C'est entendu.

vendredi 4 février 2011

[Vise un peu] Deerhoof - Vs. Evil

Plus les années passent et plus Deerhoof est facile à écouter. Enfin, c'est une question de point de vue... Disons simplement que plus ça va et plus leur musique est polie, et moins elle est sale et agressive, en témoigne cette bataille contre le Mal qui, si l'on pousse l'interprétation un peu, tendrait à donner du grain à moudre à ma thèse, le "Mal" en question étant alors le boucan produit par Deerhoof depuis ses débuts, sa bizarrerie rythmique...

Depuis la trilogie rock (dont je vous parlais hier), le quatuor n'a fait qu'aller vers plus de fulgurance pop, laissant à la voix de Greg Saunier, belle et délicate, toujours plus de place, permettant aux claviers de s'exprimer davantage, et sans pour autant ranger les guitares, diminuant la dose de riffs par morceau au fil des disques, du génial et schizophrène "Friend Opportunity" (comprenant certains des plus gros tubes de toute la carrière de Deerhoof en même temps que leurs chansons les plus étranges et expérimentales) au décevant "Offend Maggie" (2008), qui se cherchait et proposait autant de mini-hymnes pop que de chansons ratées. En 2011, après trois ans d'attente (soit le plus long laps de temps entre deux albums depuis leurs débuts), Deerhoof continue sur cette lancée avec en prime un nouveau son. Pensez à la heavy pop de Giga Dance, à cette lourde avancée, puissante et claire, et imaginez-la après une bonne Danette au chocolat, sa croissance terminée : Deerhoof n'a absolument plus rien de lo-fi. La part belle est faite aux arrangements (fourmillants de détails) et si les guitares rugissent toujours, elles le font dans un strict cadre pop, encastrée dans le puzzle homogène et direct d'une démarche fédératrice. Vous n'avez qu'à écouter le supa dupa tube de l'album, qui semble presque être une tentative solo de Satomi (elle en a même réalise le clip elle-même) :


(Super duper rescue heads)

Ce gros son (de basse, souvent) est une attaque frontale (contre le "Mal" ? J'essaierai d'en savoir plus auprès de Greg en Avril) qui fait très mal et Deerhoof en use pour se frayer un chemin vers une acceptation publique plus large sans oublier jamais son crédo guitaristique. Sur The merry barracks, divisé mais jamais divisible, Deerhoof se montre comme rarement en tant que GROUPE, le chant partagé entre Satomi et Greg, les guitares sachant se faire discrètes lorsque Satomi a besoin de s'exprimer mais n'hésitant pas à crisser pour rappeler leur présence.



(The merry barracks)

En ne se dispersant pas (douze chansons, deux de moins que sur "Offend Maggie"), Deerhoof a surtout réussi à ne publier que de bonnes chansons, toute affaire d'arrangements et d'énergie mise à part, et pour ne rien gâcher, ces dernières ne se ressemblent pas vraiment. Du rock nouvelle façon de The merry barracks, on passe tout de suite à l'étrange No one asked to dance, toute en guitares classiques baroques, sur laquelle Satomi fait penser à Arielle Dombasle appelant son chevalier, au loin, depuis le sommet d'une tour médiévale dans un film d'Eric Rohmer (ne voyez pas là une critique acerbe, Rohmer était mon cinéaste français favori) après quoi l'on enchaine directement sur une courte instrumentale débordant d'une énergie incroyable avant de retomber sur la pop de Super duper rescue heads. Impossible de s'ennuyer, surtout si l'on s'amuse des détails inattendus : l'atmosphère de brouillard en plein milieu d'I did crimes et ses claps claps antagonistes, le chant de Quid dorm, només somia, en basque, ou les arrangements magnifiques de la très belle Must fight current, qui voit Satomi expliquer qu'il ne faut pas l'épouser car elle n'est qu'un rêve...


(No one asked to dance)

J'ai commencé cet article en disant que Deerhoof était de plus en plus facile à écouter, et ça n'est pas entièrement vrai. Je dois avouer que la première fois que j'ai entendu cet album, je l'ai trouvé raté, voire laid. Je devais m'attendre à autre chose, mais je ne vois pas bien quoi puisque "Vs. Evil" est dans la droite lignée des cinq ou six derniers disques sortis par le groupe depuis une dizaine d'année. Il faut certes apprivoiser les nouvelles nuances sonores et se faire à l'idée d'un groupe certes moins rock'n roll que par le passé mais dont le virage pop est une réussite totale, grâce à des talents de composition hors du commun, à une énergie sans faille et à quelques gadgets propres à ces musiciens-là, comme le clavitariff (un riff mélodique joué par les guitares et le clavier en même temps) de Secret mobilization, qui fait le lien avec le passé. Je ne sais pas où ira Deerhoof après ça, mais ils ont entamé 2011 avec un très grand disque de musique pop. Écoutez-le !


Joe Gonzalez


P.S. : L'aviez-vous su ? Pour contrer l'Internet et plaire à ses fans, Deerhoof a publié pendant plusieurs semaines chacune des chansons de son album à travers un site appelé "Global Album Leak". Une chouette idée, à vrai dire.

4 commentaires:

  1. Oh yeaaaah ! Parfaitement d'accord, c'est un grand disque pop, d'un grand groupe...pop ?
    Enfin, peu importe, c'est une merveille ce disque.

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  2. Evidemment quand je dis "pop", le "indé" est sous entendu. Surtout parce que je trouve ça moche et ridicule "indé". Indépendant, c'est le label qui l'est, pas la musique. La pop indé s'adresse au "public type de la musique produite par les groupes qui souvent sont signés sur des labels indépendants". Mais cette formule est trop longue. Et comme de toute façon, la pop "non indé", on (vous lecteurs de CE et moi) n'en écoute pas beaucoup (Muse, sérieusement ? Patrick Bruel really ?), je me dis que "pop" tout court, c'est très bien, on est entre nous, on se comprend.

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  3. Je m'excuse d'avance auprès de Barnaboum !

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  4. Oui je me doute bien, c'est ce que j'entendais aussi en utilisant le mot pop... :)
    (mon point d'interrogation était plus une référence à la question du genre musical, les membres de Deerhoof ayant du mal avec leur identité pop/pas pop - cf plusieurs interviews -)

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