Schlongo ! Aujourd'hui, je vais vous parler de Charlemagne Palestine.
Charlemagne Palestine est un vieux complètement fêlé qui s'entoure de peluches, boit du cognac, fume des kreteks et s'acharne à jouer deux notes au piano pendant des heures jusqu'à ce que ses doigts saignent.
Charlemagne Palestine est aussi l'un des compositeurs minimalistes majeurs de ces dernières décennies (aux côtés de Steve Reich, La Monte Young…), capable de jouer des musiques fascinantes pendant des heures rien qu'avec cette alternance de deux notes.
Ou parfois avec un seul accord.
"Strumming Music", l'album le plus connu de Charlemagne Palestine, date de 1974 et consiste effectivement (après une courte introduction) en l'alternance rapide de deux notes sur un piano Bösendorfer pendant cinquante minutes… Minimalisme extrême et austère, disque-concept qui éprouve la patience de l'auditeur ? Pas vraiment. Il y a des disques comme ça, il est vrai (*1) mais si le concept de base de "Strumming Music" semble extrêmement simple, la musique résultante est d'une richesse et d'une beauté étonnantes…
(Extrait de Strumming for Bösendorfer)
Palestine, en jouant, fait violence à la fois à son corps et à l'instrument, qui se désaccorde au fil du morceau ; mais la musique qui résulte de cette épreuve de force est pleine de vie. La pédale forte du piano reste enfoncée afin que les cordes continuent de vibrer, et l'alternance des notes résulte en des harmoniques qui grandissent, évoluent, deviennent aussi présentes que les notes jouées, on dirait que les instruments se multiplient, impossible de n'entendre plus que deux notes répétées.
Schlongo, schlongo.
Au final, la musique de Palestine peut se concevoir comme un instrument qui prend vie, qui donne de sa propre voix, qui joue avec le pianiste autant que le pianiste joue de lui. "Strumming Music" est une célébration du son de l'instrument (*2) ; "Strumming Music" est une preuve aussi qu'on n'a pas besoin de mélodies ni de rythmes complexes pour émouvoir en musique et qu'un "simple" travail sur le son peut, parfois, suffire.
Les autres disques que je connais de Charlemagne Palestine partagent les mêmes caractéristiques (principe minimaliste, résultat riche) ; à écouter, entre autres, "Music for Big Ears", au carillon, et surtout ses disques-drones joués à l'orgue, "Schlingen-Blängen" et "Schlongo!!!daLUVdrone". Beaucoup de ces disques ont été enregistrés en concert et ont dû être coupés pour tenir sur un CD ; c'est d'ailleurs la seule chose que je leur reproche car franchement, j'aimerais écouter "Schlongo!!!daLUVdrone" comme il a été joué : pendant des heures !
(Extrait de Strumming for Harpsichord)
(Extrait de Strumming for Strings)
Si je vous en parle aujourd'hui alors que la performance originale date de 1974, c'est parce que "Strumming Music" vient d'être réédité en triple CD par Sub Rosa, accompagné de deux variations inédites très différentes (qui, étonnamment, n'ont pas été jouées par Palestine lui-même) : Strumming for Harpsichord, joué par Betsy Freeman au clavecin, et Strumming for Strings, joué par des étudiant(e)s du conservatoire de San Fransisco sous la direction de Palestine.
Le clavecin de Strumming for Harpsichord a un son beaucoup plus terre-à-terre que le piano du Strumming original, il y a moins de résonances, d'harmoniques, on sent toujours la physicalité du jeu… et au final, on est moins transporté. Strumming for Strings, par contre, diffère beaucoup des autres pièces, et si le jeu des résonances avec les instruments à cordes se fait attendre, il y a une vraie beauté dans le son de ces instruments joués de façon si minimaliste qui font que l'on écoute cette pièce avec presque autant de plaisir que d'autres musiques de Palestine. Aucune de ces deux pistes n'atteint la beauté de l'original Strumming for Bösendorfer, mais elles restent des additions intéressantes. Le prix de cette ré-édition étant raisonnable (du moins là où je l'ai trouvée, elle coûtait à peine plus qu'un CD classique) et les éditions précédentes de "Strumming Music" étant épuisées, je ne peux que vous la conseiller.
— lamuya-zimina
(*1) J'ai écouté "Bar Sachiko" de Sachiko M une seule fois dans ma vie. L'expérience fut intéressante, je ne l'ai toujours pas réitérée et je serais incapable de noter l'album en question.
(*2) Palestine affirma d'ailleurs ne pouvoir jouer cette pièce que sur un piano Bösendorfer, après avoir arrêté prématurément une performance sur un piano Steinway qui ne lui convenait pas.
Charlemagne Palestine est un vieux complètement fêlé qui s'entoure de peluches, boit du cognac, fume des kreteks et s'acharne à jouer deux notes au piano pendant des heures jusqu'à ce que ses doigts saignent.
