C'est entendu.

jeudi 11 novembre 2010

[They Live] "Halloween, c'est mieux quand on a vraiment la trouille", une embardée avant-gardiste (?) avec Liars

On a tous nos lubies quand il s'agit de fêter Halloween et la Toussaint. Certains mendient des bonbecs de porte en porte, d'autres s'envoient une demi douzaine de films d'horreur. Certains se gavent de sucreries et d'autres passent le weekend autour d'un copieux repas de famille. J'en connais même qui rassemblent tous leurs copains chez eux et leur proposent de juger parmi une sélection de sosies de stars de la chanson lequel est le plus convaincant (la dernière fois que j'ai assisté à une telle compétition, c'était un duel au sommet entre un copycat de Johnny Cash et un facsimilé d'Iggy Pop). Cette année, j'ai décidé que la meilleure chose à faire serait d'aller voir Liars à la Machine du Moulin Rouge.

De gauche à droite : Yves Guy Pop, Johnny Cash, son sosie.

C'était la première fois que je voyais Liars mais je ne pense pas que le seul plaisir de la rencontre puisse expliquer l'état second dans lequel leur performance m'a placé, comme une évacuation tantrique caractérisée par une électricité extatique parcourant chaque fibre musculaire du sujet (moi... mais pas que ; le public n'était pas coincé ce soir-là) et par un besoin fracassant de brailler à en perdre haleine des "Blood ! Blood ! Blood !" (Broken Witch), "Hey ! Hey ! Hey !" (......0000) ou "She was aliiiiiiiiive !" (Scissor). Je crois que la découverte ne suffit pas à expliquer cet état parce que j'étais accompagné d'une amie qui les voyait pour la troisième fois en cette seule année 2010 (elle y est retournée une quatrième fois depuis lors) et qu'elle était autant sinon plus déchainée que moi. J'attendais beaucoup de Liars sur scène et n'ai pas été déçu. Le terme punk tribal forcément utile pour décrire leur musique, pourrait se voir accompagné de la mention "L'une de vos rares chances annuelles de voir quelque chose de vivant sur une scène de music hall". La formule à cinq (le trio original est accompagné d'un bassiste tout à fait dans leurs tons et d'un autre musicien qui l'est un peu moins mais que l'on confine aux tréfonds de la scène) permet à Angus de se concentrer sur son interprétation de l'anti-conformiste et de toute façon, les deux intérimaires sont absents des rappels pour laisser le groupe prouver qu'il n'a pas réellement besoin d'eux pour assurer. Après une setlist comprenant une majorité de titres de "Sisterworld" (et où l'on comprend que Scissor est un single véritablement puissant) mais aussi les meilleurs morceaux des précédents disques (Plaster casts of everything, Broken Witch, The other side of Mt. Heart Attack, Sailing to Byzantium ou encore The garden was crowded and outside), le groupe aura donné l'un des meilleurs concerts vus cette année.



(Un extrait de Plaster casts of Everything, ce soir-là)


Angus se plait à lancer quelques mots en français de temps à autres, comme beaucoup d'autres ricains en mal d'amour, prêts à tout pour obtenir encore plus de sympathie. Lorsqu'il s'agit de "La petite voituwe" ou de "Blood ! Blood ! Sarkozy ! Blood !", rien de méchant, rien de bien folichon, tout juste ridicule pour les plus cyniques d'entre nous, rigolo pour les autres. Mais quand un type comme lui, qui a publié cette année un album aux paroles résolument anti-conformistes et dont l'attitude sur scène, pourtant pas si décalée ou extrême, est à ce point étonnante et rafraichissante puisque dans le marasme actuel elle est hors du commun, quand un mec comme Angus Andrew s'adresse à son public et lui dit : "Écoutez et répétez", je ne le prends pas à la légère mais plutôt comme une façon d'enjoindre les personnes présentes à non pas copier la musique ou l'attitude du groupe mais plutôt à écouter son message (soyez différents, faites une musique différente) et à le diffuser autour d'elles.

Je conserve quelques doutes vis à vis de Liars et de son statut évident de groupe "punk" ou "avant-gardiste" (ces termes sont subjectifs et éphémères au possible, je veux dire, même Elvis a été avant-gardiste pendant quelques semaines) mais je ne peux que m'incliner face à ce qui se fait de mieux en ce moment en terme de musique qui va de l'avant, et ce même si la démarche de ces types n'est pas toujours absolutiste, parce que finalement, qui d'autre fait ça ?


Joe Gonzalez


P.S. : Le groupe vend lors de ses concerts un live semi-officiel enregistré à Brooklyn un peu plus tôt cette année. Je vous conseille de mettre la main dessus, c'est une synthèse parfaite de ce que Liars est sur scène (le son et la setlist sont d'enfer, qui plus est).

5 commentaires:

  1. Bah zut, j'avais vu la vidéo de leur performance à la Route du Rock et ça avait l'air très moyen, pourtant là en te lisant ça me donne vraiment envie de les voir.

    Et puis, Sisterworld, quel putain de disque quand même.

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  2. Il faut dire aussi que les festivals, ça n'est pas le meilleur moyen de voir un grand concert. Je dis ça en ayant vu de fameux fameux concerts en festival. mais à chaque fois je me disais "Et si je les avais vus dans une salle, cela aurait été encore mieux !" (exemple : Sonic Youth plays Daydream Nation @ Barcelone dans le cadre du Primavera Festival).

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  3. Tiens je retombe sur cette article en cherchant à relire votre review de Sisterworld (je la trouve plus, d'ailleurs).
    C'était quoi ces fameux doutes au fait ? sur leur statut punk ou sur leur musique en général ?

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  4. Tiens Matt, voilà l'article sur Sisterworld :

    http://cestentendu.blogspot.com/2010/03/vise-un-peu-liars-sisterworld.html

    Les doutes que j'ai (ou avais) encore concernaient leur statut avant-gardiste présumé (par moi).

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