C'est entendu.

jeudi 16 juin 2011

[Vise un peu] GusGus — Arabian Horse

Les Islandais m'ont (encore) eu. Je crois bien qu'en temps normal, si je n'avais pas été fan du groupe depuis "Polydistortion", j'aurais tout de suite rejeté cet album en entendant un son d'une telle vulgarité apparente.

D'ailleurs, plusieurs de mes connaissances vont dans le même sens ("abominable", "[…] avec ces voix atroces, c'est juste pas possible"), tant il est vrai que GusGus met les pieds dans le plat avec ses bottes fluo tout au long d'"Arabian Horse" (réverb, chants grandiloquents, relents de pop commerciale et de dance music omniprésents).


(Deep Inside)

Tout cela n'est pas nouveau : je vous en avais déjà parlé il y a quelques mois avec la sortie de l'excellent "24/7", les disques de GusGus ont depuis plus de dix ans un côté club/rave particulièrement marqué, et une qualité parfois inégale (sur les albums techno "Attention" et "Forever"). Mais "24/7" s'en sortait avec les honneurs en utilisant cette esthétique à dessein et en la subvertissant sur une œuvre à la fois originale, conceptuellement réussie et follement accrocheuse. "Arabian Horse", par contre, nous propose un disque pop tout ce qu'il y a de direct en apparence… et pourtant.


(Within You et Over, jouées lors de l'inauguration d'une nouvelle salle de concert à Reykjavik.)

Pourtant, tout comme avec "24/7", GusGus réussit son coup avec "Arabian Horse", et nous propose à nouveau un disque réussi malgré ses apparences peu recommandables. Pour expliquer ça, il faut vous dire ce qui m'a toujours plu chez GusGus (et qui a fait que j'ai continué à les suivre même dans leur pire période, même quand la voix planante de Dániel Ágúst s'est faite plus rare) : ce groupe d'"electronic soul" a toujours eu, quand il le voulait, l'oreille pour créer des beats entraînants et des basses profondes qui touchent au dancefloor sans tomber dans la banalité. "Arabian Horse" commence par un bel exemple de ce talent avec Selfoss (même si elle prend un tournant inattendu et vire en musique tzigane à la fin… pourquoi pas) ; et si les pistes suivantes peuvent sembler carrément pop, elles sont toutes basées sur des compositions de house minimale dans le plus pur style GusGus — tout en adoptant pour les chants un style inspiré par la synth-pop des années 80.

"Arabian Horse" peut avoir de faux airs de retour aux sources, l'album étant le premier depuis un bout de temps à être basé sur des chansons au format quasi-radio (comme sur "Polydistortion" et "This Is Normal") ; mais plutôt que de retourner vraiment à leurs gloires passées (ce qui serait d'ailleurs difficile vu le changement de line-up), le groupe a plutôt assimilé les bons éléments de leurs disques de techno (si, si, il y en avait) pour les inclure dans un album hybride, entre synth/dance-pop et house minimale, ce que GusGus n'avait jamais vraiment fait avant. (Leur album qui combinait le plus pop et électro dansante était "This Is Normal", mais l'ambiance était sensiblement différente, moins synthétique, moins électronique, le son nettement plus 90s et les percussions n'avaient rien à voir.)


(Arabian Horse)

Et ça marche. Le style est assuré, affirmé, les compositions tiennent la route et ne sont pas dénuées d'émotions (souvent étonnamment en retenue d'ailleurs — même si la plupart des pistes les plus réussies sont également les plus dansantes, comme Deep Inside, Over ou la piste-titre). L'album n'est pas sans reproche (la fin de l'album, justement très posée, est moins mémorable que le début), mais c'est un nouveau pas en avant bienvenu pour le groupe et un disque plus original qu'il n'y paraît. S'en sortir avec une telle esthétique quand le groupe semblait si mal parti il y a quelques années et parvenir à se renouveler par la même occasion, finalement, ça inspire même un certain respect… non ?


(… du moins si on arrive à passer outre leurs goûts vestimentaires.)


— lamuya-zimina


P.S. : Si vous avez toujours rêvé de découvrir des groupes islandais qui ne sont pas Sigur Rós, ce lien devrait vous ravir.

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