C'est entendu.

lundi 9 mai 2011

[They Live] Retour vers Odd Future

On se posait il y a peu la question de l'avenir du collectif Odd Future et de son leader Tyler the Creator. Cet article n'est pas le moins du monde une réponse, mais on continue l'enquête.


Le rendez-vous était donc pris au Social club pour voir de nos yeux si le bordel que la bande aurait mis chez nos honnis voisins insulaires survivrait à l'Eurostar. Malgré le "Sold out", l'affluence est toute relative et le public composé d'au moins 50% des hipsters que Tyler raille à longueur de texte s'installe tranquillement devant une scène à l'éclairage tout droit sorti de Tron. L'attente sera longue et la soupe électro-Clayderman envoyée à grand renfort de subwoofer n'est pas là pour atténuer ce sentiment pénible. La DJ officiant derrière les trois MCs du jour (Left Brain, Hodgy Beats et le Créateur) se fendra d'une longue intro rappelant dans un premier temps qu'on est bien dans un club et dans un deuxième qu'on aurait foutrement aimé voir des musiciens à sa place, comme lorsque OFWGKTA étaient passés chez Fallon avec The Roots en backing band.

(Jeff Bridges attend en coulisses)

Tout est oublié cependant quand l'intro de Sandwitches démarre, et le public frissonne, l'instru suit son cours, la scène toujours vide. La DJ rembobine avec un bruit d'avant-guerre et lorsqu'elle relance le son, c'est l'apparition quasi-christique. Vêtu de son habituelle cagoule verte mais aussi de la marinière floquée "Goblin" (le titre de son album à paraitre) de l'équipe de France, Tyler scande avec violence les paroles tandis que ses deux compères prennent bien vite la mesure du public en s'y frottant d'on ne peut plus près. Cette introduction semble éternelle tant les jeunes rappeurs sont hyperactifs, sautant dans la foule, se chahutant l'un l'autre, toujours au plus près d'un public comme agité de spasme, à bout de souffle qui s’époumone sur ces "Wolf ! Gang !" qui ressemblent énormément à des "Wu ! Tang !"


(Sandwitches, le son poussé dans ses extrêmes)

Quand il lâche un "Sorry but something we don't do is a setlist" on comprend que Tyler est bien le maître de cérémonie ce soir et qu'il prend son rôle très à cœur. C'est ainsi qu'il demandera aux spectateurs de s'écarter et de le laisser descendre parmi eux pour vivre la folie du titre "French !" au corps à corps. Même happés par les fans, les fringuants "Golf wangers" trouvent toujours le chemin du micro et dégagent leur énergie à grand coups de sauts et de cris. Hodgy beats n'est pas en reste et arrache une partie du plafond en s'accrochant aux spots à quelques centimètres seulement au-dessus du public. Le show se déroule à beats battants, entrecoupé de courtes discussions avec la DJ (car la blague de la setlist n'en est clairement pas une). Les trois jeunes types savent bien que les intermèdes ne sont pas nécessaires tant ils interagissent pendant les morceaux. Tyler qualifie l'audience de "wild" et on veut bien le croire.


(Radicals, où l'on voit la marinière en action)

Si on attend avec impatience la preuve par la musique que ce collectif a l'étoffe de la révolution hip-hop qu'on leur met un peu hâtivement sur le dos, il est certain que l'occasion de les voir en concert ne doit pas se manquer et que l’énergie adolescente de leurs premières productions n'est pas feinte. On a là une bande de gosses qui viennent partager leur musique et surtout se marrer un bon coup, accompagnés d'un leader charismatique et c'est pour l'instant bien assez.


Nephtalie


P.S. : Merci à BigAdrius75 pour les vidéos.

19 commentaires:

  1. dis donc il vous passionne ce gars..

    RépondreSupprimer
  2. Il passionne la moitié (voire les deux tiers) de la Rédaction ainsi qu'environ 100% des hipsters du Monde Libre.

    Moi il m'intéresse, c'est déjà pas mal.

    Donc on en parle, ouais.

    RépondreSupprimer
  3. Il a de quoi passionner.
    Rares sont les mecs de moins de vingt ans à assumer le leadership d'une bande de branleurs nihilistes (ouais ouais mec, ils sont radicaux) et à diffuser leur connerie dans 50 États du Nouveau Monde et par-delà l'Atlantique.
    En France on a l'air un peu con à scander leurs refrains quand on est incapables de piger les paroles des couplets mais la musique est assez costaude pour tout tenir et c'est bien comme ça.

