Coucou me revoilà pour un réveille matin, et j'ai décidé d'allumer les projecteurs sur un chanteur de variété, oui oui, un chanteur pour dames, un vrai de vrai qui chante des chansons d'amour et qui de surcroit est Québécois, le must du must dans le genre en somme ! Et hop je vois là déjà toute une armée d'indie-kids de bon goût prêts à me balancer des tomates. Mais non ce n'est pas Roch, ni Robert, ni Félix, ni Garou, holà stop attention la variété c'est pas que de la daube non plus, elle peut aussi parfois être underground, il n’y a rien d’antinomique là-dedans comme le prouve l'album "Jaune" du québécois Jean-Pierre Ferland sorti en 1970.
Et les superlatifs ne manquent pas concernant cet album que les canadiens avec leur grande modestie considèrent comme "une œuvre magistrale." Certains vont même jusqu'à dire que "Jaune" est le penchant québécois de l'album Blanc des Beatles, pourquoi pas puisque même John Lennon en son temps fut remarquablement impressionné par ce disque de pop moderne et dont les arrangements rappellent aussi étrangement ceux d'un certain Jean-Claude Vannier en 71. D'ailleurs je soupçonnerais presque Gainsbourg de s'être fortement inspiré de son cousin québécois sur son "Melody Nelson." C'est exactement le même concept avec des chansons racontant la même histoire sur des arrangements orchestraux flamboyants. Cependant il n'est pas ici question de faire le procès de qui que ce soit. Je sais que le français est très snob et supporte mal qu'on ose s’attaquer aux mythes de son patrimoine culturel.
Mais rendons à César ce qui lui appartient : non le patrimoine musical québécois ne se résume pas non plus qu'à des chèvres et des caribous qui beuglent et j'en fournis aussi pour preuve l'album de reprises et de remixes de "Jaune" sorti en 2005 et qui réunit quelques-uns des plus beaux fleurons de la jeune génération indie-rock et électro du Québec francophone pour ceux que ça intéresse.
Le Chat du Café des Artistes
Donc à la base je voulais chroniquer cette chanson de l’album "Jaune," God is an american, un morceau expérimental totalement psychédélique et renversant, et puis la semaine dernière Charlotte Gainsbourg, "la fille de... ," est passée dans le poste avec sa reprise inattendue du Chat du café des artistes, quelle étrange et bonne idée de sa part, alors je me suis dis "profitons de l'occasion pour rendre aussi hommage à son géniteur et à cette chanson qui aura bientôt 40 ans." Le texte de JP Ferland qui dépeint les angoisses d'un artiste refusant de tomber dans l'oubli est plein de lucidité et à la fois d’une telle noirceur (parfaitement sublimée par les cordes, les chœurs et les cuivres), mais au-delà des paroles avouons-le trop abstraites pour que l'on y comprenne vraiment quelque chose (les analyses de poèmes et les métaphores c’est pas trop mon fort), en fait c’est surtout l’ambiance et la dramaturgie du morceau qui prédominent avec
cette voix de crooner aux articulations méticuleuses à la manière d’un Aznavour. Il y a aussi cette rythmique presque trip-hop vraiment surprenante pour l’époque, je vous rappelle qu’on est quand même en 70 et qu’on entend déjà des samples de voix sur l’intro et le final. En réalité, Le chat du café des artistes est une chanson de variété ordinaire produite par des types complètement allumés et avant-gardistes, c’est du très grand travail de studio digne des meilleurs production de l’époque et qui surtout n’a pas pris une seule ride, le son est resté impeccable. Ça sortirait aujourd’hui que ça aurait vraiment de l’allure et la petite Charlotte ne s’y est pas trompée puisque sa reprise figurera sur son prochain album "IRM" produit par Beck et à paraitre d'ici la fin de l'année.
Alors voilà je vous propose pendant cinq minutes de laisser de coté vos à-priori sur la variétoche, de jeter une oreille à cette chanson et pourquoi pas également découvrir cet album qui a radicalement changé ma vie et mes perceptions musicales.
Djeep
Mais bon sang, personne ne se dévoue pour dire que le lecteur ne marche pas et qu'on a une tronche pas possible parce qu'on s'est mal réveillés lundi ?
RépondreSupprimerAh c'est étrange parce que le lecteur marchait Lundi très tôt (avant que tu ne te lèves, gros paresseux) !
RépondreSupprimerExcellente analyse...
RépondreSupprimerCet album est un truc incroyable. Encore plus incroyable lorsque l'on découvre, comme tu le mentionnes, qu'il a été enregistré en... 1970!!
Dommage d'avoir attendu la reprise de la fille pour découvrir l'inspiration du père (je dis ça, mais en même temps ça fait presque 6 ans que je vis au Québec alors, c'est facile...).
J'en profite pour mentionner que le Québec, avec ses petits sept millions d'habitants est un vivier de musiciens qui ont réussi pour beaucoup à faire ce qu'en France on peine à faire: lier les inspirations musicales anglo-saxones à la (parfois leur) langue française.
Malheureusement, peu de ses groupes traversent l'atlantique... et c'est dommage...
Le Québec, ça reste pour beaucoup Céline Dion et autres brailleurs sans génie.
