Avec une demi-douzaine d’albums au compteur, My Morning Jacket semble s’approcher de la croisée des chemins, de ce moment où le fan moyen du groupe s’apprête à admettre que Jim James ne sortira vraisemblablement plus jamais un album de la trempe de "Z" et s’en console en écoutant quand même avec ardeur des productions estimables comme "Evil Urges" ou, précisément, "Circuital". Là où ils en sont, les Jacket nous font le coup des paroles écrites à la main sur le livret et des photos d’enregistrement en guise de visuel, un très grand classique auquel on recourt, faute de mieux, quand on débarque dans le business ou, dans le cas qui nous intéresse, quand on arrive en pleine maturité.
Partis de l’americana bien tempérée, devenus entre temps les Fregolis de l’indie-pop, Jim James et sa bande sont toujours capables de tout jouer et de ratisser aussi large que possible, du vieux hippie nostalgique du flower power à l’adepte du néo-folk qui a l’impression d’avoir découvert la poudre en écoutant les Fleet Foxes. Car la musique de MMJ, c’est sa force et sa faiblesse à la fois, est intemporelle et, à ce titre, emblématique d’une époque dont les repères chronologiques ont volé en éclats. MMJ est une sorte de groupe étalon, à l’aise dans toutes les périodes et sous toutes les latitudes. Jim James aurait pu sévir dans les années soixante ou soixante-dix, il est peut-être du reste la réincarnation d’un songwriter californien disparu avant d'avoir enregistré son œuvre, ou, carrément, de Brian Wilson. Je sais, je sais, Brian Wilson n’est pas mort, mais c’est tout comme, et Outta My System, ou au moins son intro, fait outrageusement penser aux Beach Boys.
(Outta my system)
A la première écoute, c’est plutôt la déception qui l’emporte, mais il faut y revenir patiemment, ne serait-ce que parce que le charme familier d’une fausse bluette comme Day is Coming n’apparaît pas forcément d’emblée. Revenu de pas mal de choses, Jim James se laisse aller à la simplicité d’une ballade folk à peine soulignée d’une ligne de cordes (Wonderful) et fait péter les cuivres sur l’inclassable First Light. "Un single ! Un single !" réclame la foule. Evidemment My Morning Jacket a tout prévu et sort une grosse connerie en début de face B, le bêtement jouissif Holdin’ on to Black Metal avec ses giclures de synthé et son chœur de gamines en folie, un titre qui rappelle certaines fantaisies outrées de l’album précédent, "Evil Urges". Un tube en puissance mais y en a-t-il d'autres, des tubes ? Holdin’ est la pause récré dans un album par ailleurs assez retenu, le titre qu’on remet à la fin de l’écoute dûment accomplie pour vérifier qu’on n’a pas rêvé. Mais attention, fausse piste, "Circuital" s’achève sur des tempi de plus en plus lents et ouatés pour finalement atterrir en douceur sur les trois temps d’une jolie valse (Movin’ Away).
"Circuital" n’est pas le meilleur album de My Morning Jacket (pas de surprise, ça reste le vraisemblablement insurpassable "Z", sorti en 2005), mais nombreux sont ceux qui le préféreront à "Evil Urges", un peu trop barré et dispersé pour convaincre.
AGM
Très bel article, très juste, sur le groupe en général et en particulier sur cet album dont on a pas tellement entendu parler.
RépondreSupprimerAGM, je me positionne exactement comme toi vis-à-vis de ce groupe d'humbles vétérans.
Perso j'aurais sûrement dit deux mots de la chanson titre, "Circuital", qui est l'autre tube du disque.
les Fregolis de l'indiepop?!
RépondreSupprimerCar la musique de MMJ, c’est sa force et sa faiblesse à la fois, est intemporelle et, à ce titre, emblématique d’une époque dont les repères chronologiques ont volé en éclats. <<<-- Je trouve pas justement. La tendance actuelle est plutôtt aux modes à jamais ratachées à une année ou quelques mois, et qui ne durent pas,Non?
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