C'est entendu.

jeudi 1 septembre 2011

[Réveille Matin] Foetus — I'll Meet You In Poland Baby

L'un des plus grands tubes de Foetus est aussi l'une de ses chansons les plus dérangeantes. Rien d'étonnant à cela : J.G. Thirlwell a presque toujours été un provocateur, que ce soit simplement avec les noms associés à son projet ("Scraping Foetus Off The Wheel", "You've Got Foetus On Your Breath"…) ou — surtout — avec les paroles de ses chansons, à travers lesquelles il prend un malin plaisir à incarner les déments les plus torturés ou les pires crapules. (Il faut dire que son chant particulier colle parfaitement bien à ce type de personnages.)

Ainsi, l'album "Hole" (sorti en 1984) contient pêle-mêle, dans un style jouissif, rock et déjanté : les réflexions d'un tueur en série (qui finit en thème perverti de Batman parce que c'est rigolo), celles d'un homme excité par sa propre mort, d'une âme damnée dans un enfer glacial qui rejoindrait volontiers le Ku Klux Klan "rien que pour avoir l'uniforme ou pouvoir passer une bonne nuit"… et I'll Meet You In Poland Baby, qui (vous l'aviez deviné ?) a pour sujet l'invasion de la Pologne le 1er septembre 1939. Et devinez qui est le narrateur dans la chanson ?


Ce qui démarque I'll Meet You In Poland Baby des autres (déjà très bonnes) chansons de l'album, c'est le fait que plutôt que d’apposer violemment la voix démente et les paroles obscènes sur la musique rythmée, I'll Meet You In Poland Baby déstabilise dès le début : la voix du narrateur semble suivre un groove qui n'existe que dans sa tête, l'accompagnement musical se limitant à des répétitions de fragments de voix sans queue ni tête, qui forment et détruisent leurs propres rythmes. Là-dessus viennent s'imprimer des chœurs, et des samples de sinistre mémoire (impossibles à ne pas reconnaître). Puis des percussions martiales, aussi glaçantes que prenantes…

C'est une plongée dans la pire des folies que nous présente I'll Meet You In Poland Baby : Thirlwell prend son pied à nous faire peur et à nous entraîner dans un tourbillon interdit, la piste garde toutes ses caractéristiques dérangeantes jusqu'à la fin mais devient en même temps carrément accrocheuse. L'auditeur est comme manipulé, victime de la rhétorique des sons, et c'est ce qui rend cette chanson terriblement puissante. Quand la musique s'arrête et que les bottes des soldats martèlent le sol à la fin, il est déjà trop tard.


La version live mérite autant d'attention que l'originale : les sons utilisés mettent en lumière d'autres thèmes liés à la chanson (la mémoire, le danger toujours présent) tout en conservant cette dichotomie entre le séduisant et le repoussant, l'innommable qui attire, et les images projetées comme un avertissement sur l'écran n'empêchent pas le rock tonitruant de séduire à travers ce qui est une performance remarquable.


— lamuya-zimina

1 commentaire:

  1. Merci pour cette découverte Lamuya, la chanson me plaît beaucoup !

    Duck.

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