C'est entendu.

vendredi 29 octobre 2010

[Vise un peu] The Dead C — Patience

Pensez à The Diamond Sea de Sonic Youth. Pensez surtout à la partie instrumentale et chaotique à la fin de la piste, mais n'oubliez ni le chant ni la mélodie. Ralentissez un peu le rythme (aussi belle que soit cette chanson, j'ai souvent trouvé qu'elle était un brin trop rapide). Enregistrez la piste. Oubliez-la sur une plage et laissez-la s'éroder pendant plusieurs mois. Déterrez l'enregistrement. Ce que vous obtiendrez ressemblera, pas à s'y méprendre mais tout de même assez sensiblement, à un album de The Dead C

C'est étrange et même très discutable de décrire le son d'un groupe d'une telle manière, comme si The Dead C n'avait fait que baser sa carrière sur l'un des aspects de la musique de Sonic Youth (d'ailleurs bien antérieure à The Diamond Sea). Mais je n'ai pas trouvé de meilleur moyen de vous décrire le son de ce groupe de noise-rock néozélandais, tantôt mélancolique, tantôt apocalyptique, qui joue avec la dissonance et le bruit comme certains photographes jouent du grain ou du flou ; une tendance répandue ces derniers temps, certes, mais que The Dead C sait manier parfaitement et qui lui a valu d'être particulièrement reconnu chez les amateurs et amatrices du genre.



(Le début d'Empire, la première piste.)

Les pistes de The Dead C sont des monolithes, des terrains dévastés, des déserts rocailleux, des décombres de mégapoles, utilisez l'image qui vous plaît le mieux — souvent longues d'un quart d'heure voire d'une demi-heure et complètement indissociables de leur son lo-fi. Il faut d'habitude soit beaucoup de patience et de volonté, soit percevoir quelque chose de vraiment fascinant au centre de tout ça, pour s'enfiler ce genre de musique sans se lasser…* Mais justement, il y a toujours, au cœur de la musique de The Dead C, une intense lueur de mélancolie, de sérénité ou de désolation qui transparaît à travers ce son granuleux et nébuleux. Les rythmes, la voix, les guitares, tout se diffuse et ne forme plus qu'une émotion puissante, qui se diffuse non pas malgré mais par l'esthétique lo-fi et bruitiste du groupe.

“Harsh 70s Reality” (1992), peut-être l'album le plus connu de The Dead C, était excellent mais aussi difficile et très noir, presque déprimant. “Secret Earth” (2008), leur avant dernier LP, était relativement très rock et accrocheur, avec des paroles et des mélodies beaucoup plus présentes. “Patience”, le dernier album, est entièrement instrumental, plus homogène aussi, et rappelle pour tout dire le post-rock par certains aspects — surtout sur les deux pistes principales, Empire et South. J’avoue avoir une préférence pour “Secret Earth”. Mais “Patience” n’en est pas moins un très bon album, et un bon disque pour découvrir le groupe.

Si vous avez envie d'écouter un groupe qui “fait du bruit” ni par aggressivité, ni pour faire faussement authentique (ou cache-misère) mais avec une vraie esthétique, si une apparente austérité ne vous décourage pas et que vous êtes sensibles au rock mélancolique, The Dead C est fait pour vous. Jetez-y une oreille !


— lamuya-zimina




* Oubliez le motif “défouloir”/“déferlante de bruit pour évacuer sa frustration”, ça marche avec Merzbow mais pas ici.

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