J'ai beau abandonner sur une chaise le journal du matin, attendant que vous vous réveilliez et que vous vous leviez enfin, soufflant sur les braises pour qu'elles prennent, non, je ne garderais pas pour moi ce dont je veux vous causer ce matin, même si vous voulez déjeuner en paix... Parce qu'on va directement en Suisse, l'année étant 1981, pour retrouver un groupe de post-punk. Oui, je sais ce que vous pensez. "Quoi, quoi, la Suisse et le post-punk, vraiment ?" Eh bien oui, que ce soit avec les excellentes Kleenex, qui changèrent ensuite leur nom pour LiLiPut, et dont il faudra vraiment vous reparler un jour, ou encore les Young Gods, la Suisse recèle de trésors musicaux injustement insoupçonnés. Parmi eux, on trouve Grauzone, de jeunes garçons qui avaient décidé d'enregistrer une new wave bizarre et sombre, chantée en allemand, le temps d'un album très inégal, d'une poignée de singles et de seulement dix concerts. Et s'ils ne vous disent rien, vous serez sans doute surpris d'apprendre que l'un des membres de ce groupe n'était autre que Stephan Eicher, accompagné de son frère qui était le compositeur principal. Ce même Stefan Eicher que vous connaissez peut-être contre votre volonté. Mais avant de produire une chanson française que l'on entend passer en bruit de fond à la Gare du Nord, Eicher chantait dans Grauzone, et ce matin nous nous intéressons à leur deuxième single, leur plus gros tube qui a fait danser de nombreux helvètes underground dans les boites branchées à l'époque, Eisbær.
Il faut dire que c'est le genre de morceau d'une efficacité redoutable, qui vous prend en traitre à la première écoute avec son air de ne pas y toucher et ses trois accords qui tournent en boucle. Oh oui, ça n'a l'air de rien : une rythmique froide et métronomique sur laquelle un jeune suisse pas très bien dans sa peau vous chante faux "je voudrais être un ours polaire, comme ça je n'aurais plus à pleurer, tout serait enfin clair... Les ours polaires ne doivent jamais pleurer" avec tout le sérieux du monde. Et puis soudain, à la fin du couplet, ex-nihilo, boum, des guitares qui convulsent devant vous, accordée très approximativement, et des synthétiseurs malsains qui font des "bip" qui puent le mal-être, avant qu'un saxo complètement free n'achève le morceau n'importe comment. Le groove est morbide, déprimé, addictif. Et soudain, ce qui n'était qu'une chanson post-punk devient un genre de monstre, et l'un des meilleurs trucs jamais venus de nos voisins confédérés. C'est tellement bon d'ailleurs que ça a été repris. Pour des remixes dance ignobles. Par les adeptes de la bossa-nova ronflante de Nouvelle Vague. Mais aussi plus récemment. Enfin, c'est pas vraiment une reprise. Plutôt un type qui a totalement pompé la suite d'accord et la rythmique pour son morceau You Wanted A Hit sur son dernier album là. Ah, comment il s'appelle ce type déjà ? Heu... Attendez... AH OUI ! James Murphy ! Forcément ! Suis-je bête !
Emilien Villeroy
Un chant désaccordé, une ligne de basse et un beat simples mais effiaces, du bruit et des bips comme refrain et du saxophone en final? C'est parfait tout ça! J'aime.
RépondreSupprimeret ça vaut quoi sur la longueur d'un album ?
RépondreSupprimerlamu : cool!
RépondreSupprimeranonyme : le truc c'est que leur album est un peu différent de Eisbær, avec beaucoup plus de claviers et des boites à rythmes qui rendent l'ensemble bien plus new-wave-classique et moins oppressant. Y'a donc des choses pas mal, mais c'est globalement moins réussi que Eisbær, forcément. Il me semble donc que, dans l'absolu, à part si vous êtes curieux, vous pouvez vous contenter de taper du pied sur ce morceau là...
Sont mystérieux ces sons de synthés dis donc ! Bon j'étais pas forcément à fond à la première écoute, j'ai sorti un vieux "moé why not" quelque peu désabusé... Par contre c'est le saxo qui m'a franchement plu (et qui m'a foutu à la bourre, parce qu'une deuxième écoute un matin avant d'aller bosser, bah ça nous amène à dix minutes de retard avec ta chanson de 4'30!!) Je l'aurais presque fait durer plus longtemps ce ptit solo de saxo, parce qu'au final, avec une troisième écoute à l'appui ce soir, ben on s'en lasse pas !
RépondreSupprimerOui, le solo de saxophone est vraiment formidable, c'est presque dommage qu'il n'intervienne pas avant avec le raffut fait par les synthés! et désolé pour le retard!
RépondreSupprimerVoir la compile SWISS WAVE si affinités !
RépondreSupprimerhttp://www.discogs.com/Various-Swiss-Wave-The-Album/release/295278
très beau commentaite,
RépondreSupprimereisbar m'a envoutée des la premiere ecoute, minimaliste mais tres efficace!
Salut les musik-fan ! Suis suisse et vous engage fortement à l'écoute du "reste" de Grauzone. Sûr que vous serez envoûtés par "Raum", sa basse envoutante et son saxo magique. "Wuetendes Glas" et ses riffs écorchés. Qui ne rêverait (quoi je n'ai pas dit danser?) pas sur " Traüme mit mir". "Moskau" et son speed de sous-marinier est pour les plus punkistes. Vous vous aimerez encore longtemps sur "Ich lieb Sie". .. Et le "Der Weg zur Zweit" d'Eicher sur son album "Silence" ... et bien il vient de Grauzone.. écoutez le ...c'est magique, vivant de légèreté et d'une vivacité postpunk entrainante malgré sa rythmique un poil lente.
RépondreSupprimerBravo Emilien pour ton speach et... bonne route à tous ... le chemin à deux est moitié moins long !
Jack