C'est entendu.

vendredi 29 juillet 2011

[Alors quoi ?] Une dernière saillie contre l'esthétique chillwave et au lit ! [2ème Partie]



2. Quatre piliers comme les quatre Dalton, une chronologie de la maison chill depuis ses fondations...

Entre l'été 2009 et Février 2010, le gros de la première vague chillwave connut son quart d'heure (voire son automne) de gloire. Les disques n'étaient pas encore aussi markétés que ceux qui allaient suivre, mais entre gorillavsbear, Stereogum, Pitchfork, MagicRPM et bien d'autres, la promotion web auprès des hipsters avertis était assurée. Les grands noms d'alors étaient au nombre de quatre et chacun avait son terrain de jeu personnel. Le vétéran Dayve Hawk, alias Memory Cassette et Weird Tapes, allait coupler ses deux projets en un Memory Tapes dont le premier album, "Seek Magic", devait paraitre à la fin du mois d'Août 2009.


(Memory Tapes - Bicycle, sur "Seek Magic")

Conservant la guitare électrique dans son attirail, Hawke proposait avant tout une sorte d'indie pop rêveuse et synthétique, en rêvant de parvenir à un métissage sonore et à des collages aussi aboutis que ceux de Talking Heads ("Seek Magic" signifie d'ailleurs "Chercher la magie"). Une tâche ardue, voire rendue totalement impossible par sa condition de chillwaver : à la différence d'un David Byrne bossant avec trois (voire quatre si l'on compte Eno) autres musiciens, Hawke est un compositeur solitaire (que l'expérience ratée de son groupe Hail Social a probablement amené à éviter de s'entourer) et si l'album était au final peu convaincant sur la longueur, il n'en restait pas moins une tentative concluante d'amener ce qui allait devenir la chillwave vers des envies de danse jusqu'alors plutôt en sourdine dans l'indie pop des 00's.

Dayve Hawke, du bleu-vert et un éclat lumineux...


A peu près au même moment, Ernest Greene, encore un solitaire, publiait un EP qui allait devenir un manifeste de la chillwave, "Life of leisure" (soit "Vie de loisirs"). Sous le pseudonyme Washed Out il avait alors enregistré le meilleur disque du moment, malheureusement trop tardif pour accompagner les indie kidz pendant leur été 2009, sur lequel les beats se révélaient plus propices à la danse, et les chansons plus directes, toutes des tubes lo-fi instantanés accompagnées par un chant vaporeux, beaucoup moins habité que celui de Hawke, comme un voyage astral, loin du corps et des problèmes.


(Washed out - Hold out, sur "Life of Leisure EP")

Certainement beaucoup moins ambitieux que Hawke, Greene se contentait de dérouler la bande-son dont tous les blogs rêvaient depuis des mois. gorillavsbear enchainait les crises cardiaques et les pontages coronariens à chaque mp3 dévoilé, une ébullition de sueurs érotiques agitait l'ensemble de la blogosphère : à raison ou à tort, Washed Out avait démocratisé l'attitude chill, mis des tubes sur le concept de Memory Tapes, et donné aux hipsters du monde entier l'autorisation officielle de se mettre corps et âme au rencart, au repos, au placard.

Ernest Greene, du bleu pâle et la mer...

Alors en Octobre, Alan Palomo, sous l'avatar Neon Indian, enfonça le clou. Son "Psychic Chiasms" se proposait d'amener une dimension psychédélique supplémentaire aux principes déposés par ses prédécesseurs. Le chiasma psychique désiré passait par une connexion entre les synapses de l'auteur et celles de son public-type. Rien de plus simple puisque Palomo, comme tout bon waver de son état, n'était autre qu'un hipster en tous points égal à ses auditeurs, avec ce que cela entend d'ENVIE de psychédélisme.


