En l'espace de quelques chansons, je vous propose de redécouvrir le son de la scène montée par des filles autour d'Olympia (dans l'état américain de Washington), c'est à dire le son du mouvement riot grrrl. Parce que je ne suis pas une femme et encore moins féministe et parce que sur C'est Entendu il n'y a en ce moment aucune rédactrice (*), ces articles se contenteront d'aborder en surface le contexte qui a vu naitre cette rage-là. Ne me jetez pas la pierre, je ne me sens tout simplement pas suffisamment concerné par le problème qui agitait ces jeunes femmes pour le traiter avec toute la passion qui lui serait due. Tout simplement parce que si le mouvement riot grrrl n'a pas duré, c'est bien pour deux raisons : d'abord, c'était une idée, et pas un style. Les mots contestant le machisme, les viols et l'inégalité des sexes qui pullulaient alors étaient certes propulsés avec une énergie folle mais ça n'était musicalement qu'un mélange de punk rock (parfois noisy) et d'indie rock américain. Aucune caractéristique singulière ne démarquait de façon évidente la musique de Babes in Toyland de celles de Big'n ou The Jesus Lizard, si ce ne sont les paroles.
(Kat Bjelland, au centre, l'une des premières représentantes du style vestimentaire que certains ont appelé kinderwhore)
Deuxio, si les riot grrrl ont disparu c'est aussi par le biais d'une intégration progressive. Les femmes n'étaient certes pas monnaie courante dans le monde du rock à guitares avant le début des années 90, même si quelques irréductibles avaient gagné quelques batailles préalables (Patti Smith, les Slits, les Raincoats, Kim Deal...) mais grâce à des guerrières comme Kathleen Hannah, Corin Tucker, Kat Bjelland ou même cette garce de Courtney Love, après une demi-décennie de lutte, plus personne ne pouvait s'étonner de voir dans un groupe de punk rock la guitare, la batterie, le chant, tenus par des filles, des tatouées, des gueulardes, des sexy quand même. Si le punk-hardcore underground avait été presqu'essentiellement masculin, tandis que le heavy metal FM propageait une image machiste de la femme-objet, la donne changea pour de bon dans le monde du rock avec ces activistes que je vous propose de découvrir à travers l'une de leurs chansons, à commencer par Babes in Toyland.
En 1990, alors que le groupe de Kat Bjelland, une ancienne compagnonne de jeu de Courtney Love, entamait sa carrière avec un premier album toutes griffes dehors ("Spanking Machine", soit "la machine à fessées"), Sonic Youth les choisit pour ouvrir certains de leurs concerts et leur ouvrit ainsi des portes inespérées jusqu'à la signature sur une major de "Fontanelle", le second LP, publié en 92 et supervisé par Lee Ranaldo. L'occasion pour elles de produire quinze furies entre noise rock à la Big Black, grunge façon Sonic Youth et relents de riffs metal inspirés par Danzig (pas étonnant au passage qu'en tant que fanatique de Danzig, EMA cite Babes in Toyland comme source d'inspiration guitaristique de premier choix). Sur "Fontanelle", les hurlements de Bjelland ne cessent qu'en de rares occasions et alors elle déborde d'un cool Kim-Deal-ien qui détonne tellement aux côtés de ses aboiements éraillés qu'il en ressort presque plus violent que ces derniers. Sur Bluebell, Bjelland aborde avec ironie et métaphores insectoïdes le mâle primaire pour finir par exploser en un "You don't try to rape a goddess" déchirant de colère. Tout bien réfléchi, je n'ai pas entendu une fille crier comme ça depuis longtemps, il serait peut-être temps qu'une quatrième vague féministe voie le jour, non ?
Joe Gonzalez
(*) : Nous avons eu des femmes au sein de la rédaction mais ces jours-ci nous sommes entre mecs et si vous trouvez ça pas normal - ça ne l'est pas ! - alors rejoignez-nous mesdames et exprimez ici un point de vue féminin !
Bon article, mais avec 2 mois de retard sur l'édition du Courrier international..Vive Le Tigre :)
RépondreSupprimerOh et bien ne lisant pas le Courrier International je ne pouvais pas savoir qu'il s'agissait d'une course à celui qui re-raconterait cette histoire le premier ! Merci tout de même et oui, Vive Le Tigre ! (que l'on verra dans un prochain numéro de cette série)
RépondreSupprimerMoi je préfère Kathleen Hannah Montana ! Le vrai féminisme ! Celui qui fait du cheval et la vaisselle en chantant les tubes NRJ !
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