C'est entendu.

vendredi 11 février 2011

[Fallait que ça sorte] L'inventaire


Des vieilleries. Toujours plus de vieilleries. C'est un peu comme cela que je fonctionne, en ce moment, je n'écoute pour ainsi dire presque que du vieux, du poussiéreux, et ça me plait. J'avais envie de vous faire partager quelques unes de ces reliques du passé, parce que sans déconner, dans le temps, on savait quand même faire de la vachement bonne musique, et c'est pas des foutaises, mais comme on n'est pas chez Rock & Folk, on s'en tiendra plutôt à une formule du genre : parce que ressortir des vieux disques de derrière les fagots, ça fait prendre son pied à mon âme de mec qui aime les photos en sépia tapissées de grain avec des vieilles chaises en bois et des guitares d'un autre âge dans les coins. Mon âme de vieux folkeux barbu en chemise à carreaux. Mon âme de mec vieux par anticipation quoi. M'en fiche, moi ça me va !

On commence par les États-Unis, forcément. Los Angeles, fin des années 60, bubblegum pop et sunshine pop battent leur plein sur les ondes comme sur les platines. Un groupe à la frontière des deux styles émerge alors ; Strawberry Alarm Clock, six hippies consommateurs avertis de marijuana et LSD, et dont le nom est un hommage (très) explicite aux Beatles, une fameuse idée de leur maison de disque. Le résultat est au rendez-vous.
"Wake Up... It's Tomorrow" est un petit joyau pop oublié. L'instrumentation demeure très narrative du début à la fin, les morceaux rebondissent, dévient, c'est une réelle expérience qui plonge nos oreilles au plus profond d'une production ultra sixties, certes, mais dont le charme est si fort qu'il écrase assez bien le stéréotype. "Wake Up... It's Tomorrow", le deuxième album du groupe (1967), est dans l'absolu plus psychédélique et moins purement pop que le précédent, sur lequel on trouve néanmoins Incense & Pepermint, le tube qui les a révélé. En définitive, c'est une œuvre mûre et peaufinée. Pénétrez-la, et elle saura vous pénétrer en retour, à coup sûr et sans mauvais jeu de mots, à l'image de la méditation suggérée ci-dessous, en compagnie d'un hypothétique gourou. Vous venez de trouver de quoi occuper votre après-midi.

(Sit With The Guru, version Youtube pas propre)



On continue avec Agincourt, un groupe anglais aux multiples visages : à chaque nouvel album, un nouveau patronyme pour la formation. Ainsi, Agincourt, c'est aussi Ithaca, Alice Through The Looking Glass, ou encore Tomorrow Come Someday. Sans "s" à "Come", ouep, c'est comme ça que ça marche.
Agincourt, c'est léger, c'est pop avec parfois une touche psyché et ça se rapproche, à l'occasion, de la folk. "Fly Away" (1970) se déguste même sans faim, et on revisite assez bien l'Angleterre et son premier âge d'or populaire, mais comme à travers un filtre rural. Cet album fait preuve d'un retranchement certain et assumé, sûrement la cause de son absence de succès à l'époque et de sa disparition de la mémoire collective de nos jours. S'il y est jamais apparu, remarquez. C'est un des petits plaisirs de l'internaute qui, au cours de ses recherches sans but vraiment établi, serait par le plus pur des hasards tombé dessus. Par chance donc, puisque c'est devenu désormais le seul moyen de découverte ou presque, quand il s'agit des choses d'avant.

(Going Home)



Novos Baianos à présent. On s'éloigne un peu des british pour aller faire un tour du côté du Brésil, parce qu'en Amérique Latine, ils savent y faire aussi, et pas qu'un peu. "Acabou Chorare" (1972), l'album phare du groupe, est, tout comme l’intégralité de leur œuvre, autant l'héritage musical de la formation alors la plus réputée de l'État de Bahia (nord du Brésil) que son témoignage moral. Novos Baianos est accompagné par les musiciens d'un autre groupe, A Cor do Som, à la guitare, à la basse, à la batterie et aux percussions, ce qui créé une sorte de super-groupe où se mélangent des influences extrêmement variées ; bossa, rock, samba, MPB (pour Musique Populaire Brésilienne) et j'en passe. Leurs travaux esquissent le portrait de la vie qu'ils ont menée : la communauté, avec bien sûr tout ce que cela implique durant les seventies. Pourquoi ne pas faire cohabiter rock et bossa nova, après tout ? Pour eux, la réponse est une évidence. Un style venant en enrichir un autre, ils dressent ainsi un échafaudage hétéroclite qui n'a pour limite que leurs goûts et références propres, et en l'occurrence, le spectre est vaste. Très vaste.

