C'est entendu.

samedi 6 août 2011

Swing Spleen #-2

Deux grands noms du jazz dans un même titre, l'investissement n'était pas risqué. Pourtant, j'ai attendu deux mois avant d'aller acheter ce qui sera, j'en suis sur, l'un des plus beaux albums de jazz de l'année.


par Bertrand Bruche
art par Jarvis Glasses


Philip Catherine - Plays Cole Porter


Bon nombre de musiciens ont rendu hommage à Cole Porter au cours de leurs carrières. Je me complais à penser que cette fois-ci, c'est différent. D'abord parce que Philip Catherine est pour moi l'un des musiciens les plus passionants de notre époque. Ensuite, car cet album m'a donné envie de me plonger dans l’œuvre de Cole Porter, qui me paraissait quelque peu poussiéreuse. J'y ai découvert de véritables petits bijoux et ai pris conscience de l'immense influence de ce musicien de début de siècle sur le monde du jazz et de la comédie musicale. Et enfin parce que dès la première écoute, cet album m'a retourné les tripes. La rencontre entre les mélodies de Porter et la sensibilité de Catherine aboutit à quelque chose d'absolument incroyable.


Pianiste-compositeur, Cole Porter est dans la musique depuis qu'il est tout petit. Il commence à composer dès l'âge de dix ans. Son succès, lui, sera moins précoce. Après quelques flops et un détour dans la légion étrangère française, c'est en composant pour le cinéma et les comédies musicales qu'il rencontre ses premiers succès. Ses morceaux viendront abondamment nourrir le répertoire des standards de jazz et celui des crooners en particulier. Refoulant son homosexualité dans une sorte de mariage d'apparat, il n'est guère étonnant que son œuvre soit criblée de chansons d'amour (You're the Top, So in Love, What is thing Thing Called Love,... ).

(You're the top, par Cole Porter)

Au même titre que la bière, les deux princes et les frites, Philip Catherine est fièrement vanté par tout belge amoureux de jazz qui se respecte. Le guitariste fait en effet partie des grandes personnalités musicales de notre petit pays. Tantôt impliqué aux côtés de papes tels Chet Baker, Toots Thielemans ou encore Charlie Mingus, tantôt plongé dans ses propres projets, il finira par devenir une figure incontournable du jazz européen. Cela va sans dire, Philip Catherine n'a plus rien à prouver à personne. Ce qui frappe, dans son jeu, c'est sans aucun doute la douceur avec laquelle il semble toucher les cordes, et le son doux et délicat qui en résulte. Cette douceur, justement, colle merveilleusement bien à l'univers de Cole Porter.

En nous privant des paroles de So in Love (deuxième piste de l'album), Catherine enlève au morceau son kitsch, dégoulinant de romantisme. Il n'y laisse que l'essentiel : une mélodie qui dit tout. Cela ne fait pas l'ombre d'un pli, nous avons affaire à une chanson d'amour avec un grand A. Le touché de Catherine y rajoute même une pointe de sensualité. Je le confesse, ce morceau m'a fait rêver d'ébats amoureux et de pétales de roses. Mais laissons là mon imagination et mes fantasmes. La ballade est à couper le souffle.

(So in Love par Philip Catherine)

Ce morceau très symptomatique révèle une erreur dans le choix du titre de l'album. Jamais, Philip Catherine ne se contente de "jouer" Cole Porter. Il le réinvente sans arrêt, recréant son propre univers autour des compositions du pianiste-compositeur. Sorte de lifting de l’œuvre de Porter, l'album la dépoussière et lui donne une nouvelle jeunesse, envoyant valser les arrangements à l'eau de rose souvent dépassés des versions originales.

Philip Catherine nous offre là une petite merveille qui apaise sans fatiguer, capable de donner des poussées de romantisme aux plus terre-à-terre d'entre nous.

1 commentaire:

  1. Chouette article et chouette artiste. A voir en live, c'est très beau.

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