C'est entendu.

mercredi 1 juin 2011

[They Live] Hauts faits d'armes et profondes déceptions, deux après midi gratuites dans le Parc de la Villette

Pas d'excuses du genre "ma maman m'a pas donné mes étrennes ce mois-ci" ou bien "j'ai pas réussi à frauder et à me faufiler par-dessus le grillage derrière la Grande Halle, là où c'est pas bien surveillé", je n'accepterai aucune défilade. La seule excuse qui pourrait vous dédouaner d'avoir raté les concerts gratuits dans le Parc de la Villette, le weekend dernier, sous un soleil magnifique je tiens à le rappeler, c'est si votre mémé a clamsé, ou bien évidemment si vous habitez Dax.


J'aime bieeeeeen les festivals qui proposent des après-midi gratuites en plein cagnard. C'est pas que je sois radin, mais c'est quand même bieeeeen comme principe. La programmation est éclectique et des gens qui n'auraient jamais de leur vie penser entendre du dubstep se retrouvent face à Kode9, des saintes-nitouches venues flaner là par hasard tombent sur Eugene Robinson à oilpé en train de se caresser le mastard et des gars comme moi tombent des nues devant James Pants. La gratuité amène la découverte et pour les fanatiques, les amoureux, les passionnés, on peut toujours sortir les sous pour se payer The Fall ou Thurston Moore plus tard dans la soirée. Ça c'est la Villette Sonique et il y a peu de festivals qui le font aussi bien (je pense aux Siestes Électroniques à Toulouse mais dans un registre de moindre prestige).


Samedi 28 Mai

(Guillaume Marietta et Seb Normal, branchés sur le 220, par bruitsilencieux)

Le Village des Labels, il fallait évidemment y passer. D'abord parce qu'acheter des disques est peut-être has-been mais c'est encore un plaisir intense pour certains d'entre nous, mais aussi parce que c'est l'occasion de discuter avec les disquaires (le mec de Souffle Continu, une crème), les labels bizarres (Carton, Dataglitch) et des confrères (le webzine Hartzine, le seul autre webzine français que je lis régulièrement), de voir étalés tous les disques de Born Bad Records (on a envie de les acheter même si on les a déjà), ceux de Clapping Music (de chouettes autocollants Konki Duet en prime), d'Ateliers Ciseaux et tant d'autres.

Et au milieu de tout ça, un stand Libération. Avec des exemplaires de Libé en vente... Ah bon.


(Un petit aperçu de l'ambiance au Village, par Qwartz.TV)

Un jour, vous y trouverez un stand C'est Entendu, et vous ne saurez pas d'où ça vient, mais en attendant, ce village de labels que l'on retrouve à intervalles réguliers (Qwartz, BBmix, etc), c'est à chaque fois comme une réunion de famille doublé d'une fête foraine, un régal en somme.


(The Feeling of Love - Cellophane Face)

Le premier concert de la journée, Caribou, ne représentait pas d'enjeu majeur, comme si on savait avant d'en entendre une note à quoi cela pourrait ressembler. Le public venu accueillir Dan Snaith aura probablement été le plus fourni du weekend, les tubes Melody Day, Sun et Odessa ont tous été joués, mais Snaith ayant le charisme d'une huitre, la foule aura fini de me décourager et de me pousser à "assister" au concert depuis la terrasse située derrière la scène, avant de faire route vers le Jardin des îles où le concert le plus attendu du festival (par votre serviteur, tout du moins) avait déjà débuté : The Feeling of Love ou la promesse tenue d'une effervescence garage'n roll sur scène (la dernière fois, c'était à Vulcania, il y a un an). Guillaume Marietta en marinière et blouson n'aura oublié que d'intégrer l'hymne We're out of tune à un set sinon parfait de bout en bout, du son déployé à l'énergie distribuée (un pogo naissant rapidement au centre du public) en passant par les chansons jouées (I am the road, majestueuse, Right-wrong, Funk police, scandées en chœur avec les spectateurs) et les idoles convoquées (Anton Newcombe et Joel Gion, mais aussi Roky Erikson et tant d'autres). L'éventail de guitares de Marietta, toujours épaulées par le synthé vrombissant de Seb Joly et la batterie à propos de Seb Normal, aura déployé en moins d'une heure tout ce que l'amoureux de rock'n roll sale nécessite pour recharger ses batteries. Vivement la prochaine fois.


