C'est entendu.

jeudi 28 juillet 2011

[Alors quoi ?] Une dernière saillie contre l'esthétique chillwave et au lit ! [1ère Partie]

En 2009, la chillwave était à son paroxysme et ça n'a duré que quelques mois. Ce pseudo genre musical était alors l'ultime mode et les transis de musique pop (des chtarbés du ciboulot dans mon genre) ont même combattu quelques temps pour lui donner un nom. Certains tentèrent glo-fi, d'autres gorillavsbearcore (le blog américain gorillavsbear ayant basé toute son esthétique, ses goûts et le micro-label né depuis sur les codes du genre), mais c'est finalement le mot chillwave (à mon sens le plus pertinent), supposé avoir été dégotté par Carles du blog américain idiot The Hipster Runoff (*) qui s'imposa pour définir la musique en question.



1. Le culte pandémique du chill enferme vos âmes dans des polaroïds

La musique parlons-en. En Janvier 2010, j'avais défini le genre comme suit : "La chillwave est née lorsque tout un tas de types trop geeks pour être des hippies ont réécouté entre 2008 et 2009 la chanson Dawn Chorus de Boards of Canada et ont pigé qu'il y avait un coup à jouer." Je n'ai pas changé d'avis mais pour aller plus loin disons qu'en tant qu'énième descendant du psychédélisme et de la musique électronique, la chillwave est une musique de geeks sans le sou : créée par des jeunes hommes (le plus souvent) entre 20 et 30 ans, américains pour la plupart, sur des ordinateurs portables, dans des chambres (d'étudiants ou chez papa et maman), elle est d'obédience lo-fi, faite de beats majoritairement électroniques ayant pour vocation de faire danser (mais plutôt au ralenti), et habillée de synthétiseurs, de basses rondes et de guitares acoustiques.


(Boards of Canada - Dawn chorus)

La qualité des enregistrements et la nostalgie pour les années 80 de ses créateurs en fait une musique non-violente, plutôt lente, nageant dans une sorte d'océan ou de marécage de sons passés et brillants à la fois. Son esthétique sonore dérive de toute façon d'une indie pop post-Animal Collective et d'une population "indie" dont le Monde tourne autour d'une culture de masse parallèle où tout semble voué à ressembler à ça :

(Ratatat n'est pas un groupe chillwave, mais cette photo EST la chillwave)

Des photos (de préférence des polas) pâles de jeunes gens calmes, cools et comme déjà morts avec, c'est important, au moins un éclat de lumière quelque part, comme si tous les photographes du 21ème siècle étaient traumatisés par les clichés de Haley Joel Osment dans 6th Sense. Des teintes vertes et bleues, comme si un filtre pâle bleu-vert recouvrait la post-jeunesse de l'indémonde et signifiait le cool de cette génération, et vous avez face à vous la chillwave. Le soleil, la mer, American Apparel sur le dos, une canette de Mountain Dew en main et vous aussi vous serez chillés. D'ailleurs vous l'êtes peut-être déjà sans le savoir. Je suppose que chacun d'entre vous connait au moins une personne dont le flickr, le facebook ou le My____ recèle de clichés EXACTEMENT comme ceux-là, avec le petit reflet qui va bien. C'est si vous n'êtes pas directement concernés ! A croire que la photographie ne vaut plus rien sans cet effet digne du plus rudimentaire photoshoppage mais qui semble être la faucille et le marteau d'une jeune caste adulte occidentale ne croyant plus en rien sinon en sa propre moutonnerie de masse adoratrice du cool, tel un Dieu du Bien occultant la réalité. Voilà ce qu'est la chillwave. Un air que tout le monde connait, dont les paroles n'ont aucune utilité puisqu'il résonne dans la cabeza de tous les pratiquants du rituel qu'il implique et qui consiste à chiller. Autrement dit : fainéanter, se la couler douce et oublier l'époque dans laquelle on vit pour mieux se réfugier dans une nostalgie sans danger (puisqu'elle implique que l'on ne conserve du passé béni - les 80's, apparemment - que les bons côtés), laissant le présent derrière nous, comme s'il était déjà loin. Il n'y a qu'à regarder les images documentant cette frange de la population (laquelle n'a, si vous avez bien suivi, pas besoin d'écouter Toro Y Moi ou Washed Out pour vivre chillwave), délavées et verdies, comme si tout était déjà du passé, une belle façon de faire l'autruche, en glorifiant une époque où l'on n'a rien fait, que l'on a occultée par voie de cool. Les éclats lumineux semblent suggérer quelque phénomène fantastique, supranaturel, comme si les fervents chilleurs capturés étaient appelés à quelque quête spirituelle supérieure.