Oh il y a quand une belle reconnaissance de certains groupes montréalais. Je ne sais pas si tu pensais aux artistes des labels Constellation ou Alien8, mais si c''est le cas, certains ont acquis un statut important. Silver Mt. Zion notamment, doit être l'exemple le plus frappant : ils remplissaient tranquillement les Instants Chavirés en 2004 (une salle d'environ 100 places) et font aujourd'hui salle comble au Bataclan (dix fois plus grand !). Il y a deux semaines encore, Clues (le nouveau groupe d'un des deux chanteurs de Unicorns) a mis une grande ambiance au Glaz'Art.
RépondreSupprimerBien sûr ces groupes n'ont pas vraiment de succès, mes chouchous de Pas Chic Chic se prennent des vents incroyables, de même que les immenses Fly Pan Am étaient largement ignorés, mais il ne faut pas croire que tout le monde s'en fiche ! : )
Pour moi, Montréal, c'est la ville la plus importante et la plus passionnante des années 2000. La moitié de mes disques préférés de la décennie viennent de là-bas, de Constellation, d'Alien8. Mais peut-être que tu pensais à plein d'autres groupes et artistes différents que tu pourrais nous faire partager !
Autrement il y a quand même quelques groupes français qui valent le détour, mais très peu chantent en français c'est vrai !
Duck.
Je te rejoins parfaitement, Montréal est depuis les débuts 2000 LA place où ça se passe. Montréal est devenu presque aussi incontournable que New York pour l'indie et la pop en générale.
RépondreSupprimerLes God speed you![..] (chez Constellation) ce fut une claque (même si les jours de déprime, j'évite).
Arcade Fire (même si le succès les a flingué je pense) ça m'a assommé.
Patrick Watson continue de me fasciner (et il a l'air de bien s'en sortir en France).
Mais quand tu prends l'exemple des Unicorns, ça reste un succès d'estime (en même temps, je dis ça mais j'ai pas regardé les chiffres...). Un type comme Nick Thorburn justement (que ce soit avec les Unicorns, les Islands ou Human Highway) n'a pas forcément le succès qu'il mérite (c'est mon avis, après, on pourrait en discuter longuement).
J'irai écouter les Clues (je ne connaissais pas).
Mais je m'éloigne de mon point. Je voulais juste souligner la qualité de certains artistes qui arrivent à faire sonner le rock/ la pop en français. Par exemple, Le volume du vent, de Karkwa, c'est le genre d'album qu'en France je n'avais jamais entendu.
Malajube m'étonne aussi (même si au niveau des textes, il y a des choses à redire).
Bélanger a aussi de sacrées bonnes idées tant au niveau des compos, des arrangements ou de la prod (après, il faut aimer sa voix et son style).
Mais je ne crache pas sur les artistes français. Loin de là.
Sauf que groupe de rock en français par des français... c'est pas évident je trouve (Noir désir... et Mathieu Chédid parfois?).
Je pense qu'en France, on tire plus son épingle lorsque que l'on lorgne du côté de la chanson dite "à texte" ou de l'électro... mais le rock, il y a encore du boulot.
Ça reste un truc anglo-saxon.
On pourrait en parler longuement. Tu as l'air d'en connaître un rayon.
Certainement plus que moi.
En attendant, Jaune reste un superbe album. Une belle réussite.
Je l'ai réécouté après lecture de cet article et je me suis fait Melody Nelson derrière.
Bilan, c'est troublant. Jaune est peut-être tombé entre les mains de Serge et Jean-Claude Vannier avant qu'ils ne se lancent dans cette fantastique entreprise qu'est l'Histoire de Melody Nelson.
D'où la reprise du Chat [...] par Charlotte...(?)
Mais même pas, c'est une idée de Beck apparemment... (ça me scie)
Bon.
J'arrête là.
Je viens de me relire et je vois que je commence à m'éparpiller.
Romain
JP Ferland était en france dans les années 60 et passait inaperçu sauf pour des tout jeunes comme moi qui recherchait autre chose que du hallyday etc...
RépondreSupprimerDéjà branché sur Brel, j'ai découvert Ferland grace c'est vrai à mes deux soeurs ainées.
Puis j'ai continué dés que j'ai pu acheter. M Ferland a disparu des rayons disques en 82 " chanson de ma grand mère", " la famille" etc.. que je n'ai trouvé qu'en K7.JAUNE est une merveille, il n'y avait rien de moderne pour moi mais plutôt fantastique, dans la marge, la mauvaise chanson envahissait depuis longtemps les ondes françaises, M Gainsbourg commençait à déraper sauf pour les autres interpr^tes, écoutez "je suis venu te dire", toujours le même thème musical et les répétitions de parôles ou de pleurs.
Il y a un seul Ferland, poètique aus fins de chanson innatendues mais jolies: " thé vert" dans la route 11, et musicales qui vous fait vibrer.
C'est grace à internet que j'ai pu l'écouter dans ses nouvelles chansons qui avaient déjà 8 années lorsque je les ai trouvé.
Ferland c'est la véritable variété car les thèmes musicaux varient sans cesse, contrairement à la chanson française.
Je le compare a Léo ferré qui lui aussi s'est embarqué dans des tâches difficiles qui l'ont exclu des médias.
Voilà mon commentaire sur M Ferland qui pourrait être intarissable tellement il m'a accompagné avec M Ferré dans les moments difficiles ou faciles.
Bonsoir