Vous pouvez appeler ça le "syndrome du touriste musical", touchant n'importe quel étranger qui écoute la musique d'un pays un peu à part en y voyant toujours des particularismes inédits ailleurs (ne me dites pas que ça ne vous fait pas ça pour l'Islande ou l'Allemagne !), mais quand j'écoute des groupes d'indie rock japonais, j'ai toujours l'impression qu'ils ont ce je-ne-sais-quoi que je ne retrouve pas ailleurs. Prenez Number Girl par exemple, ce groupe culte venu de l'ile de Kyushu et qui a su maintenir depuis son split en 2002 une fidèle fan-base à travers les océans, jusque dans les chambres sombres de geeks japonisants aux quatre coins du monde. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne vois pas qui d'autre que des japonais auraient pu monter un groupe pareil. Il y a cette manière de beugler qu'a le guitariste Mukai Shutoku évidemment, vomissant ses kenjis entre deux tentatives de justesse vocale qui n'aboutissent pas vraiment, avec ces mélodies qui sonnent typiquement 90's, façon Dinosaur Jr. sans morphine. Mais il n'y a pas que ça. Autre chose. Dans les suites d'accords. Une sorte de rage adolescente contenue qui crée des morceaux pas vraiment émouvants ou pleurnichards, pas vraiment brutaux ou froids, mais qui ont une amplitude, une puissance, comme si chaque note jouée créait un vide dans lequel le son se réverbérait, comme si toute la violence qui essayait tant bien que mal de sortir était tout de suite annulée pour ne devenir plus qu'une bourrasque sonore jamais trop rude envers l'auditeur, une relation amour-haine vis à vis du concept de pop music (bien que le tout soit diablement efficace).
C'est cela qui fait la force du deuxième album de Number Girl, "School Girl Distortional Addict", sorti en 1999 et qui a permis au groupe d'apparaitre sur le devant de la scène rock japonaise après quatre ans d'existence et déjà de nombreux fans derrière lui (comme la jeune Shiina Ringo qui était amie avec la guitariste Tabuchi Hisako et enregistra d'ailleurs son troisième album dont j'ai un peu causé avec le batteur de Number Girl). Une douce fougue héritière des changements d'humeur pop des Pixies, du hardcore un chouilla émo de Husker Dü et cette école du cri primal adolescent qu'avait tant popularisée Nirvana à une autre époque, et tout est dit. Prenez par exemple Young Girl Seventeen Sexually Knowing. Les guitares sonnent comme si elles étaient jouées en permanence avec les cordes à vide, parées d'une distorsion impériale, la batterie claque mais semble être enregistrée depuis l'autre bout de la pièce, tout est propre mais jamais trop, et l'adolescent qui n'en finit pas de mourir en vous devrait forcément accrocher à autant d'énergie juvénile. Quant à Mukai Shutoku, il hurle des trucs à propos de lycéennes, comme sur tout l'album d'ailleurs qui porte diablement bien son nom, et pour le coup là, il parle de celles de dix sept ans qui sont "sexually knowing." Et si mon japonais ne me permet vraiment pas de comprendre s'il les aime bien ou pas, laissez-moi moi vous dire que ça le fait hurler. Beaucoup. Et vous savez quoi ? Malgré sa tête de compositeur de musique de jeux vidéos, sa voix toute tremblante et ses paroles qui font un peu puceau, l'espace d'un morceau, il est monstrueux et imbattable.
Emilien Villeroy
Nobuooooo
RépondreSupprimeroui, il lui ressemble un peu pas vrai? je consacrerais un jour un article à la musique de nobuo cependant. c'est obligé. il le mérite.
RépondreSupprimerJ'ai tellement hâte !
RépondreSupprimerUn article super long qui analyse en profondeur toutes les caractéristiques de sa musique avec, bien entendu, des photos cocasses qui parsèment ci et là cette prose quasi-scientifique <3
(j'imagine que "super long" et "en profondeur" ne sont pas des termes qu'il faut associer dans une même phrase. mea culpa.)
RépondreSupprimerNobuo ressemble aussi à s'y méprendre au dénommé John B. Root, cinéaste porno de renom.
RépondreSupprimerT'as fait une typo sur "ses kenjis" gros.
RépondreSupprimerHein ? Je comprends pas.
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