C'est entendu.

mardi 27 avril 2010

Sunny Roads Session #1

par Hugo Tessier
art par Jarvis Glasses

Nous y voilà. Voici la première Sunny Roads Session, rubrique dont le leitmotiv sera de vous faire sonder un coin particulier de l’histoire musicale : les décennies 60’s et 70’s du point de vue américain. Vous trouverez en ces lignes une recrudescence de marginaux sympathiques et autres énergumènes alternatifs qui côtoieront immanquablement certaines figures emblématiques, bien souvent issues de cette Californie presque mythologique qui fut le berceau du mouvement hippie. Il s’agira, en quelque sorte, d’un plongeon dans le passé, pour s’immerger dans la période, par le biais de sa musique, principalement, mais aussi de ses films, qui, en plus d’avancer sur le chemin de l’éloignement, du questionnement sur soi, et d’apporter la critique sociale que l’on sait, au travers de leurs bandes originales, posent différentes questions (Comment la BO sert-elle le film ? Dans certains cas, les rôles s’équilibrent-ils, s’inversent-ils ?). Sunny Roads Session, à raison d’une fois par mois, se proposera de vous apporter sur un plateau cette once de nostalgie d’une époque fondamentale ou bon nombre de choses étaient permises. Comment l’Amérique de la révolution culturelle continue-t-elle de fasciner ? Telle est la question première, celle qui sera le fil conducteur. Pas de cri de désespoir façon "hier c’était mieux, aujourd’hui c’est naze," mais plutôt un retour aux sources, un retour sur image. En l’occurrence, sur une vielle photo décolorée, prise à la plage, sous un soleil de plomb, par une bande de barbus aux cheveux longs, aux yeux rêveurs, accompagnés de filles pieds-nus, arborant des sourires d’un autre temps.


The Youngbloods passent à l'Ouest


La baie de San Francisco fut témoin, entre le milieu des années 60 et la fin des années 70, d’une vague musicale sans précédent, et qui contribua à donner à la Californie ce visage qui fait tant rêver, cette aura hippie, en un mot. Pour cette première parution, il s’agit de dépoussiérer The Youngbloods, un groupe méconnu et pourtant issu du San Francisco Boom. Le point commun à tous les artistes dont je compte vous parler est résumé en deux phrases par Robert Hunter, le parolier de Grateful Dead, figure incontournable de cette scène alternative (et que Sunny Roads Session, dans l’avenir, ne se privera pas de traiter) : "l'un des aspects les plus significatifs du San Francisco Sound, à ses débuts était l'orientation traditionnelle des musiciens. Presque tout le monde ne s'est collé au rock qu'après un solide parcours folk." (1) Ce fut bel et bien ce qui se passa pour Jesse C. Young, qui forma The Youngbloods (ci-dessus) en 1966, après une carrière folk solo couronnée d'insuccès, en compagnie d’autres musiciens de bonne réputation dans le milieu, mais tous aussi peu connus du grand public.

Au départ, The Youngbloods était une formation de la côte Est, qui quitta New York en 1967 après y avoir enregistré deux albums cette même-année. Sur le premier subsiste par moments une influence pop londonienne, qui trahit à n’en pas douter les références des musiciens, (The Beatles, Moby Grape) mais il s'y développe par ailleurs une identité forte, comme au travers du single Get Together, une reprise de Chet Powers (que vous avez pu entendre sur la Bande Originale de Forrest Gump, par exemple) s’édifiant sur une douce contemplation, et renforcée par un refrain puissant. Sur leur deuxième rejeton, "Earth Music," c'est avec des morceaux tels que All My Dreams Blue, ou encore l’excellent Sugar Babe que les Youngbloods frappent fort (ces chansons-là convaincraient le plus fervent opposant à la cause hippie). Et puis, ils ne se privent pas de certaines petites blagues envers l'auditeur, comme avec The Wine Song, au titre, je pense, suffisamment explicite.