    TUE BRÛLE ENCULE

    [Tyler ignore certainement la belle assonance en U que produit son gentil hymne qui appelle à l'insurrection gratuite : mais qui s'en fout ?]

    RépondreSupprimer
  4. Je nie le nihilisme de Tyler et de ses amis. Vivement. Je le nie de toutes mes forces.

    RépondreSupprimer
  5. Oui, Tyler est tout sauf nihiliste. Y'a aucun nihilisme chez Odd Future. Quand ces gars chantent Radical en live, c'est pour rire. Et sur album, mmm, disons que c'est différent, mais jamais pour de vrai. cf. le "random disclaaamer".

    Sinon, je crois que je préfère écouter Goblin au groupe en concert. Les deux expériences sont très chouettes, mais il n'y a que celle sur CD qui est doublé d'une ambiguïté troublante.

    RépondreSupprimer
  6. Emilien a parfaitement résumé ma pensée.

    RépondreSupprimer
  7. le dernier train de la nuit10 mai 2011 à 11:23

    le mouvement punk d'origine, puis les débuts du hip hop, puis nirvana, eminem, et maintenant odd future... tout ça n'est que la répétition du même...
    les longues convulsions (ça fait 40 ans: les fondements dans l'underground, john waters, la musique industrielle...) de l'agonie de la contre-culture par une entreprise de dégénérescence volontaire mais en même temps maintenue artificiellement en vie par l'industrie du disque/la consommation de masse et par l'idée de "youth culture", qui sert un peu d'équivalent à ce qu'on appelle dans les produits manufacturés l' "obsolescence programmée": chaque génération chassant l'autre, amnésie généralisée et possibilité de redécouvrir tous les 5 ans un nouveau groupe "frais", "subversif", "nihiliste", "fort", "plein d'énergie adolescente" etc. etc.

    RépondreSupprimer
  8. sooooooooooooo whaaaaaaaaaat ?

    RépondreSupprimer
  9. MEC !
    Whouah.
    Un messie.
    IL a LA réponse.
    IL a TOUT compris.
    BRAVO et merci pour cette belle leçon.

    Du coup j'attends le prochain train et j'ai l'air con.

    RépondreSupprimer
  10. Je ne peux pas éditer mon commentaire : ça fait redite, navré.

    Émilien t'as beau penser que Tyler est tout sauf nihiliste ou qu'il n'a aucune pensée à part le fric je trouve ça bien plus drôle et surtout plus romanesque de laisser planer un doute; de se dire qu'ils sont plus que le vecteur d'un néant idéologique et culturel.

    Quelle place est-ce-qu'on doit faire à leurs textes ?
    Je suis persuadé que si des mecs chantaient la même chose en français sur la même musique je n'aurais jamais pensé une seule seconde à les écouter.

    RépondreSupprimer
  11. @train : à te lire, on se dit que tu n'es pas touché ou concerné par l'effervescence autour d'Odd Future, parce que tu es blasé par le cycle continuellement renouvelé de la "constestation/punk/contre-culture". Je ne suis pas moi-même blasé, pas encore peut-être, et je m'extasie facilement pour un rien (mais pas franchement pour Odd Future, ça n'est pas la question), cependant je te comprends. Je comprends que l'on puisse en avoir assez à mesure que se succèdent les vagues succesives de protestations débiles et de nihilismes revendicateurs ou quelle que soit l'appellation que l'on choisit. On peut en avoir assez que ça n'aboutisse à rien, ou plutôt, que ça n'aboutisse qu'à une uniformisation des réformateurs et à une banalisation de leur bizarrerie, de leurs différences, de leurs idées. Et que finalement, ça n'aboutisse à riend'autre qu'à un nouveau status quo. Je ne sais pas si c'est ce dont tu parles, exactement, mais oui, quand on voit ce que le bling² a fait de (en vrac) Jay Z, Sting, Pete Townshend, ou même Blixa Bargeld, on peut en avoir plein le dos et ne plus s'emballer pour rien.

