En 2005, Genesis Breyer P-Orridge, le meneur de COUM Transmissions dans les années 70, de Throbbing Gristle au tournant des années 80 et de Psychic TV jusqu'à il y a trois ans, apparaissait comme commentateur privilégié dans le rockumentaire "Dig!". Là, avec un naturel frappant et des allures de vieille femme, il déclarait son amour pour le Brian Jonestown Massacre et les Dandy Warhols lorsqu'au milieu des années 90, ces deux groupes étaient pour lui la seule chose à voir. Je me suis régulièrement demandé comment le chanteur de Throbbing Gristle (soit l'inventeur de la musique industrielle, si vous préférez), comment un type comme lui pouvait se retrouver dans le psychédélisme rock d'Anton Newcombe et Courtney Taylor... jusqu'à comprendre (grâce à l'excellent ouvrage d'histoire de Simon Reynolds, "Rip it up and start again") que la musique industrielle de TG ne pouvait être comprise qu'à condition de la considérer à sa juste valeur : comme un psychédélisme brutal, urbain, mais un psychédélisme tout de même.
Plus tard, j'ai découvert le groupe suivant de P-Orridge, Psychic TV et tout était plus clair. Né au début des années 80 à la mort de TG, cette entité s'est tout de suite montrée plus ouvertement inspirée par un héritage velvetien sans regret et une passion pour la transe et le psychédélisme sous toutes ses formes. P-Orridge avait tout essayé avec TG, des drogues en tous genres aux pratiques sexuelles les plus étonnantes et la musique de Psychic TV embaumait la liberté. Les premiers disques que j'écoutai étaient lunatiques et les écouter revenait à s'adresser à quelqu'un souffrant d'un déficit d'attention et changeant de sujet de façon irrégulière. Sur "Trip Reset" (publié justement au même moment que les premiers disques du BJM et des Dandys), il y avait une reprise de Pink Floyd, une ode à un chat noir prenant la forme d'une comptine pour enfants hallucinés, de lentes et insidieuses persuasions à la façon de TG et d'autres choses encore. Toutes ces grimaces différentes sur le même visage difforme (celui du très laid et paradoxalement très beau, et très "glam" Genesis, le charisme fait vampire angliche), pacifié par l'empirisme des substances mais derrière lequel se cache, encore aujourd'hui, une terrible rébellion à l'envers du déterminisme, toutes ces grimaces se révélaient être une vision définitive de la musique psychédélique. Rien de surprenant alors à découvrir, plus tard, qu'en 1988 avait paru un "Towards thee Infinite Beat" prédatant quasiment la house anglaise, roulant sur une transe électronique, jouée par un groupe de rock.
A 61 ans, Genesis P-Orridge est toujours actif et c'est peu de le dire. Après avoir reformé Psychic TV en 2003 et y avoir mis un terme en 2007, P-Orridge a tourné avec un nouveau groupe du nom de Thee Majesty, avant de reformer Throbbing Gristle ces dernières années (le groupe prévoit de publier prochainement leur version - déjà enregistrée - du "Desertshore" de Nico). Mais ça n'est pas tout.
(La bande annonce du film de Marie Losier, actuellement sur vos écrans)
Depuis la fin octobre, dans vos cinémas d'art et d'essai, un film de Marie Losier rend hommage à l'homme et à l'artiste. De la même manière que "Dig!" retraçait 7 années de la vie de deux hommes et de leurs groupes, "The Ballad of Genesis and Lady Jaye" raconte six années de la vie de Genesis et de sa femme, performeuse new yorkaise, artiste engagée idéologiquement, et finalement membre de la dernière incarnation de Psychic TV (New York Story est la chanson la plus marquante, la plus touchante, écrite par Genesis à cette époque). On y explore le quotidien de ce couple hors du commun, tandis que Genesis explique à la fois son historique (de son enfance à COUM à TG à PTV), son approche de l'art (notamment par la technique du cut-up) et son amour pour Lady Jaye Breyer, sa femme et sa moitié, et le mot est un euphémisme.
