Moritz Von Oswald, c'est comme une équation mathématique du 3ème degré : ça fait peur, ça intrigue et une fois qu'on l'a comprise, on se sent surpuissant. Le Goethe Institut de Bruxelles Meakusme ont choisi le Recyclart pour donner à cet Einstein de la musique électronique une carte blanche le temps d'une soirée exceptionnelle. Une audace qui n'est pas passée inaperçue. L'ancienne gare lugubre de Bruxelles grouillait de mélomanes et de curieux qui voulaient voir le maître berlinois.
On connait finalement peu Moritz Von Oswald. Lui qui est pourtant l'un des précurseurs et toujours l'un des chefs de file d'une musique électronique intellectuelle. Considéré comme l'un des créateurs du prestigieux label Basic Channel, on le connait désormais surtout pour sa nouvelle formation Moritz Von Oswald Trio. C'est d'ailleurs eux qui ouvrirent le bal par leurs expériences soniques déroutantes. Accompagné par deux comparses, le berlinois s'installe dans son fauteuil, face à des centaines de putters et de boutons. Habillé en Gary Numan des années 2010, Moritz Von Oswlad hoche à peine la tête et jette quelques maigres coups d'œil autour de lui.
(Le MVO Trio en 2009, pour vous faire une idée)
(Le MVO Trio en 2009, pour vous faire une idée)
Les mélodies s'installent lentement et le beat percute en douceur. Les morceaux de MVOT ont tendance à tâter le terrain avant de s'engager. L'oreille doit s'acclimater, se mettre au diapason d'un son atypique. L'auditeur n'en est que plus enivré lorsque, sans crier gare, l'enveloppe sonore se déchire sous le poids des déferlements percussionnistes que le batteur crée au moyen d'instruments étranges pour nous amener vers des émotions que l'on n'imaginait pas ressentir. Tout en subtilité, le trio voyage des grands espaces sibériens vers les rues new-yorkaises acides. La musique s'arrête, le choc est là. On en arrive à scruter le silence, comme s'il était un prolongement.
Moritz Von Oswlad se retrouve alors seul. Puis, face à lui apparait Paul St. Hilaire, mieux connu sous le nom de Tikiman, cet homme étrange qui aime poser sa voix bercée par le reggae sur des beats techno (il a, par exemple, collaboré avec le groupe Moderat pour la chanson Slow Match). Le mélange est étrange. Sur scène, un allemand froid, rigide, enfermé dans son costume-cravate donne la réplique techno à un chanteur reggae, enflammé, agrippant le micro comme s'il s'agissait d'un bon gros bédo. La musique de MVO s'impose plus rapidement que lors de sa prestation précédente, en cause le swag et la voix de l'excellent Tikiman. Cette étrange mixture est aussi surprenante qu'addictive. En plus de l'efficacité de telles mélodies, on reste ébahi devant la structure complexe qu'adopte la musique de MVO. Le rythme évolue et se transforme. D'un beat simple, il passe, sans peine et sans gène, à une rythmique dub pour ensuite revenir à un battement binaire. Tikiman et son flow gracieux évanouit ceux qui restent encore debout. A la fin du live, le public en redemande. Moritz est un peu géné, Tikiman semble surpris. Un rappel (imprévu ?) retournera une dernière fois l'encéphale des bruxellois.
(Toutes les photos sont de Caroline Lessire)
Pour clôturer avec gout cette carte blanche, Moritz Von Oswald a choisi Mala, ingénieur dub. Le beat tape plus grassement et crée une atmosphère dubstep des plus raffinées. Les corps se tordent et les têtes se secouent. Les infrabasses prennent place et mettent un point final à une soirée d'exception. Le public est conquis et a pu entrer dans une musique qui peint avec subtilité des paysages abstraits. L'espace d'une soirée, la techno et la musique électronique en général se sont imposées comme un langage, certes complexe, mais cohérent et enivrant.
Julien Masure
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