C'est entendu.

vendredi 5 mars 2010

[Vise un peu] Johnny Cash - American VI : Ain't no Grave

C'est un album posthume certes, mais il a, j'en conviens, l'allure d'un mouchoir tendu à un public abonné à Paris Match, toujours avide de vie privée et de morbide. Avec des titres pareils (Ain't no Grave, I don't hurt anymore, Redemption Day) cet ultime volet de la collection "American Recordings" (qui avait vu le producteur Rick Rubin dépoussiérer Johnny et lui assurer le statut de légende américaine qu'il méritait) cherche délibérément à faire rouler deux ou trois larmes de plus sur vos joues pouponnes.

Johnny Cash est mort en 2003 et ceci sera (normalement) la dernière collection d'enregistrements qu'il nous aura offerte. Enregistrés pendant les quelques mois de 2003 séparant le trépas de sa femme de June Carter de sa propre disparition, ces chansons ne sont pour autant aussi représentatives de son état d'esprit d'alors que l'on pourrait le croire. En effet, le précédent volet ("American V : A Hundred Highways" sorti en 2006) avait lui aussi été enregistré pendant ce laps de temps, et l'on peut se laisser aller à imaginer que si Rubin et quiconque est intervenu dans le processus de mise en forme de ces deux LPs l'avait voulu, l'ambiance de "Ain't no Grave" eût pu être un brin moins morne, n'eussent-ils pas conservé les plus résignées des compositions de l'homme en noir pour le dernier volet. Mais passons. Le disque est plutôt déprimant, et l'état de Cash lorsqu'il enregistra les chansons (malade, fatigué, veuf) l'explique aisément.


(Redemption Day)


Comme il est de coutume depuis 1994, la plupart des chansons ici sont des reprises, jouées guitare et voix au premier plan, servies par de peu encombrants arrangements (souvenez-vous du tube Hurt, en 2002). Outre la convaincante version du Redemption Day de Sheryl Crow, et la très touchante Aloha Oe (chantée à l'origine par Elvis) les autres interprètes originaux ne devraient pas faire sonner vos cloches, à moins que je ne m'adresse à de grands inconditionnels de la country pour qui les noms Tom Paxton, Porter Wagoner ou Kris Kristofferson (le plus connu) seraient communs. La seule composition signée par Cash, I Corinthians, 15:55, biblique à souhait, ne rend pas vraiment justice au songwriting du vieil homme mais rappelle tout de même qu'il suffisait à ce vieux cabochard de souffler une bouffée de vie dans une composition moyenne pour la rendre inoubliable (on pense notamment à Delia's Gone, 1994), mais même son talent n'est parfois pas suffisant pour rattraper les quelques moments creux et moins intéressants (For the Good Times, voire Last night I had the strangest dream, dont les arrangements sont plutôt réussis mais qui semble être celle pour laquelle Cash se serait le moins investi).


(Aloha Oe)

D'une certaine façon, si comme moi vous êtes des aficionados de musique country, ou tout simplement des amateurs de Johnny Cash (en tout état de cause cela devrait être le cas, après tout, vous êtes pour la plupart des personnes de bon sens), alors vous saurez avant même de l'entendre que vous n'aurez pas grand chose à reprocher à ce sixième American Recording. Ça n'est certainement pas le meilleur chapitre des mémoires de l'Homme en Noir, mais comme chacun de ses disques sortis lors des quinze dernières années, c'est une page significative de l'Histoire de la Musique Américaine qui se tourne, sorte d'épilogue poignant du volume consacré à un Age d'Or désormais bel et bien révolu.


Joe

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