C'est entendu.

mercredi 28 avril 2010

[They Live] - Metal Machine Trio (A Night Of Deep Noise)

Il y a un peu plus d'une semaine, Emilien Villeroy vous parlait d'un OVNI du monde de la musique, un album à part, un objet unique : "Metal Machine Music" du géant Lou Reed. Il s'avère que depuis quelques temps, Lou parcourt le monde accompagné de deux acolytes pour reprendre sur scène ce véritable manifeste de la musique bruitiste, pour le plus grand plaisir des fans hardcore mais aussi des plus curieux. Je me suis ainsi rendu à l'Ancienne Belgique (en plein centre de Bruxelles) pour y voir le Metal Machine Trio, par curiosité et pour voir en chair et en os ce chanteur mythique qui a bercé une partie de mon adolescence. J'ignorais que j'allais vivre un concert d'une force insoutenable, que je fonçais droit dans un mur de sons implacables et que je ne m'en relèverais pas de sitôt.

Une fois dans le hall de l'Ancienne Belgique, le premier réflexe que j'ai eu fut de me diriger droit vers le bar pour demander des bouchons pour oreilles : j'avais peur de passer l'heure suivante sous le feu des larsens du groupe et le reste de la semaine avec des acouphènes. Ça m'aurait fait mal de payer 38 euros pour me retrouver à moitié sourd !

Pas de première partie, ou plutôt si. Les amplis du groupe étaient déjà allumés et un loop, hypnotique, tournait sans cesse et donnait le ton d'une soirée qui s'annonçait des plus expérimentales. Des gradins ayant été installés pour l'occasion, c'est assis que je regardai les trois hommes faire leur apparition. Pas un jeu de lumière, rien, et c'était à se demander si le concert commençait, personne n'applaudissait vraiment, seuls deux ou trois cris retentissaient çà et là.

Après quelque minutes, il devient évident que la musique jouée par le Metal Machine Trio n'est pas vraiment comparable à l'album de 1975. Beaucoup d'instruments prennent place sur scène (un énorme tambour, un gong, etc.) ce qui donne une dimension très particulière à la performance, absente sur le cd, où le boucan était généré par un matériel électronique. Les émotions sont plus diversifiées et bien sûr, la présence physique de ces instruments (voir Lou Reed, âgé et l'air fragile, taper sur un gong est en soi magnifique) ajoute un plus, un peu d'angoisse, un peu de folie, un fameux bordel, un superbe chaos.

C'était là le mot clef de ce concert : chaos. Aucune limite ne semblait être fixée. Était-ce de l'improvisation (partielle ou pas) ? Les voir jouer ainsi laisserait supposer que oui et pourtant le doute est permis lorsque Lou rappelle à un autre musicien qu'il doit repasser au tambour et quitter le saxophone. L'éclairage de la scène était, lui aussi, étrange, n'illuminant pas seulement le groupe mais aussi une partie de la foule. On ne savait alors plus très bien où finissait la scène et où elle commençait, mais cela permettait d'observer le public. A coté de fans silencieux et admiratifs s'outraient ceux qui ne comprenaient pas ce qu'ils faisaient là. Une jeune femme à deux sièges du mien répétait inlassablement "Elle est insoutenable cette musique" et finit par quitter la salle après seulement trente minutes, suivie par une bonne partie de l'auditoire, dans ce qui ressemblait à une sélection darwinienne où seuls les plus aptes peuvent survivre (les autres auront au moins essayé, c'est tout à leur honneur). De cette combinaison naissait un moment indescriptible. Une confusion organisée, contrôlé, maîtrisée, décidée.


A la fin, Lou prit le micro et lâcha "This club is as good as it gets. Including the people" (Cette salle est parmi ce qui se fait de mieux, et ça inclut le public). Assommé, je m'empressai d'acheter le vinyle de "Metal Machine Music," certain de pouvoir réécouter cet album avec une oreille neuve. Sur le chemin du retour, dans les rues sombres de Bruxelles, en passant une main dans ma poche j'y retrouvai mes bouchons, inutilisés.


Julien Masure.

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