Dans un Monde où le quidam synesthésiste à ses heures ne peut voir la couleur musicale mieux qu'un daltonien, un Monde où l'on suit sans questionner, un Monde où l'un des webzines les plus influents de l'indiesphère décrète que les 40 meilleurs nouveaux groupes de 2010 sont ceux qui ont le plus écouté de chillwave (*) en 2009, en somme dans un Monde à se tirer une balle où un nouveau groupe (américain) sur deux joue et chante la même chanson, noyée de réverbération, engluée entre Garage Band et Bamako, laissant le champ libre à la brochette de chanteuses la plus livide et tiède de notre génération (Hannah Monatana vous émouvra davantage !), dans un tel Monde, il ne nous reste d'autre choix, à nous rock critics dévoués et désœuvrés, que d'organiser en off une édition extraordinaire de Chillwave's Got Talent et de dénicher pour vous les quelques onces d'inspiration parsemant la soupe servie froide qui vous attend sur la table depuis quelques mois et dans laquelle vous n'avez certainement (et on vous comprend) aucune envie de plonger vos cuillers.
(Apply)
Glasser est l'alias de Cameron Mesirow, une jeune californienne qui avait déjà marqué l'Internet de sa patte en publiant un EP fin 2009, et surtout le single Apply, puis en se faisant remixer par la Terre entière (Delorean, YACHT, The XX...). Ceci est son premier album et il n'est en rien original. Comme tout ce que plébiscite la blogosphère bien pensante élevée au rang de champion par les hauts faits d'armes de la chillwave l'an dernier (je pense notamment à GorillaVsBear et Stereogum), Glasser met en scène une énième version de "l'americana lorge vers l'afrique, s'enregistre avec un ordinateur portable et insiste sur la réverb" par-dessus laquelle la voix ô-si-belle-et-si-expressive de Cameron enchanterait le plus cool des indie kidz avec son timbre si milieu-de-tableau et ses mélodies aériennes que je n'hésiterais pas à qualifier de heavydélisme tant la transe molle est extraite de la composition à l'aide de forceps.
(T)
Vous devez vous demander pourquoi je vous parle de Glasser si j'en pense autant de mal et la réponse est que, parmi la masse informe de para-chilleurs qui ont déboulé sur le marché dès après les prémices du courant, et tant que les initiateurs du mouvement (Washed Out, Toro Y Moi, Memory Tapes, Neon Indian) ne nous auront pas sauvés de ce nauffrage, Glasser sauve les meubles en proposant quelques chansons acceptables (dont Apply, la seule à offrir des arrangements intéressants et une véritable énergie), et ce même si on aurait bien du mal à différencier une chanson de Glasser d'un extrait de "Kairos" de White Hinterland.
En attendant de déterrer la chillwave le jour où un nouvel album de qualité en sortira, les amateurs pourront se mettre une nouvelle poignée de chansons "tout juste OK" sous la dent.
En attendant de déterrer la chillwave le jour où un nouvel album de qualité en sortira, les amateurs pourront se mettre une nouvelle poignée de chansons "tout juste OK" sous la dent.
Joe Gonzalez
(*) : Pour rappel, l'homme qui écrit ces lignes vous vantait les mérites de la chillwave il y a tout juste un an, lorsque quatre artistes prometteurs (...) se partageaient sans en faire des caisses la paternité de la vague de fraicheur croustillante d'un Eté un peu long. C'était avant que le chill ne s'envole au profit d'une interminable wave.
perso, "chillwave" c'est un courant que j'ai un mal fou à cerner, et dans lequel j'ai l'impression que l'on met un peu tout et n'importe quoi. Si tu arrives à m'en donner une ébauche de définition, je suis preneur !
RépondreSupprimerMoi aussi, tiens...
RépondreSupprimerComme n'importe quel genre musical, la chillwave (ou glofi, ou gorillavsbear-core ou autre alias) ne se caractérise pas précisément. C'est subjectif. Wiki dit :
RépondreSupprimerhttp://en.wikipedia.org/wiki/Chillwave
Moi je dis que par chillwave, j'entends ce qui est décrit dans l'article (et dans les autres sur le sujet), à savoir une sorte de pop aux mélodies très (trop) prononcées, langoureuses, simples, baignées dans une réverbération outrancière, par dessus laquelle viennent souvent s'ajouter d'autres effets, et souvent chantée façon "c'est l'été et on est cooooools tu vois" par des jeunes gens de la génération internet (comprendre : qui ont composé ça sur leurs Macs puis commencé leur "carrière" en ayant un tube sur internet avec une vidéo Youtube).
En règle générale, je trouve la chillwave chantée par des garçons plus intéressante (de peu) que celle chantée par des filles puisque ces dernières semblent n'avoir absolument aucune trace whatsoever d'imagination lorsqu'il s'agit de chanter ou d'écrire des mélodies de voix. Glasser, White Hinterland, même combat, le chant est exactement le même, c'est à se demander s'il n'y a pas une seule nana qui fait la voix de tous les morceaux de chillwave, comme la nana qui fait la voix de la SNCF. C'est pas bien plus brillant chez les garçons mais parfois si (Neon Indian, Washed Out) et surtout il y a souvent plus d'énergie.
Dans la définition donnée par Wiki, il y a le mot sampling qui est de trop : il s'appliquait au quatuor inaugural, mais pas du tout aux suiveurs.
quel quatuor inaugural???
RépondreSupprimerBenoit avait raison : "tout et n'importe quoi", ça a l'avantage d'être beaucoup plus court!
RépondreSupprimer;-DD
Je sens une note d'ironie moqueuse, mais je ne vois pas trop la différence entre appeler 38 chansons sur les 40 proposées par Stereogum "chillwave" et appeler 38 groupes anglophones compilés sur Nuggets "garage". Ils n'ont forcément pas tous le même son, exactement le même propos ou les mêmes tics. Ca n'empêche pas de leur trouver de grosses similarités, et surtout une unité temporelle.
RépondreSupprimerIronie moqueuse? Euh, non, ironie sympathisante! On passe tous son temps à essayer de donner des définitions pour des courants ou des mouvements. On sait tous à quel point c'est contestable. Et je me disais que dans ta définition, on pouvait vraiment mettre (presque) tout et n'importe quoi...
RépondreSupprimerMais c'est clair qu'il y a similarités et unité temporelle. Et, pour ma part, après sympathie initiale, lassitude qui s'installe. Comme tu disais dans ton article, donc!
;-)
On est d'accord :)
RépondreSupprimer(quand je disais "moqueuse" j'insinuais "taquinerie")
merci pour cet éclaircissement. Dans tous ces groupes, il a des choses que j'ai aimées et d'autres non, mais je ne sens pas trop ce courant porteur pour le moment. Hormis le White Hinterland, je n'ai pas été emballé par grand chose. Tiens, Glasser ça me fait penser pas mal à Delorean. J'aime bien du coup. finalement moi c'est les voix de filles que je préfère. Ca rappelle aussi pas mal certains groupes des années 80.
RépondreSupprimerUne petite playlist "Chillwave" sur spotify pour ceux que ça intéresse : http://tinyurl.com/236bmn6
Bonne chronique, même si je n'arrive pas à être aussi sévère.
RépondreSupprimerÇa passe bien en zik de fond tout en taffant, pas désagréable.
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