(Get Together)

Leur troisième album, "Elephant Mountain," sortit en 1969, après l'installation du groupe à San Francisco et la production en ressort plus épurée, avec des sonorités encore plus attachantes, des rythmes encore plus posés, et se rapproche ainsi de l'easy-listening (On Sir Francis Drake, avec cette fameuse blague de Young au tout début). Pour autant, le groupe évite de trop s'éloigner de ses racines blues, et on trouve même des lueurs bossa-nova délicieuses, avec Sunlight, et son épilogue, Double Sunlight. Et puis, quand l'auditeur est guidé vers la sortie par six minutes et demie d’easy-listening presque naïve, d’une rare pureté (Ride The Wind), alors on peut dire sans trop craindre de se tromper que l'exode vers l'Ouest aura été une réussite et que les Youngbloods n’y ont rien perdu de leur originalité, ni de leur créativité. Cette traversée du pays entraina cependant la perte du guitariste Jerry Corbitt, qui fit sécession durant les enregistrements de l’album. Et visiblement, le coup fut assez rude à encaisser pour le trio restant.

(Sunlight)

En effet, l’écoute de "Good and Dusty," sorti en 1971 après la parution de deux albums live, s’avère différente. On y trouve un peu plus de blues, un peu moins de folk, bien qu’Hippie From Olema No. 5 et Will The Circle Be Unbroken soient présents, et cela reste dans l'ensemble un peu moins dynamique, un peu moins frais. En somme, c’est une partie de l’identité propre au groupe qui semble s’être évaporée avec le départ de Corbitt, et lorsqu'arrive 1972, les choses tournent au vinaigre avec la sortied'un ultime album, "High On A Ridgetop," qui fut un implacable échec commercial après lequel les Youngbloods se séparèrent.

De leur discographie inégale, il faut retenir qu'au sein d'une assemblée en surnombre, les Youngbloods ont su faire leur trou, s'immisçant au mieux dans le bain du San Francisco Sound. Ils illustrent aussi un phénomène assez intéressant, celui de la transition Est-Ouest. Ce n'est qu'après avoir traversé le pays pour se rapprocher du Pacifique et de "leur" scène que les influences britanniques se sont dissipées, et dès 69 et "Elephant Mountain", leurs compositions prirent un net virage. C'est alors l'autre visage des Youngbloods qui se révèle, lorsqu'ils deviennent un groupe ensoleillé. Il est vrai que l'on naviguerait presque dans les eaux du easy listening, mais il n'est jamais question de naïveté, mais plutôt de l'envie la plus pure d'offrir une musique agréable, tranquille. Forts de leur expérience New Yorkaise, Young et sa bande détenaient un recul, par rapport à la scène hippie grouillante, et cette richesse fit leur particularité. Aucune velléité révolutionnaire, pas d'ambitions expérimentales, tout se fit dans la simplicité, et voilà pourquoi The Youngbloods semblaient tous désignés pour amorcer l'approche de ce bouillonnement musical, dont j'aurai le plaisir de vous reparler, dans un tout petit mois, au travers d'un autre groupe.

D'ici là, bonne route!




(1) Barney Hoskyns Beneath the diamond sky,Haight-Ashbury 1965-1970 Simon Schuster Editions, New-York 1997

7 commentaires:

  1. "En l’occurrence, sur une vielle photo décolorée, prise à la plage, sous un soleil de plomb, par une bande de barbus aux cheveux longs, aux yeux rêveurs, accompagnés de filles pieds-nus, arborant des sourires d’un autre temps."


    >>>> L'est où la tof ?

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  2. article pas signé ! je le signale !

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  3. caillera knightley27 avril 2010 à 22:21

    Super dessin ! On dirait un Worms du jeu Worms.

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  4. Anonyme > Comme chaque rubrique, l'article est signé au début.

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  5. Cher "mon chat ronronne stone", sache que l'image en lien sur ton pseudonyme a suscité un vif débat interne à l'équipe du blog et rien que pour ça, je t'en remercie vivement.

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  6. Ahah ! J'ai réussi mon coup :D
    Pour quels motifs a-t-elle généré un tel débat ? :D

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