    Ensuite, il est bon de préciser aussi, parce qu'apparemment tout le monde n'a pas bien saisi cette nuance, et pourtant c'est ce que j'essayais de statuer en publiant un Quitte ou Double sur la question, que si Odd Future fait réagir une bonne part des music lovers, en fait bander un certain nombre etc, ça n'est pas parce qu'ils vont contre quoi que ce soit. Comme Emilien l'a précisé plus haut, ils ne sont aucunement nihilistes, ni contestataires. Ils ne veulent que leur gros 1/4 d'heure de gloire, comme tout le monde. Ce sont des popstars-wannabes et si stratégie commerciale consciente il y a derrière leur musique (construire une image et encaisser là-dessus plutôt que sur les disques, que l'on donne gratos, et puis s'attaquer aux hipsters et pas aux street-creders, soit les acheteurs de rap habituels), elle est foutrement maligne et payante.

    Que la musique d'Odd Future ne convainque pas, soit.

    Que l'engouement autour d'eux soit relou, je veux bien.

    Mais on ne peut pas les comparer à des punks, ou à des représentants de la contre-culture telle qu'elle existait auparavant. Elle n'existe plus en tant que tel, c'est un fait.

    Odd Future est un pur produit de la "culture alternative" (ou indépendante), ils le savent, nous le savons, ils ne remettent rien en question, ils sont là pour nous plaire (ou pas), et c'est très bien comme ça.

    RépondreSupprimer
  12. @Lucien : Le nihilisme n'existe pas chez eux, pas de doute là-dessus. Ils l'ont dit eux-mêmes.

    Concernant ta dernière phrase : évidemment non, mais ça n'est pas une question d'autre chose que de sonorité de la langue. C'est de l'audio-linguistique :D
    Si tu fais chanter les textes de Ian Curtis à un français, sur la même musique, le type aura l'air d'un con.

    RépondreSupprimer
  13. Joe Gonzalez: tu parles d'un nouveau status quo ; mais tu aimerais que ça change quoi ??!

    RépondreSupprimer
  14. Je ne comprends pas la question. J'ai l'impression que tu n'as pas compris mon commentaire.

    RépondreSupprimer
  15. Quand je parlais de nihilisme c'était uniquement pour leurs textes, jamais pour leur attitude ou leur 'stratégie de conquête du monde'.

    Quand on choque, quand on conteste un ordre (moral) établi, un consensus ou simplement la bienséance, on a quelque chose de subversif. Je ne vois pas ce qui vous dérange tant que ça là-dedans. S'ils plaisent ce n'est pas uniquement parce que leurs beats sont bons et simples.

    Faire de la provoc ça sert à vendre, certes. Mais si ça n'était que calculé pour vendre ce serait triste. Alors laissez moi croire que ce sont des vrais petits cons qui ne croient en rien.

    RépondreSupprimer
  16. Tu peux croire en ce qu'il te plait mais je cherche à comprendre où est la subversion chez Odd Future et à part le cafard mangé par Tyler, je ne vois pas. Si tu parles de leur attiture sur scène, moi ça me rappelle n'importe quel groupe de hardcore ou bien Slipknot (dont Tyler a été fan), et ça n'a rien de subversif, ça, c'était même "à la mode" il y a... dix ans.

    Quoi d'autre ? Dire "fuck" à longueur de morceaux, ça choque encore quelqu'un ? Ca va à l'encontre de quoi ? Je ne comprends pas mais je veux bien que tu m'expliques.

    RépondreSupprimer
  17. Je pense comme Joe et Emilien que les gars d'ODD Future n'ont rien de nihiliste, voir même plus d’idéologie. Il ne véhicule qu'une imagerie de rébellion adolescente avec un talent certain, tout au plus une nouvelle façon d'exprimer le mal être propre à cette période et de restituer son énergie.

    Ceci ressemble à une critique mais je ne crois pas que ça en soit une, moi ce mouvement me fascine par sa puissance et ça me suffit bien.

    RépondreSupprimer
  18. Au moins j'ai Pitchfork de mon côté. ;-)
    C'est à la première ligne de leur chronique de 'Goblin' : NIHILISTIC.
    Je me sens moins seul mais un peu plus con et influençable.

    RépondreSupprimer
  19. J'en parlais justement tout à l'heure sur le forum C'est Entendu. Ca me déprime que Pitchfork ait laissé publier ça. :D

    RépondreSupprimer