En effet, le couple Breyer P-Orridge avait pour objectif de devenir un seul et même être, par amour absolu pour l'autre, un être nommé pandrogyne. Le film dévoile ainsi les différentes opérations de chirurgie esthétiques qui devaient donner à Genesis des seins et rendre les deux êtres en tous points similaires. Si l'attitude empiri-centrée de P-Orridge, sa haine du déterminisme du corps et son apparent besoin d'exposition publique le vouaient à ce type de projet, il reste étonnant de le voir évoluer tout au long du film, avec un naturel et une naïveté bluffants, à tel point qu'il provoque l'empathie. La réalisatrice ayant adapté son montage à l'univers de P-Orridge (le film n'est pas "facile" à voir, il est sans cesse découpé, collé, et les séquences les plus inattendues s'y voient accolées, entre une approche documentaire et des séquences scénarisées, des photos et des images d'archive, le tout avec l’œil d'un voyeur), le film touche au but et ne se complait jamais dans le regard clinique ou pire, l'attendrissement. On éprouve à la fin du film un sentiment réel pour Genesis, qui transcende sa musique, ses idées ou son courage. Mine de rien, il est de plus en plus rare aujourd'hui de ressentir ce genre de choses devant un documentaire, qui plus est un rockumentaire, et c'est pourquoi je vous encourage à ne pas tarder à trouver un cinéma diffusant ce court film (1h12) et à découvrir de façon inhabituelle une musique fantastique, des personnages extraordinaires, et des idées, de belles idées.
(La bande annonce du film de Marie Losier, actuellement sur vos écrans)
Depuis la fin octobre, dans vos cinémas d'art et d'essai, un film de Marie Losier rend hommage à l'homme et à l'artiste. De la même manière que "Dig!" retraçait 7 années de la vie de deux hommes et de leurs groupes, "The Ballad of Genesis and Lady Jaye" raconte six années de la vie de Genesis et de sa femme, performeuse new yorkaise, artiste engagée idéologiquement, et finalement membre de la dernière incarnation de Psychic TV (New York Story est la chanson la plus marquante, la plus touchante, écrite par Genesis à cette époque). On y explore le quotidien de ce couple hors du commun, tandis que Genesis explique à la fois son historique (de son enfance à COUM à TG à PTV), son approche de l'art (notamment par la technique du cut-up) et son amour pour Lady Jaye Breyer, sa femme et sa moitié, et le mot est un euphémisme.
En effet, le couple Breyer P-Orridge avait pour objectif de devenir un seul et même être, par amour absolu pour l'autre, un être nommé pandrogyne. Le film dévoile ainsi les différentes opérations de chirurgie esthétiques qui devaient donner à Genesis des seins et rendre les deux êtres en tous points similaires. Si l'attitude empiri-centrée de P-Orridge, sa haine du déterminisme du corps et son apparent besoin d'exposition publique le vouaient à ce type de projet, il reste étonnant de le voir évoluer tout au long du film, avec un naturel et une naïveté bluffants, à tel point qu'il provoque l'empathie. La réalisatrice ayant adapté son montage à l'univers de P-Orridge (le film n'est pas "facile" à voir, il est sans cesse découpé, collé, et les séquences les plus inattendues s'y voient accolées, entre une approche documentaire et des séquences scénarisées, des photos et des images d'archive, le tout avec l’œil d'un voyeur), le film touche au but et ne se complait jamais dans le regard clinique ou pire, l'attendrissement. On éprouve à la fin du film un sentiment réel pour Genesis, qui transcende sa musique, ses idées ou son courage. Mine de rien, il est de plus en plus rare aujourd'hui de ressentir ce genre de choses devant un documentaire, qui plus est un rockumentaire, et c'est pourquoi je vous encourage à ne pas tarder à trouver un cinéma diffusant ce court film (1h12) et à découvrir de façon inhabituelle une musique fantastique, des personnages extraordinaires, et des idées, de belles idées.
Joe Gonzalez
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