosphère à la fois décontractée et angoissante, que Julee Cruise habille d'une voix qui semble elle-même flotter au gré des brises émotionnelles tantôt naïves ou romantiques et parfois plombées par un désespoir profond. La dualité de ces ambiances, l'ambiguité malsaine de Twin Peaks, est notamment développée dans le morceau de ce matin, avec un saxophone rassurant au début, un piano effrayant qui casse le rythme et les "choo bop" naïfs et légers de la fin qui rappellent le motif du fantasme 50's cher à Lynch.


Joe Gonzalez

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