On ne le répétera jamais assez : se laisser le temps, c'est important. Pour l'illustrer, je prends l'exemple de "Mind Bokeh", datant du 4 avril 2010. Écouté pour la première fois le jour de sa sortie, j'en suis ressorti déprimé, patraque. J'attendais l'album depuis un petit moment déjà, et rien ou presque n'avait réussi à me convaincre, tant au niveau du son qu'à celui de la composition. De la redite à peine camouflée et goulûment pré-mâchée par une production égale aux usages en vigueur il y a deux ans (avec "Ambivalence Avenue"), le tout livré à domicile par un coursier pas très sexy. Voilà en quelques mots les grandes lignes de mon ressenti à chaud : j'étais vraiment déçu, et agacé de l'être à ce point. Les écoutes qui suivirent ne me faisant pas changer d'avis, je décidai d'occulter l'album pour un temps et d'y revenir un peu plus tard, ce qui nous amène à il n'y a pas si longtemps que ça. Et là, comme par magie (pardon pour cette justification minable, mais c'est assez vrai)... Je me suis mis à aimer tout un tas de trucs. Surpris par ce changement d'opinion assez soudain, je me creuse encore les méninges pour savoir ce qui s'est passé lors de mes premières écoutes. Le mystère reste pour le moment entier. Sans aller jusqu'à dire que j’idolâtre "Mind Bokeh", il y a une foule de choses qui me touchent, et que l'on retrouve de manière récurrente chez Bibio, c'est vrai, comme les voix lo-fi très haut perchées, triplées, quadruplées et le côté retro que Wilkinson donne à ses morceaux. On se croirait en train d'écouter un vieux vinyle défraîchi par le temps et dont la couverture serait restée exposée trop longtemps au soleil.
(Pretentious)
Bibio passe par des chemins qu'il a déjà empruntés : des guitares sèches rappelant lointainement "Vignetting The Compost" (2009), et des rythmes hip-hop faisant écho à "The Apple And The Tooth" (2009 également). Certains morceaux parlent d'eux-mêmes et affirment haut et fort leurs similitudes avec leurs ainés : ressortez "Ambivalence Avenue", écoutez Jealous Of Roses et sa fameuse pédale wah wah, puis repassez vous Light Sleep, sur "Mind Bokeh" et constatez. C'est comme si le premier titre avait établi une sorte de recette déclinable au fil des albums et dont on est toujours heureux de retrouver une interprétation. Car si lors des premières écoutes infructueuses j'avais seulement eu l'impression que c'était du remplissage rapide et facile, la seconde flopée d'auditions m'a remis sur les rails du droit chemin et m'a fait entrevoir le mécanisme de ladite déclinaison et toute la richesse qu'il impliquait...
Qui dit nouvel album dit (presque) nécessairement nouveauté. Bibio a déjà prouvé que la recherche et le défrichage faisaient partie de ses talents et si "Mind Bokeh" semble comme ses prédécesseurs couler de source, c'est pour mieux amener la rupture de mi-parcours qui va bien. Elle porte un nom: Take Off Your Shirt, et finies les petites ballades hippies à la cool, on laisse la place à un bon gros rock masculin, armé d'un riff imparable et d'une rythmique martelante. Pour casser l'écoute ? Pour montrer que Stephen Wilkinson sait poser ses cojones sur la table quand il le faut ? Allez savoir. En tout cas, Take Off Your Shirt est efficace, a l'étoffe d'un tube, mais sur un album de Bibio, revêt plutôt la forme d'un OVNI. C'est toute l’ambiguïté de ce morceau, et c'est sûrement un peu pour ça qu'on l'aime, aussi, et qu'on a l'impression en l'écoutant d'être dans une fosse pleine de monde, sautant au gré du rythme, un sourire collé au visage et un bras en l'air. Cependant, une fois l'interlude rock passé, retour aux sources, la lo-fi planante, soigneusement arrangée et délicatement chantée reprend ses droits. Et ce jusqu'au bout.
(More Excuses)
En résumé, bien qu'il m'ait fallu du temps pour l'apprécier, je savoure aujourd'hui "Mind Bokeh" à la manière d'un cocktail servi dans un ananas ou une noix de coco, au bord d'une piscine pleine d'une eau à 25°c et d'un bleu azur. Je goûte à un mélange de saveurs et de couleurs dans une enveloppe simple et qui se veut authentique. Ça me plait bien, je dois dire.
Hugo Tessier
J'ai eu du mal à piger l’accueil très négatif qu'a reçu un peu partout Mind Bokeh... Pour moi il est tombé a pic : de la pop décomplexée bien jouissive et un artiste qui ne se pose aucune (questions?) limites.
RépondreSupprimerAvec un tube power-pop (a la Phoenix?) à réveiller les morts, un final beau a pleurer (Saint Christopher) avec quelques passages electronica bien exigeants, le tout sur une production/ambiance bien personnelle à Bibio.
Sans exagérer ses qualités, je suis totalement conquis la cuvée 2011... :)
Je lui mets 3/5 si je dois lui mettre une note. Je n'aime ni le single ni le tube powerpop en bois massif (j'aime pas phoenix donc ca reste logique). Il y a certes quelques chansons bien senties, mais aussi pas mal de déchets.
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