Dimanche 29 Mai

(L'anaconda d'Eugene Robinson, vu par Legzomil)

Arrivé plus tôt, le contingent C'est Entendu se retrouve assis face à la scène vide où Hype Williams, la "sensation underground" (The Wire l'a dit, donc...) londo-berlinoise en provenance d'Estonie, devrait déjà jouer depuis vingt minutes. Problème technique ou quoi ou qu'est-ce, entre l'arrivée retardée du duo (un garçon, une fille) sur scène et leur départ, quinze à vingt minutes d'IDM molle et bourrée de samples vocaux auront eu le temps de décourager quiconque de se renseigner sur Hype Williams, et ceux qui avaient déjà pu jeter une oreille à leurs enregistrements mettront longtemps avant d'y revenir.


(Kode9 & The Spaceape - Black smoke)

Heureusement, la scène du Jardin des îles était largement réservée à la découverte du dubstep, ce genre musical mené par la basse et le rythme, né et résident depuis une dizaine d'années au moins en Angleterre, et dont l'un des ambassadeurs, le créateur du label Hyperdub, j'ai nommé Kode9, était invité à titiller la curiosité des profanes présents en nombre. Accompagné du MC/poète/slammeur The Spaceape, Kode9 vient de sortir un second LP collaboratif ("Black sun") et le moins que l'on puisse dire, c'est que la transposition sur scène tient la route. Des atmosphères lourdes, pesantes et ténébreuses, sur lesquelles le flow urbain du Singe de l'Espace fait merveille, évoluant perpétuellement dans les graves, ne fait que rebondir, sans prendre le dessus entièrement, tel un Gil Scott-Heron (auquel The Spaceape rend hommage avant de débuter le set) encore plus désabusé. Le futur du hip hop, Messieurs Dames, sauf que nous autres pauvres français avons bien dix ans de retard sur le dubstep à refaire. Avant l'arrivée d'Ikonika, signée elle-aussi chez Hyperdub, la décision de rejoindre l'autre rive de l'Ourcq afin de nous confronter à Suuns est prise et regrettée rapidement, tant ni leur musique ("paaaas bien" d'après ceux qui s'en sont approchés) ni celle de Blondes, un duo techno-kraut entendu de loin, de dos, pendant un goûter bien mérité, ne nous auront passionnés.


(Oxbow - The Geometry of Business)

La dernière étape s'appelle Oxbow, un groupe de blues violent et bruyant mené par le charismatique Eugene Robinson, aux muscles imposants, aux tatouages apparents et réputé pour être "irrévérencieux". Conquis par une telle description, je m'attendais... à mieux. Le boucan joué par les musiciens l'est à un volume sonore respectable mais les riffs, eux, ne relèvent la plupart du temps d'aucun éclair de génie et sont si banals, si peu enthousiasmants que toute l'énergie déployée par Robinson pour nous convaincre (le bonhomme se retrouve en slibard au bout de trois chansons, le micro dans une main, le mastard dans l'autre, suant à chaudes gouttes et ne chantant pas toujours dans le micro) ne servira qu'à nous retenir un peu plus longtemps que prévu avant de partir jeter un œil au set de James Pants, la supposée nouvelle signature talentueuse du label de hip hop Stones Throw (l'un des meilleurs au Monde dans ce domaine). En arrivant sur place, la surprise est grande de trouver Pants en position derrière des platines, comme prêt à se lancer dans un DJ set. Comme si un DJ set avait des chances de fonctionner par 30° de température, au milieu des bois (la scène du Jardin des îles est couverte de buttes en terre, d'arbres, etc, pas vraiment le genre d'endroit propice à la danse ou quoi que ce soit qu'un DJ set souhaite engendrer) face à un public non-exclusif... Et il l'a fait. Lançant le I wanna be your dog des Stooges, sans retravailler sa matière, Pants se contente de couper le son sur le "be" de "I wanna be", exhortant les quatre personnes debout face à lui à hurler "YOUR DOG" et c'est alors que, le visage écartelé par la surprise, béat d'étonnement, je m'exprimai "VRAIMENT ?" avant de fuir, laissant les pauvres hères inconscients du sabotage de 30 ans et plus de DJing qui était en train d'avoir lieu. Alors que Pants se lançait dans une imitation ringarde et maladroite des sets de 2manyDJ's, je me dis que quelqu'un de moins poli que moi serait monté sur scène pour tirer l'oreille de ce gamin irrespectueux avant de lui demander "tu te rends compte de ce que tu fais, tu t'en rends compte ?".