Charlemagne Palestine est aussi l'un des compositeurs minimalistes majeurs de ces dernières décennies (aux côtés de Steve Reich, La Monte Young…), capable de jouer des musiques fascinantes pendant des heures rien qu'avec cette alternance de deux notes.
Ou parfois avec un seul accord.
"Strumming Music", l'album le plus connu de Charlemagne Palestine, date de 1974 et consiste effectivement (après une courte introduction) en l'alternance rapide de deux notes sur un piano Bösendorfer pendant cinquante minutes… Minimalisme extrême et austère, disque-concept qui éprouve la patience de l'auditeur ? Pas vraiment. Il y a des disques comme ça, il est vrai (*1) mais si le concept de base de "Strumming Music" semble extrêmement simple, la musique résultante est d'une richesse et d'une beauté étonnantes…
(Extrait de Strumming for Bösendorfer)
Palestine, en jouant, fait violence à la fois à son corps et à l'instrument, qui se désaccorde au fil du morceau ; mais la musique qui résulte de cette épreuve de force est pleine de vie. La pédale forte du piano reste enfoncée afin que les cordes continuent de vibrer, et l'alternance des notes résulte en des harmoniques qui grandissent, évoluent, deviennent aussi présentes que les notes jouées, on dirait que les instruments se multiplient, impossible de n'entendre plus que deux notes répétées.
Schlongo, schlongo.
Au final, la musique de Palestine peut se concevoir comme un instrument qui prend vie, qui donne de sa propre voix, qui joue avec le pianiste autant que le pianiste joue de lui. "Strumming Music" est une célébration du son de l'instrument (*2) ; "Strumming Music" est une preuve aussi qu'on n'a pas besoin de mélodies ni de rythmes complexes pour émouvoir en musique et qu'un "simple" travail sur le son peut, parfois, suffire.
Les autres disques que je connais de Charlemagne Palestine partagent les mêmes caractéristiques (principe minimaliste, résultat riche) ; à écouter, entre autres, "Music for Big Ears", au carillon, et surtout ses disques-drones joués à l'orgue, "Schlingen-Blängen" et "Schlongo!!!daLUVdrone". Beaucoup de ces disques ont été enregistrés en concert et ont dû être coupés pour tenir sur un CD ; c'est d'ailleurs la seule chose que je leur reproche car franchement, j'aimerais écouter "Schlongo!!!daLUVdrone" comme il a été joué : pendant des heures !
(Extrait de Strumming for Harpsichord)
(Extrait de Strumming for Strings)
Si je vous en parle aujourd'hui alors que la performance originale date de 1974, c'est parce que "Strumming Music" vient d'être réédité en triple CD par Sub Rosa, accompagné de deux variations inédites très différentes (qui, étonnamment, n'ont pas été jouées par Palestine lui-même) : Strumming for Harpsichord, joué par Betsy Freeman au clavecin, et Strumming for Strings, joué par des étudiant(e)s du conservatoire de San Fransisco sous la direction de Palestine.
Le clavecin de Strumming for Harpsichord a un son beaucoup plus terre-à-terre que le piano du Strumming original, il y a moins de résonances, d'harmoniques, on sent toujours la physicalité du jeu… et au final, on est moins transporté. Strumming for Strings, par contre, diffère beaucoup des autres pièces, et si le jeu des résonances avec les instruments à cordes se fait attendre, il y a une vraie beauté dans le son de ces instruments joués de façon si minimaliste qui font que l'on écoute cette pièce avec presque autant de plaisir que d'autres musiques de Palestine. Aucune de ces deux pistes n'atteint la beauté de l'original Strumming for Bösendorfer, mais elles restent des additions intéressantes. Le prix de cette ré-édition étant raisonnable (du moins là où je l'ai trouvée, elle coûtait à peine plus qu'un CD classique) et les éditions précédentes de "Strumming Music" étant épuisées, je ne peux que vous la conseiller.
— lamuya-zimina
(*1) J'ai écouté "Bar Sachiko" de Sachiko M une seule fois dans ma vie. L'expérience fut intéressante, je ne l'ai toujours pas réitérée et je serais incapable de noter l'album en question.
(*2) Palestine affirma d'ailleurs ne pouvoir jouer cette pièce que sur un piano Bösendorfer, après avoir arrêté prématurément une performance sur un piano Steinway qui ne lui convenait pas.
Bonus si vous voulez voir Charlemagne en mode "fêlé" :
SCHLONGO!!!
SCHLONGO!!!
Ca faisait justement des lustres que je voulais découvrir la musique de ce monsieur, et cette édition-là (avec trois versions différentes) m'a l'air tout bonnement CHOUETTE.
RépondreSupprimerArticle très intéressant et personnage qui ne l'est pas moins. C'est chouette d'en parler !
RépondreSupprimerJe suis tout comme Joe, depuis le temps que j'en entends parler, j'avais juste besoin d'une petite introduction, alors merci beaucoup!
RépondreSupprimerFaut le voir en concert parler français, beaucoup d'humour. A classer au patrimoine mondial de l'humanité.
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