C'est entendu.

samedi 29 janvier 2011

[Vise un peu] Grinderman - Grinderman 2

Est-ce moralement respectable, je ne saurais le dire mais la crise de la cinquantaine a cet effet sur Nick Cave et Warren Ellis qu'ils tournent vicelards comme pas possible, et en terme de plaisir rock'n roll, c'est une plus-value inestimable.

De gothique avec The Birthday Party, au début des années 80, à crooner rock avec ou sans les Bad Seeds pendant les années 90 jusqu'à son assagissement blues par la suite, Nick Cave a fait de sa carrière discographique une série de passeports falsifiés, lui offrant à chaque fois un nouveau visage, une nouvelle image et la dernière en date est celle d'un obsédé moustachu avec la bave aux lèvres et qui se prend pour un loup. Belle !

Suite directe du premier album de Grinderman, le volume 2 est comme la suite réussie d'un bon film gore, reprenant exactement la même recette (un blues rock boosté à mort en énergie et testostérone) pour produire une nouvelle plâtrée de bonnes chansons. Que reprocher à une bonne suite ? Lorsqu'on arrive au troisième ou quatrième "bon album" suivant exactement la même recette, on est en droit de se lasser, mais après deux collections de chansons vicieuses, on ne peut que hocher la tête en rythme avec le rock'n roll de Mickey Mouse and the Goodbye Man, une histoire de casse, je crois, racontée par Cave (déguisé en Mickey pendant le casse) et dont le complice (son frère, déguisé en Grand Méchant Loup) a pris la fuite pendant le casse. A vous de voir si c'est du braquage d'une banque ou de celui d'un vagin ("We sucked her, sucked her, sucked her dry") dont il s'agit.


(Mickey Mouse and the Goodbye Man)

Les plus puritains reprocheront volontiers à Cave la misogynie avouée des paroles de Grinderman (qui semblent le plus souvent avoir été improvisées lors de l'enregistrement) comme lorsqu'il s'adresse à une jeune fille (emblématique, il s'agit de "la jeune fille") dans Heathen Child (au passage, ce single est probablement la chanson la plus réussie de l'album avec des parties de guitare croassant du foutre sonore et une basse aussi inquiétante que Francis Heaulme), et lui assure qu'elle ne sera en sécurité ni avec une arme, ni auprès de son mari car "here comes the wolfman, the abominable snowman" et on se doute que le Grand Méchant Loup compte la dévorer, le paroxysme étant atteint entre 3:30 et 3:45 lorsque Cave prononce comme personne "She don't care about Buddha, she is the Bu-ddha" avant d'enchainer deux ou trois "yeah" et "woo" inédits dans le "Grand Monde du Rock'n Roll depuis très longtemps, en tout cas accompagnés d'une telle sincérité malicieuse. Le clip de la chanson (*) est d'ailleurs un monument de laideur, de bêtise et on peut y voir une palanquée de freaks en tous genres, à commencer par les membres du groupes, grimés en centurions sans pantalons, affublés d'armes à feu et lançant des éclairs par les yeux, complètement obnubilés par la jeune fille installée dans sa baignoire laiteuse.


(Heathen Child, mais il vous faudra montrer une pièce d'identité pour regarder le clip puisqu'on y entrevoit les seins d'une jeune femme et le fion de Cave)

Grinderman est un groupe laid, ses membres (tous des anciens Bad Seeds) sont de vieux gars barbus, bourrus (il faut voir la gueule enfarinée de Warren Ellis, qui ressemble à un clodo prêt à vous annoncer la fin du monde) et leur musique est à l'image des paroles machistes : de grosses guitares dégueulent des riffs post-blues en boucle et Cave, de sa voix grave, hurle ce qui lui passe par la tête sans se préoccuper des conséquences (Evil). La laideur étant bradée (laissez-moi vomir des groupes comme Salem en paix) quand elle n'est pas tout simplement introuvable de nos jours, Grinderman a valeur de cure vers laquelle se tourner en cas d'overdose de réverbération, d'hédonisme-gentil ou de psychédélisme-bon-marché, une voie de garage pas forcément réservée aux vieux de la vieille (ni aux garçons d'ailleurs ), un tas de fumier sur lequel danser pendant que les autres matent leurs pompes.

These eyes are made for killin' (la chillwave)

Et puis, capables de ralentir le rythme (Kitchenette) pour ajouter le suave à la cochonnerie, ces quatre musiciens prouvent qu'à cinquante piges on n'est pas forcé d'avoir l'air de vieux cons dépassés et que la censure n'a pas encore totalement abimé la musique que l'on aime. C'est rassurant.


Joe Gonzalez

(*) : injustement ignoré lors des tops de fin d'année mais rappelé à notre bon souvenir par un lecteur averti (qui l'avait détesté).

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