Être déçu par un Oxbow ou un Hype Williams est presqu'aussi passionnant que de découvrir le visage du dubstep ou de s'émerveiller devant des chouchous. Ces après-midi gratuites sont la meilleure chose qu'un festival puisse faire POUR la Musique avec un grand M, car nul ne prendra la mouche face à un artiste profondément mauvais, tout comme le quidam habituellement frileux vis à vis d'un certain genre musical, ne se sentant pas prêt à débourser le moindre euro dans une aventure en aveugle, n'aura aucun mal à se lancer tête la première dans une expérience dont il sait pouvoir fuir sans regret. Le devis est gratuit et chaque convaincu devient un consommateur potentiel, ce que l'on peut traduire par actionnaire de la Musique.


Joe Gonzalez


P.S. : Un compte-rendu photo complet du festival est à visionner chez l'ami Robert Gil.

8 commentaires:

  1. Sunns mauvais en live ? leur opus n'est pas forcement à jetter pourtant..

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  2. Aucune idée, pas écouté. Pas non plus entendu leur set, cette phrase de l'article ne fait que rapporter un on-dit.

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  3. écoute Arena de leurs dernier album c'est la meilleure je crois que beaucoup de chroniqueurs sont passés à coté de leur dernier album sortit chez secretly canadian

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  4. Promis j'essaierai pour voir ce que ça donne !

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  5. Écrire que les riffs de Nikko Wenner d'oxbow sont banals relève d'un degré inégalé de stupidité... et de pertinence. En même temps quand on découvre le reste de la teneur du blog on comprend rapidement qu'on a affaire ici à de bons petits hypsters, parfaits ignares en matière de musique underground (ex: le mignon report sur le concert de slint).
    Benoit

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  6. ...et de MANQUE de pertinence. L'indignation me fait écrire des sottises.
    Benoit

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  7. Ma stupidité n'est qu'une affaire de goût. Ton manque de politesse me semble plus universel.

    Je ne me ressens pas comme un hipster, mais je ne prends pas mal la "critique". Je ne crois pas être un hipster puisque que je ne suis pas le mec qui suis les dernières modes et hypes sans se poser de questions. Je suis assez antinomique de ça. Je me pose beaucoup trop de questions et fuis les hypes. Le fait que j'aie apprécié le concert de Slint en 2007 fait-il de moi un ignare ? Je ne comprends pas pourquoi. Si tu veux bien m'expliquer. Est-ce parce que je n'ai commencé à aimer Slint qu'en 2007 ? Est-ce trop... tard ?

    Il y a pire qu'un hipster. Un hipster est une carcasse vide qui se trémousse sur les disques que Tania Bruna-Rosso, elle-même carcasse vide,lui a dit d'écouter parce qu'on lui avait dit, à elle de les écouter (je caricature évidemment).

    Il y a pire que ça. Il y a les mecs qui, sans justifier quoi que ce soit, sans s'ouvrir au moindre dialogue, débarquent chez les autres, s'essuient leurs pieds dégueulasses sur le tapis, laissent entendre qu'ils pourraient étaler leur science, ne le font même pas, et disparaissent dans la nuit. Et là c'est de toi que je parle, Benoit. Tu critiques les hipsters mais tu pourrais faire ta propre auto-critique...

    Ou bien te décider à "parler musique".

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  8. Oui l'album des Suuns est sympa. Ni classique ni prise de tête je trouve. Il a vraiment un petit quelque chose, après en live ça a très bien pu être raté comme dit dans l'article. Mais je te conseille comme Yannick de tendre une oreille sur l'album ^^

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