Aujourd'hui, j'ai fait un rêve… Que se passerait-il si toutes les radios du monde se taisaient, si plus aucune chanson ne passait dans les lieux publics, si tous les buzz mourraient, si tout le monde était obligé de chercher sa propre musique ? Tout le monde aimerait-il encore les mêmes musiques pop et variété que l'on juge aujourd'hui consensuelles ? Ou la pop, le garage rock, la musique concrète, Debussy, Skinny Puppy et Lady Gaga seraient-ils tous mis sur un pied d'égalité ? Qu'est-ce qui fait que certaines musiques sont jugées passe-partout et d'autres difficiles, est-ce une question d'éducation/d'environnement, d'habitude..?
C'est la question que je me posais en regardant la pochette de "Born This Way" avec des lunettes que m'avait prêté mon ami Jean Charpentier, quand tout à coup je me mis à avoir une révélation : la musique n'est pas que de la musique, la musique est un tout. La musique peut être image, la musique peut être odeur, couleur, goût, sixième sens perceptible grâce à la glande pinéale. Notre environnement influence toujours nos perceptions, que ce soit la pochette d'un disque, l'apparence d'un chanteur ou de la chanteuse, les corn flakes que l'on est en train de manger ou les substances psychotropes que l'on est en train de prendre tout en écoutant la musique. Je précise que cet article n'est sponsorisé par aucune marque de céréales, contrairement à cet autre article où la publicité pour Danone était carrément mise en gras, même si vous n'avez rien remarqué, aveuglés que vous êtes tous par le Grand Capital. Quel malheur ! Pour s'en remettre, voici un court interlude au Marxophone :
Ainsi, une bonne partie d'entre nous étions arrivés à la conclusion que Lady Gaga était une "artiste totale", ses clips et ses costumes ne faisant pas que vendre sa musique mais faisant partie intégrante de son œuvre. Notez que je n'ai pas oublié la ligature “œ” dans le mot “œuvre”. J'imagine le sourire béat de tous ceux — à moins qu'il n'y en ait eu qu'un seul — qui réclamaient la présence de la ligature Œ lors des sujets sur L'Oeil Sourd la semaine dernière, ainsi que leur mine déconfite voire furieuse en tombant sur cet "Oe", puis leur crise de nerfs en lisant cette suite : OE Œ Oe Œ OE œ oe oE Œ haha hum bref où en étais-je ?, ah oui : Lady Gaga. (Non mais vous avez raison, j'aime bien les ligatures en vrai aussi, surtout les "fi" et "fl" qui sont souvent indispensables.) Bref. Peut-on décrire la musique de Lady Gaga grâce à ses vêtements ? Après tout, pourquoi pas ! Ainsi l'intro de "Born This Way" me semble aussi légère qu'un mouchoir en tissu, Born This Way me rappelle un t-shirt au motif pas forcément original mais néanmoins confortable, efficace et sympathique, Naked on the Dancefloor est aussi provocante qu'un string lumineux à facettes de boule disco, Marry the Night est aussi rigide et incongrue qu'un chapeau en plastique rouge — et la grande réussite de cet album, Haze, sensuelle et hypnotique, pourrait ressembler à… euh… un soutien-gorge irisé. Enfin… peut-on dire qu'un soutien-gorge irisé est une grande réussite ? À vrai dire je me mets à en douter. Je doute.
Si vous préférez une analyse moins subjectivo-fantaisiste de cet album (car ce magazine est tout de même un minimum sérieux), sachez que si "Born This Way" se cantonne la plupart du temps à des rythmes 4/4 classiques, les compositions en IV-II-IV-III produisent des contretemps étonnants et un rythme syncopé entraînant sur Judas ; si la tessiture de la voix de Lady Gaga n'est pas des plus larges, elle est néanmoins compensée par des modulations polyphoniques et polyharmoniques sur Government Hooker, véritable tube malgré son beat on ne peut plus basique ; Hair, quant à elle, est composée sur une alternance de modes ionien et phrygien, avec une modulation de l'ordre du demi-comma pythagoricien sur les mélismes de la mélodie au kazoo inversée à 3:40 et un rythme en 4/7/8 interrompu par une bipolarisation en 8/2 puis par une déphonation progressive en 4/3/6 selon l'algorythmique de Johannes Schokoladenbrot triphasée d'après la suite de phases de Spockenstein, toute en glissandos, en hémioles et en antiphonies, sur un second rythme aksak inversé accompagné par une reconstruction enharmonique de l'heptacontrepoint majeur en 1/23°,44,,546 caractérisé par une utilisation de la gamme bipentaphonique au synthétiseur de Greene sur un jeu d'intervalles changeants selon la suite de Syracuse additionnée d'un vibrato tempétueux en 7-n-85-n-4-II-mi#-ré carrément bécarre à la tonique multiphonique catatonique qui touchera toutes les âmes un tant soit peu sensibles à ce genre de subtilités.
Born This Way (KS Song of the Youths Remix)
Toujours est-il que, sur cet album, Lady Gaga se révèle à la fois pareille à elle-même et différente, sous une nouvelle lumière, entre tradition et modernité et dans la continuité changeante de l'altérité, comme l'a évoqué si bien une critique japonaise anonyme du nom de Naniko Nanima à l'aide de ce superbe haiku qui, malheureusement, perd de sa force et de sa régularité syllabique à la traduction :
Musique synthétique ;
Robe en polystyrène rose avec un petit chien bleu qui couine sur le sein droit ajourée de froufrous bleus en persil teint portée au-dessus de bottes parallélépipédiques en latex vert semi-transparent ;
Lady Gaga.
Cet article a fait ma semaine ! Mes zygomatiques te remercient Lamu.
RépondreSupprimerLe Tartard a la fin m'a tué.
RépondreSupprimerT'es un putain de génie Lamu, je l'ai toujours dit. :)
RépondreSupprimerJ'ai toujours trouvé que les artistes geeky de lamuyamiyami plombaient un peu le blog.
RépondreSupprimerC'est bien dommage car lamu n'est pas prêt de quitter la navire !
RépondreSupprimerArticle aussi léger qu'un haiku, traduit.
RépondreSupprimerAh mais putain c'était un poisson d'avril, sumimasen, c'est moi le con.
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