(Arthur Russell - This is how we walk to the moon, un autre axe d'inspiration des chillwavers)

La chillwave est le symptôme sonore et physique le plus largement visible de la maladie qui secoue depuis des années déjà la culture alternative ou "indépendante" américaine en particulier et occidentale en général. Pas besoin d'aller à Athens, Miami, Frisco ou Chicago pour en voir les signes. A Paris, n'importe quel hipster succombe dès qu'un nouveau groupe brille dans le vert et le fait danser au ralenti pour oublier d'agir. Et si ça n'est pas ça, si le hipster (au sens large, comprendre "membre de la communauté alternative de plus en plus conséquente qui se trimballe à tous les concerts indés et vénère le polaroïd) de Rennes, Roubaix, Bruxelles, Malmö ou Genève n'est pas corps et âme dévoué aux instantanés inoffensifs brillant inutilement dans une explosion silencieuse de tons pastels, alors son âme a du lui être dérobée deux secondes plus tôt par la rage tranquille des rockers pépères de l'indémonde, d'Arcade Fire à The National en passant par leurs petits nouveaux chouchous : les authentiques-et-vibrants WU LYF, dispensable mode de trois semaines, la dernière en date. Peu importe, comme dirait mon paternel : "c'est la même merde, fils".


Joe Gonzalez






(*) : The Hipster Runoff est une sorte de Voici consacré aux micro-stars de la hype underground, mais avec une ligne éditoriale stupide et des auteurs prônant leurs 2 points de QI, marrant puis très vite lassant.

12 commentaires:

  1. Bel article ! Je vois que tu en as eu ta dose de la chillwave et je te comprends ! J'aime comment tu vocifères sur les photos-porte-drapeau de la chillwave, un phénoménom qui dépasse largement la chillwave je trouve.

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  2. Du coup tu as revu à la baisse les trucs que tu kiffais ? Neon Indian, Toro y Moi...

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  3. Corniflax > La réponse dès demain !

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  4. c'est surtout person pitch qui est à l'origine de tt ça

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  5. Joe, tu as déjà écouté Suckers ?
    Je serais bien curieux de te lire sur ce groupe (sans doute pour le ruiner et le rapprocher de Yuck), même quelques mots ou une phrase seulement hein. :)

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  6. Anonyme > Oui voilà, quand je parle d'indie pop post AnCo c'est notamment ça.

    TANK > Jamais entendu parler et je t'avoue que j'ai un peu la flemme d'écouter un groupe que je ne vais probablement pas aimer :D

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  7. Bon je viens de réécouter, et en fait c'est assez dégueu de ma part de te demander d'en faire autant. Mais si tu veux une pierre supplémentaire à apporter à ta théorie sur la mort de l'indie rock, t'en as une belle nommée Suckers, je crois.

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  8. En fait c'est une catégorie encore différente. Yuck, Suckers, ces gens-là, contrairement aux chillwavers, ne se croient pas "cools", ils savent qu'ils font de la merde (y'a qu'à voir leurs blases) mais ils la font quand même.

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  9. Oui mais en fait je t'en causais dans les commz de cet article un peu par hasard, sans que ça soit lié, juste pour t'en causer :)

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  10. Oui oui et tu as bien fait, j'avais juste envie de faire remarquer que comme tu l'avais dit, ils étaient de la même trempe que Yuck, nom de famille compris.

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  11. Super article. Lu en un éclair et avec le sourire. C'est typiquement le genre d'article que j'adore trop. Parce que même si ça parle de zique que je connais pas et dont je me fous, je vois de quoi ça cause (car ça cause d'autre chose, de plus vaste), du coup ça me cause à moi, et j'ai envie d'en causer !

    Vivement demain !

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