(Brasil Pandeiro)



Poursuivons avec John Fahey. Retour en 1967, aux USA. Le pionnier de la "primitive guitar" signe un chef d'œuvre intemporel ; "Days Have Gone By, vol. 6". Avec ses arpèges et son finger-picking, il dessine l'Amérique des grands espaces, des trains de marchandises. Une Amérique pas si éloignée de la beat generation mue par Kerouac ou Ginsberg, à bien y réfléchir, mais différente quand même. Ici, c'est de son essence-même dont il est question. C'est l'Amérique folklorique sans artifices, sans prise de position autre qu'un lyrisme débordant. C'est une source intarissable d'émotions, d'endroits, de mots, d'idées, de souvenirs. Le tout de la plus simple manière qui soit : six cordes, un micro, une chaise, et dix doigts. Et une barbe, mais plutôt sur la fin, alors.

(The Portland Cement Factory at Monolith, California)



On met le cap sur du rock progressif, désormais. Il y a un bout de temps, je vous avais parlé d'un groupe britannique, T2, et vous avais présenté son premier album. Il était temps de vous causer du second (dans l'absolu, pas dans les faits). Intitulé "Fantasy", mais également reconnu sous le nom de "T2", il regroupe les versions démos des morceaux qui devaient figurer sur l'album définitif qui ne vit hélas jamais le jour pour cause de split. Toute la qualité d'écriture et tout le talent des trois hommes sont donc intacts, mais le matériel n'est pas aussi performant que sur le premier-né. Pourtant, au lieu d’être affaiblie, l'œuvre en ressort au contraire renforcée. Quand le prog rock se met à devenir intimiste, émouvant, c'est une sorte d'aboutissement, la boucle est bouclée. "Fantasy" est d'une remarquable beauté, relève d'une interprétation et d'une composition géniale, et possède le charme des travaux inachevés, laissant libre cour à l'imagination de celui qui écoute. L'échange se créé, la magie s'opère, et le souffle est devenu un élément à part entière, à prendre en compte, venant rappeler que cela commence sérieusement à dater ; ce n'est qu'en 1997 que Decca Records se décida à dévoiler ces "archives" de T2, témoins indirectes de la séparation du groupe, reformé depuis, mais jamais avec son line-up original.

(Careful Sam)



Enfin, concluons ce petit inventaire par une touche moins underground : David Crosby. En 1971, il décide de sortir son premier album solo, "If I Could Only Remember My Name", mais comme de juste, pendant les seventies sur la côte ouest, on est rarement tout seul, vous en conviendrez, il y a toujours un ou deux potes qui traînent de-ci de-là et avec qui vous déjà écumé pas mal de scènes et de studios. Pour Crosby, au final, c'est une petite quinzaine de personnes, dont Graham Nash, les membres de Grateful Dead et de Jefferson Airplane, qui vont venir offrir leur huile de coude au labeur désormais commun. Leur travail est soigné, ça respire l'Amérique en train de traverser sa glorieuse décennie culturelle (et culturelle seulement, n'oublions pas le Vietnam quand même), et ça demande du temps, certains morceaux sont assez longs, mais cela vaut franchement le coup. Au calme, plongez-vous dans Traction In The Rain ci dessous, et faites-en l'expérience. De vous à moi, nous savons très bien que la bonne folk pourrait ne jamais s'arrêter, pas vrai ?

(Traction In The Rain)


C'est tout pour l'instant, les amis, et en espérant qu'au moins l'un de ces albums vous plaise, je retourne dépoussiérer mes vinyles. Histoire vraie.


Hugo Tessier

3 commentaires:

  1. Chouette article !
    J'aime beaucoup l'album de Crosby.

    Je découvrirai les autres d'ici peu. :)

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  2. Je connaissais déjà John Fahey et du coup j'ai trouvé surtout la chanson de Crosby très belle et celles de T2 et des Novos Baianos très chouettes.

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  3. Coolos les amis, je suis vraiment content que vous y trouviez de quoi vous sustanter :) !

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