C'est entendu.

dimanche 18 octobre 2009

[Vise Un Peu] Ray Rumours - Le Pont Suspendu

Vous pouvez chanter sur des choses rigolotes, sur l'envie de mourir ou sur l'état délabré du monde si ça vous dit, on ne m'ôtera pas de l'esprit qu'il n'y a rien de plus de plus touchant, de plus efficace, de plus désarmant qu'une vraie chanson d'amour. D'amour heureux, contrarié, mourant, enterré, à sens unique, peu importe. Il y a quelque chose de particulier dans ces morceaux-là. Sont-ils totalement premier degré ou de pures fictions ? Un peu des deux peut-être? On n'en sait rien, mais il n'empêche qu'une belle suite d'accords un peu mélancolique sur laquelle quelqu'un chante d'une voix frêle des paroles adressées à un "you" invisible mais omniprésent, quand c'est bien fait, c'est quelque chose qui touche invariablement notre côté fleur bleue plus ou moins développé. Il y a comme un art de la pop song d'amour qui traverse les décennies grâce à des milliers de gens dans leur chambre qui jouent de la guitare en pensant à quelqu'un. Et parfois, ça donne des albums comme "Le Pont Suspendu", de Ray Rumours.


(Meaningless Words)

Ray Rumours, c'est l'anagramme approximatif et le nom du projet solo de Ros Murray, une fille venue d'Angleterre mais ayant aussi passé pas mal de temps en Espagne et en France, et que vous avez peut être déjà vue au sein du groupe Electrelane jouant de la basse. Elle a toujours eu une activité plus underground en parallèle, très riche, au sein de nombreuses formations dont les noms ne vous diraient rien, et avec ce projet un peu collectif qu'est Ray Rumours. En 2006, elle avait déjà sorti sous ce nom un charmant premier album, "The Hemulen", qu'on imaginait enregistré de manière un peu lo-fi dans sa chambre, collection de petits morceaux très touchants restant souvent dans une formation ukulélé/guitare et voix qui convenait parfaitement aux tonalités personnelles des paroles. Mais pour "Le Pont Suspendu", sans rien perdre de son charme bricolo et simple, Ros a eu l'excellente idée de faire participer encore plus de ses amis, et en premier lieu, Frànçois, dont on vous avait déjà parlé, et qui joue de plusieurs instruments en plus de chanter. Et le résultat, plus riche et plus maîtrisé, est absolument enchanteur.



A mi-chemin entre un côté folk délicat, et une ambiance twee qui ravira les plus tendres d'entre nous (le très pop Meaningless Words en est un brillant exemple), "Le Pont Suspendu" est un album qui est absolument désarmant de simplicité et d'honnêteté. L'ambiance est intime mais chaleureuse, on est pris dans ces morceaux comme s'ils nous concernaient personnellement, et les arrangements légers ont de quoi mettre des sourires béats sur n'importe quel visage : petites trompettes (parfois un peu mariachi, comme sur October) et guitares toutes en arpèges, cordes qui appuient sans jamais en faire trop ou banjos lumineux, c'est un régal de délicatesse sans jamais perdre ce côté doucement lo-fi, avec un doux souffle qui résonne comme un flou artistique charmant. Et s'il y a rarement des imperfections, des fausses notes, des harmonies pas très justes, c'est encore mieux, encore plus touchant et vrai, le genre de petit détails qui rend l'ensemble si modeste qu'on les pardonne tous. Une beauté bancale mais immédiate, même dans les instants les plus dépouillés de l'album, qui en fait son plus bel atout.


(The Turtle)

Ces 13 excellents petits morceaux ont valeur de souvenirs, composés au fil du temps et des pérégrinations autour du monde de leur auteur, et sont en cela immédiatement personnels, touchant l'auditeur avec un naturel étonnant et immédiat. Que ce soit dans les évocations d'un passé s'éloignant inexorablement mais dont le souvenir est toujours aussi vif (Chaussures et ses paroles en trois langues, comme symbole mélancolique de l'éloignement des personnes, thème récurent de l'album) ou dans ces sortes de monologues chantés pour l'être aimé qui racontent des histoires d'amour contrariées, il y a une sincérité magnifique dans la voix de Ros Murray qui rend ces morceaux d'autant plus intimes et vrais. La qualité rare de cet album, c'est qu'il réussit à faire de la mélancolique une chose douce, agréable, vivable, dans laquelle il fait bon s'immerger, et en ne tombant finalement jamais dans un quelconque sentimentalisme mièvre, bien au contraire. Sur Looking For You, il suffit d'une citation de Jean Vigo pour exprimer des sentiments clairs, simples, beaux tandis que les arrangements s'envolent avec grâce vers une coda précieuse.


(Night Time On The Beach In Sydney)

Et quand, à la fin, sur Night Time On The Beach In Sydney, les ukulélés se mêlent dans une dernière berceuse et que Ros chante tout simplement "Now it's time to go to sleep, to sleep/Close my eyes and dream of you, of you, of you", c'est magique, c'est comme si la vie entière était justifiée pendant 1 minute et 37 secondes, et une partie de moi aimerait bien, rien qu'un instant, être le "you", oui, totalement, oui.




Emilien.

(soyez sympa, allez acheter l'album ici, ou chez des disquaires indépendants comme Ground Zero sur Paris!)

4 commentaires:

  1. OUI, Ca me donne envie de filer rue Sainte Marthe chez Ground Zero. Puis d'aller me réfugier au chaud dans un café de la place, pour contempler cette pochette aquarelle. Et de me dire une fois de plus combien j'aimerais jouer de la guitare quand je pense à quelqu'un.

    Hélas je n'habite pas Paris. Si jamais je le commande, je te dirai ce que j'en ai pensé. Et si jamais je fais réparer ma guitare, je vous ferai chroniquer mes démos (BLAGUE) :D

    Ton article en tous cas est plus que convaincant !

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  2. fameux commentaire, vivement que tu l'écoutes! j'écris des articles aussi pour avoir le plaisir de lire des avis enthousiastes et enthousiasmants comme celui là :)

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  3. Moi aussi je vais filer chez ground zero rapidamente pour le cueillir. J'ai besoin de réveils en douceur, je suis un vrai cœur d'artichaut.

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  4. et et et et, vous pourriez m'en acheter un et me l'envoyer? on ne trouve pas ce genre de choses à la campagne

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