(Neon Indian - Should've taken acid with you, sur "Psychic Chiasms")

J'insiste sur le mot envie parce que contrairement à d'illustres prédécesseurs bourrés de drogues et de psychotropes légaux ou non, Palomo se démarquait en ne faisait que suggérer les drogues et leurs effets. Une façon inoffensive de faire planer un public qui, comme lui, voulait sa dose mais refusait les risques. Ergo la meilleure chanson de l'album, intitulée "j'aurais dû prendre de l'acide avec toi". La drogue que ni nous (j'avais moi-même d'ailleurs adoré l'album même si je n'y avais rien compris) ni Palomo ne prenions, lui pouvait en manufacturer une méthadone sonore. De "Taking drugs to make music to take drugs to" (*) on était passé à "Making music to pretend we're on drugs". Palomo avait alors inventé une nouvelle case dans le paysage musical, celle du dealer le moins dangereux au Monde, trop bien sapé, trop cool et doté d'une culture synth pop trop grande pour être considéré comme un naze ou un charlatan new age. Et surtout ses beats étaient d'enfer comparés aux autres productions chillwave. On commençait à se dire qu'on allait enfin pouvoir danser sur cette musique.

Alan Palomo, bibliothécaire sapé de la synth pop...

L'album suivant, il fallut l'attendre jusqu'en Février 2010, lorsque le très-prometteur-et-tout-le-monde-s'accorde-là-dessus Chaz Bundick, alias Toro Y Moi, publia enfin son album "Causers of this". A nouveau, et c'est une des raisons pour lesquelles la chillwave a pu passionner un certain nombre de critiques (dont l'auteur de ces lignes), la donne changeait et c'était excitant. Oh pas énormément, mais tout de même, après la radicalisation du beat pop amenée par Neon Indian et ses recherches psychédéliques, Bundick faisait office de geek binoclard moins branché par la danse que par l'électronique.


(Toro Y Moi - Lissoms, sur "Causers of this")

Et c'est aveuglé par cet aspect de sa personnalité musicale que je l'envisageais comme un waver ayant pris ses conseils du côté de Boards of Canada, et même plus directement de Bibio puisqu'en écoutant un morceau comme Lissoms je me prenais à imaginer la chillwave flirtant avec l'avant-garde du folktronica. Je n'avais pas entièrement tort puisqu'une partie du LP était comme ça, mais mon assertion finale était elle à côté de la plaque. La vérité c'est que la majorité des chansons sur l'album voguaient davantage vers une chillwave assez classique, soit des popsongs miaulées par la voix innocente de Bundick dans une atmosphère cotonneuse n'allant pas bien loin. Ce que j'avais pris à tort pour une nouvelle avancée et peut-être la plus pertinente des quatre, n'était qu'un faux espoir...

Le rayon de soleil divin frappe Chaz dans une composition bleue... et verte.


Joe Gonzalez






(*) : Titre d'une célèbre compilation du groupe anglais Spacemen 3 au début des années 90.

6 commentaires:

  1. Super deuxième volet d'une excellente historiographie. Contrairement à hier, j'ai pu écouter les morceaux en lisant le papelard, et je les trouve tous super à chier ! Jacno c'était mieux...

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  2. Ouais mais si tu lances les 4 players en même temps, là ça déboîte !

    Memory Tapes je me souviens de la déception en l'écoutant, je l'avais commandé sans l'écouter, sur la foi de plein de papiers enthousiastes... Plus M.O.R., tu M.E.U.R.S.

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  3. Demain on reprend les quatre même artistes et après avoir passé en revue tous ceux qu'ils ont inspiré en 2010, on voit ce que leur nouvelle fournée (ils sortent tous la suite de leurs albums en 2011) vaut.

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  4. ah ben moi y'a que Memory Tapes que je trouve pas mal..

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  5. bof tu enfonces des portes qui st grandes ouvertes depuis quelques temps déjà

    de tte façon je ne pense pas que quiconque ait jamais pris la "chillwave en tant que genre musical" au sérieux, à part certains hipsters dépassés (pléonasme me diriez vous)

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  6. Ouvertes ? Si tu as lu ailleurs ce que j'écris dans la partie 1 à propos de l'esthétique chillwave-indie et la critique que j'en fais, je te serais reconnaissant de me filer des liens ! Pas que je me considère comme unique en mon genre. Je sais très bien que je suis loin d'être le seul à me montrer très critique vis à vis de tout ça mais bordel j'aimerais que d'autres le disent et l'écrivent !

    Et tu te trompes vis à vis de la chillwave. C'était pris extrèmement au sérieux en 2009. Mais évidemment ça n'a pas duré (et tant mieux) et comme des tonnes d'autres genres-modes d'ailleurs.

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