C'est entendu.

jeudi 10 mars 2011

[Vise un peu] Julianna Barwick - The Magic Place

Adoubée par les mastodontes médiatiques, cette petite demoiselle s'installe doucement mais sûrement dans les rayons indé aux côtés des "originaux", dans la lignée d'une Laura Gibson.

J'aime, dans mes moments d'écoute intensive, m'inventer la vie de l'artiste qui à cet instant précis bénéficie de toute mon attention. Julianna Barwick a forcément eu le rôle de l'ado incomprise, rongée par la timidité, marginale et originale, solitaire et abandonnée, d'une beauté froide et spectrale, sortie tout droit de l'univers d'un Oscar Wilde ou d'un Tim Burton. La fille dont je tombe forcément amoureux et que je n'ose aborder tant elle m'impressionne. Et c'est peut-être pour ça que j'aime tant cet album finalement. Ok, c'est pas réglo de défendre son amour de jeunesse comme ça, mais que voulez-vous, je suis un incorrigible romantique.

En réalité ce n'est pas seulement ma fibre romanesque qui parle car son talent ne fait aucun doute. Et ce n'est pas un hasard si elle commence à se faire une place au soleil ou devrais-je plutôt dire sous la grisaille. Car sa musique rappelle plutôt la douce et tendre mélancolie hivernale que le bonheur plat du soleil, brûlant la peau déjà cancéreuse des ravissantes idiotes, celles qui justement toisaient et raillaient notre jeune adolescente.


(The Magic Place)

Sorti sur le prestigieux label Asthmatic Kitty (Sufjan Stevens, Cryptacize, My Brightest Diamond, DM Stith, ça n'est pas rien), "The Magic Place" est le résultat d'un travail solitaire. La jeune fille, seule dans sa chambre, accompagnée uniquement par sa table de mixage, a réalisé un album à l'onirisme assumé, éthéré et aérien. Sa voix, l'instrument principal dont elle joue à merveille, qu'elle triture et démultiplie à envi, est l'atout principal de l'album et les neuf titres qui le composent font effet. On tombe rapidement sous le charme, presque envouté par la douceur vaporeuse, les superpositions des nappes, par ces quelques notes de piano, ces quelques touches d'electronique qui habillent merveilleusement les morceaux et ce spleen qui nous entraine dans une heureuse mélancolie. On pourrait avoir peur de l'album papier-peint, de l'ambient désincarné, de la bande originale de relaxation Nature et Découverte mais que nenni, il s'agit ici d'un disque plein, riche, qui se découvre peu à peu, qui se déshabille et montre ses plus beaux atouts après l'effort d'une écoute assidue.


(Cloudbank)

Aucune piste faible ici, quelques coups de cœur simplement. Sur le tribal et poétique White Flag, ici et là quelques percussions, une basse qui égraine ses notes de brouillard, une voix qui s'échappe. C'est beau comme du Brian Eno. Prizewinning commence par une lente répétition de notes sourdes et entêtantes, puis le crescendo fait s'entremêler toutes les nappes jusqu'à un final obsédant et puissant, une danse méditative et philharmonique qui achève parfaitement de nous convaincre.

Le beau ne se trouve jamais dans l'alacrité mais dans le sibyllin et la solitude. Et c'est tout le talent de Julianna Barwick que de sonder les eaux profondes du recueillement, que de nous faire aimer la Thébaïde. Cioran a dit un jour que "la solitude est l'aphrodisiaque de l'esprit" et c'est un bien bel aphrodisiaque que nous offre Julianna Barwick.


Kevin Varin

6 commentaires:

  1. Très chouette article. Je partage absolument l'enthousiasme.


    Par contre, détail, mais ça entretient la conversation : jusqu'à plus soif, je m'étonnerai de ces formules de style de début d'article. "Adoubée par les mastodontes médiatiques"?
    Hier, j'ai réagi identiquement chez quelqu'un parlant de buzz pour un groupe remplissant des salles des 150 places. Non seulement, l'utilisation de ces formules me semble sans intérêt mais aussi elles sont souvent fausses...
    (ceci dit avec sympathie carc cela ne vaut guère un fromage)

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  2. Ben tu n'as pas tort, et il nous arrive d'ailleurs de le faire : "buzz", "hype" à propos de chillwave ou autres, moi le premier j'en abuse. Mea culpa !

    Par contre, dans le cas présent, "adoubée par les mastodontes médiatiques (sous entendu : musicaux)" ça n'est pas faux du tout. Pitchfork en a fait un BNM (Best New Music), MagicRPM adore, et il me semble que Stereogum et La Blogothèque aiment aussi. A partir de là, qu'ajouter ? Si on considère qu'il y a plus mastodonte que ça, on pense forcément à MTV, Virgin Radio et compagnie et là, désolé mais c'est du hors sujet :D

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  3. Oui, j'avais vu Pitchfork.
    Allez, ça se discute!

    C'est bon! Match nul!

    (Monty Pythons séquences des chevaliers de chevaler noir : http://www.youtube.com/watch?v=3g-g2yYR6Jk)

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  4. J'ai vite fait défiler la page et j'ai cru lire que l'article était signé Karin Viard au lieu de Kevin Marin. Du coup j'ai eu une mini-gaule gratos, et c'était assez jouissif.^^
    Je pense aux nichons de Viard et j'en peux plus...

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  5. En fait c'est même pas Kevin Marin mais Kevin Varin. Double déception j'imagine. En tout cas ravi d'avoir pu te procurer ce petit moment de plaisir intense. C'est pas le rêve de tout chroniqueur de provoquer une belle érection à la lecture d'un article ? Bon après, avoir la gaule en pensant à Karine Viard ? Vraiment ?! :/

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  6. Désolé pour le Marin à la place du Varin, simple faute d'inattention :)
    Je suis un mordu de nichons, K Viard en a deux énormes et vieux, donc je suis preneur merci.

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