C'est entendu.

lundi 2 novembre 2009

[They Live] Bibio explique l'électro du futur à un parterre de jambons : une soirée Warp à Bordeaux

L'autre jour avait lieu à Bordeaux une soirée consacrée aux artistes en vogue chez Warp, et si vous avez un peu suivi l'actualité de C'est Entendu, il n'était pas étonnant que je m'y rende, accompagné de mon ami et hôte, Thomas, le bordelais le plus posé.

Un rapide mot d'abord sur une théorie que j'échafaude depuis quelques années et à propos de laquelle j'aimerais votre avis, ô lecteurs girondins : toutes les salles de concert bordelaises (hors Zénith) sont-elles nécessairement – certainement par arrêté municipal ou décret préfectoral – des caves ? Je ne prétends pas les avoir toutes faites, mais le 4 Sans, le Son'Art ou dans le cas présent l'Heretic Club m'ont à chaque fois donné cette impression de lieux sombres et/ou souterrains, et ont eu tendance à m'évoquer le mot "claustrophobie." J'ai fini par penser que ça devait être un de ces trucs culturels régionaux. Après tout, Bordeaux est la capitale d'une région vinicole, pas étonnant alors que ses lieux culturels rappellent des caves.

Bibio, dans le train qui l'amenait à Bordeaux.

Toujours est-il que la salle ("cagibi" est peut-être plus approprié) au sous-sol de l'Heretic Club accueillait suffisamment de monde ce soir-là pour que l'on regrette par moments d'avoir choisi la visibilité au confort. Lorsque Thom et moi arrivâmes sur place, Bibio, tout de vert vétu, s'installait derrière les platines pour nous livrer un DJ Set. C'est ce que le flyer de la soirée annonçait et on peut le comprendre lorsque l'on sait que Bibio est en quelque sorte l'héritier naturel du Boards of Canada de 2005 (celui de "The Campfire Headphase," avec des instruments au milieu de l'électronique), un groupe qui n'a jamais vraiment donné de concert, et dont la musique n'est pas forcément la meilleure chose à passer pour faire danser des crevards paumés dans une cave à vin (et ce malgré tout le bien que je pense de BoC). Thom et moi on était curieux de voir ce que ce mec-là allait choisir de nous passer, et puis curieux de la façon dont Hudson Mohawke défendrait son album, et enfin curieux de savoir combien de temps il nous faudrait pour quitter le set de Chris Clark (la tête d'affiche, notre tête de turc).

Après quelques minutes, le set de Bibio m'apparaissait un brin brouillon, entre sa (probable) pudeur vis à vis du public (on pourrait taxer son attitude d'être du laptopgaze, si vous me passez l'expression) et quelques petits accrocs au niveau des enchainements et des effets qui me firent penser, vaguement bien entendu, au Collier de nouilles de L'Atelier.


L'Atelier - Collier de Nouilles (2003)

Une jeune femme qui passait à côté de moi lança alors un "Ah non mais lui il sait pas mixer hein !" rageur qui sembla avoir atteint sa cible et à partir de là, Bibio devint bon, et même très bon et la seconde partie de son set devait être le climax de la soirée.

Si vous ne connaissez pas la musique de Bibio, il faut que vous pensiez à de l'électronica chaleureuse hésitant entre influences pop et hip hop. Chez lui, les beats sont moins omniprésents que la guitare, et il a sorti deux LPs cette année. Le premier, "Ambivalence Avenue," est une réussite en cela qu'il ne met jamais trop en avant l'un ou l'autre des éléments qui le composent (arpèges de guitare, électronique pure et dure, influences hip hop), et c'est une véritable bouffée d'air pur que vous devriez écouter au plus vite, chers amis. Le second LP, "The Apple and the Tooth," sortira le 16 Novembre prochain, et il réunit quatre inédits de qualité et huit remixes plus inégaux (celui de S'Vive par Clark, par exemple, est absolument inutile) mais l'ensemble reste tout de même un complément idéal pour ceux qui auraient aimé "Ambivalence Avenue" ou "Fi," le premier album de Bibio (2004).


Jealous of Roses (sur "Ambivalence Avenue")

Deux LPs qui seront bientôt sur vos platines.

Maintenant que vous savez quelle musique produit le gars Bibio, vous devez vous demander de quoi s'est composé son set. Tout d'abord il faut savoir que c'est lorsqu'il a passé quelques extraits de sa musique que le public s'est montré le moins enthousiaste, ce qui peut déjà vous donner un aperçu de 90% de la clientèle ce soir-là, mais j'y reviendrai. En réalité la seconde partie du set de Bibio a été une démo de A à Z de ce vers quoi devait tendre un bon DJ Set et de facto de ce vers quoi (se) devait (de) tendre la musique électronique actuelle. Il a donné aux éventuels accrocs de laptop-music présents dans la salle un Guide des Choses à Écouter en Priorité : Q-Tip, DJ Premier et J-Dilla pour le Hip Hop et Mulatu Astatke pour le jazz éthiopien, entre autres. Et laissez-moi vous dire que ça envoyait sévère : dansant, chébran et enchainé juste comme il faut, c'était ça le gros son de la soirée.

Malheureusement, il faut une fin à tout, et le public venu en majorité se gargariser de beats toujours plus forts, toujours plus crades et bêtes, ne pouvait qu'en demander de plus en plus, et la troisième partie du set fut une longue et lente dérive de l'Eden vers le Purgatoire du Boom Boom Boom grand public qui entraina pogos, transes médicamenteuses cradingues et autres mouvements de foules décérébrés. Inévitable, certes, mais regrettable, même si l'ami Bibio sembla y prendre quelque plaisir coupable et défoulatoire alors que son comparse Clark remuait à côté de la scène, le sourire aux lèvres. Pour nous, un mauvais moment à passer après un Grand Moment, et avant de voir comment Hud'Mo allait nous passer son beurre.
Si seulement.
Car le problème est que le jeune Hudson Moko, soit trop pleutre pour se risquer à jouer son disque (qui divise l'opinion) soit trop engrainé par une audience en mal de beats béats, se lança non pas dans "Butter" mais bien dans un DJ Set, lui aussi, démarrant très fort et plutôt très mal ce qui ressemblait de là où nous étions à un gros "fastoche."

C'est donc ainsi que, peu enclins à sauter sous X sur du bruit, nous décidions de rester sur la bonne impression laissée par Bibio et de laisser Hud'Mo et Clark finir de masturber un public qui gagnerait en sex-appeal s'il pensait un peu plus avec ses oreilles et un peu moins avec ses jambes.


Joe

3 commentaires:

  1. Chouette articulo. Malheureusement j'aime pas trop tous ces trucs de DJs. J'en aime même aucun. Mais le texte est bon !

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  2. C'est à dire ?

    P.S. : Si tu fais partie des jambons, désolé (pour toi) !

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