D'abord une guitare, douce, jouant deux accords très simples. Il n'y en aura pas d'autres dans tout le morceau, deux accords majeurs simples et lumineux suffiront. La basse arrive rapidement, régulière. Le morceau s'appelle "Heartbeat". La grosse caisse tape de deux coups secs, comme des battements. Ça pourrait être risible, mais c'est trop intrigant. Tout est calme et une voix apaisée sort de là : "I'm sublime, I'm sublime", on sent que le son monte, et puis non, le souffle redescend. Dans le fond, une sorte de flûte très lointaine et noyée dans la reverb marque un rythme lointain. "I am mezmerized by my own beat/Like a heartbeat". La phrase en boucle. "Like a heartbeat". La batterie qui se lance, métronomique, le rythme, la montée, la guitare qui joue de plus en plus fort mais sans devenir violente, la basse qui augmente de volume, le tout est inchangé mais sur presque rien le morceau se lance, la mélodie reste en tête, ça avance et puis ça redescend, lentement, la grosse caisse refait les battements. La voix devient un murmure. La basse, un grondement lointain. Derniers coups. Fin.
Qui d'autre que Wire aurait pu faire un tel morceau? En 3m17, ils réussissent deux prouesses. Tout d'abord faire une chanson étrangement pop sans couplet ni refrain, une chanson répétitive mais qui ne lasse pas sur laquelle Colin Newman chante mieux que jamais. Et puis surtout, ils font ce qu'on pourrait appeler un anti-climax, qui est pourtant l'un des climax les plus géniaux de l'histoire du rock. Cette montée sur laquelle repose tout le morceau, elle n'explosera jamais, elle ne sera jamais accentuée par un changement dans ce qui est joué à la guitare ou la basse, elle n'entraînera aucun sentiment fort ou aucune détresse. Aucune fin grandiloquente, le morceau poursuivra son chemin avec la régularité d'un battement de cœur, dans une ambiance de plénitude totalement unique et mystérieuse. Cette montée ne sera qu'une variation de l'intensité du battement, mais qui ne remettra rien en cause. En soi, tout le morceau est dit dès sa première minute, et c'est pourtant fascinant à entendre. Tout comme il est fascinant de réécouter leur trilogie Pink Flag/Chairs Missing (dont ce morceau est tiré)/154 (sortis de 1977 à 1979) et de se rendre compte que ces types là, trop arty pour le punk et trop rusés pour la pop, ont crée ce que le post-punk a de plus génial, de plus original, de plus intemporel. Ne pas écouter ces albums, c'est rater un pan de la musique moderne.
Pour vous en convaincre, je vous propose d'écouter le morceau dont je parle, qui n'est certes pas le plus flamboyant de Chairs Missing, mais un de mes préférés tout de même (avec le tueur Mercy), non seulement dans sa version originale dans le player sur votre gauche, mais surtout dans une version live absolument démente :
Emilien.
Excellente chanson, j'aime beaucoup !
RépondreSupprimerJe réécouterai Wire.
J'aime aussi!
RépondreSupprimer