C'est entendu.

jeudi 12 novembre 2009

[Vise Un Peu] The Slits - Trapped Animal

Ne me dites pas que vous attendiez quelque chose de cet album. C'est pas possible. Personne n'en attendait rien. On le redoutait même plutôt. On craignait ce retour. On en faisait des cauchemars. Ou alors on savait même pas que ça allait sortir parce que tout le monde s'en fout. Peut-on, sincèrement, espérer quelque chose d'un groupe dont le dernier chef d'œuvre a 30 ans et qui depuis 27 ans ne donnait plus aucun signe de vie ? Vous y croyez vous aux grands retours comme ça de groupes mythiques du post-punk ? Bien sûr que non. Personne ne trouve ça crédible, à part les membres eux-mêmes qui ne se rendent pas compte qu'ils sont largués. La seule question qu'on pouvait se poser en fait, c'était "est-ce que ce sera aussi affreux qu'on peut l'imaginer?". Et à ça, la réponse est oui, totalement. C'est même peut être encore pire.


(Ask Ma, même pas le pire morceau de l'album)

Je veux pas faire mon sadique qui compare avec "Cut" - a.k.a. l'un des meilleurs albums de tous les temps à mon humble avis, ou en tout cas du post-punk - ou tirer au fusil sur un cul-de-jatte, mais, merde, The Slits, à une époque (la fin des 70's quoi), ça a été un groupe osé, violent, puissant, original, un groupe quasiment entièrement féminin à la base qui avait juste pris des instruments pour faire de la musique, comme ça, sans réfléchir, et il est absolument navrant de tomber sur un truc pareil, "Trapped Animal", un nouvel album encore pire que le pire, qui s'effondre lamentablement dans la médiocrité pendant une longue heure qui va de mal en pis et qui semble nier absolument tout ce que le groupe a fait auparavant. Musicalement, c'est d'une pauvreté révoltante qui mériterait un appel de fonds du G8 : mélodies bâclées et mal foutues, morceaux qui s'éternisent et n'ont rien à dire. Parfois, on tombe dans des pastiches ahurissants tant ils s'enfoncent dans les abysses de l'horreur. "Reggae Gypsy" (sic...) vous met à la suite toutes les mélodies clichées façon "La musique Tzigane pour les enfants". "Babylon" est un exemple de dub douloureux tant il semble poussif et vide, surtout quand ça vient d'un groupe dont les rythmiques venues de Jamaïque étaient si parfaites dans le temps. Quant à "Lazy Slam", ça sonne comme ces morceaux r'n'b que vous entendez parfois dans la rue, quand une voiture passe toutes fenêtres ouvertes avec le son à fond, et que vous vous dites "sincèrement, la personne au volant doit être débile mentale." Parfois, l'amateurisme légendaire du groupe resurgit un peu, mais c'est juste pour donner un côté maladroit encore plus gênant à ce grand désastre. Et ne parlons même pas de la voix d'Ari Up, vieillie, usée, vide, qui énerve plus qu'autre chose quand elle tente de copier-coller ses vibratos bizarres sur ces morceaux ready-mades qui sentent la mort.

"Trapped Animal" est un album rempli d'effets de studio consternants, et ces effets, ils semblent vous regarder droit dans les yeux, ils vous montrent du doigt, ils ricanent, ils vous disent calmement : "hé, regardez bien, les punks ont la cinquantaine et voilà ce qu'ils sont devenus". Tout y passe : beats cheap sortis tout droit des années 90, production de studio absolument abominable, synthétiseurs qui semblent impossibles à aimer, et puis même un peu d'autotune par moment, histoire de marquer au fer rouge "2009" sur ces tristes morceaux. On en vient à se demander si l'on écoute bien The Slits, si c'est vraiment sérieux, si c'est pas un fake, si Ari Up n'est pas morte dans un accident de voiture en 1981, je sais pas, on a envie de faire quelque chose et on est impuissant, comme vide face à tant de sénilité musicale. "Trapped Animal", c'est la douloureuse sensation qui nous étreint quand on rencontre à nouveau des amis d'enfance qui sont devenus de vrais cons. On ne sait pas ce qui s'est passé, mais quelque chose à du crever en cours de route. Cet album, c'est la mort du cool, c'est la tombe d'une génération, c'est la fin du monde avec trois ans d'avance.

Ah, le temps qui passe.
Foutu temps qui passe.









nb : Sinon, pour vous consoler, n'oubliez pas que Cut vient d'être réédité pour ses 30 ans en édition deluxe-collector-remaster-qui-coûte-super-cher et avec plein de morceaux bonus dont des Peel Session et des démos. Un cadeau de Noël idéal pour tous ceux qui veulent avoir chez eux un album aussi culte que la "Metal Box" ou "Chairs Missing," ou qui veulent vérifier que The Slits était bien, à l'époque, un groupe parfait qui mêlait l'amateurisme fou du punk et les grosses basses du dub, et a influencé toute une génération de filles énervées (oui, c'est à vous que je pense un peu, groupes de la scène Riot Grrrrl, mais pas seulement).


Une autre époque, assurément.


Emilien.

3 commentaires:

  1. Haaaan, Cut réédité ! Bigre, je vais voir ça, merci bien !

    (L'article est drôle sinon, mais personnellement je ne comptais même pas faire l'effort de vérifier que peut-être ça serait pas si mal ahah)

    Duck.

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  2. Je dois être le seul débile qui est consciemment allé voir 2012 et je peux te dire une chose : rien dans la diarrhée débilisante de Roland n'atteint l'horreur de Ask Ma. Avec ÇA en bande-son ce serait vraiment l'apocalypse.

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  3. Et encore, je t'assure que c'est pas le pire morceau de l'album. C'est même peut être l'un des moins affreux. Et il est déjà quand même très affreux.

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