C'est entendu.
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mardi 22 mars 2011

[Fallait que ça sorte] The Shooting Star Experiment of Lights — The Sound of the World Collapsing

Voilà un album qui aurait sans doute eu sa place dans la rubrique "Microcosme" s'il avait simplement répondu à mes attentes (à savoir : être un disque intéressant d'ambient/noise/drone joué à la guitare), un disque sorti par un artiste inconnu au bataillon, sur un petit label intéressant (et dont on vous avait à peine touché mot il y a quelques mois) mais destiné à un public restreint, avec un nom d'artiste et un nom d'album qui pourraient laisser imaginer un énième disque de musique cinématographique dépressive (post-rock).

Et pourtant. Croyez-moi, "The Sound of the World Collapsing" est l'un des rares disques à mériter réellement un tel titre.

The Shooting Star Experiment of Lights est le projet du guitariste new-yorkais Kurtis Kouns, qui n'utilise ici aucun synthétiseur ni son informatique pour créer les effets et les nappes qui constituent sa musique. Ce n'est pas à vous que je vais apprendre la richesse des sons que l'on peut tirer d'une guitare — écoutez par exemple "Clearing" de Fred Frith si vous voulez de très beaux exemples — mais ici, ce ne sont pas tant les sons de la guitare-même qui impressionnent, ce sont les artefacts qui en découlent, qui finissent par emplir ou plutôt par dévaster tout l'espace en feedback et autres effets — le silence n'est pas aménagé par des sons, il s'effondre, se déchire, et le résultat est quasi-traumatisant.


(extrait de « Faces from the Past »)

"The Sound of the World Collapsing" est composé de deux pistes, la première d'un quart d'heure, la seconde d'une demi-heure ; The Sound of the World Collapsing, la première, que l'on pourrait presque qualifier de noise music, est dénuée de tout rythme ou mélodie et donne à entendre les grondements, les craquements, les artefacts aigus qui ressemblent presque à des sirènes — en un mot, le cataclysme du titre. La seconde, « Faces from the Past » (guillemets inclus), est ce qui suit l'effondrement, tout n'est qu'inquiétude, tristesse et ruines et c'est une mélodie lugubre, aux basses implacables et aux notes tremblantes, qui persiste au milieu du silence et finit par sombrer progressivement dans la folie. Les deux pistes sont indissociables, deux mouvements d'une seule pièce, et ce n'est pas un calme après la tempête que présente « Faces from the Past » mais bien une gradation dans l'horreur. Par moments une voix perce au milieu de tout ça, qui ajoute encore à l'effet ; et si l'enregistrement est quelque peu lo-fi, la dimension spatiale de la musique s'y entend de manière impressionnant : on entend réellement la pièce dans laquelle les sons ont été joués et l'effet est métonymique : c'est une véritable fin du monde que l'on entend là.

Certes, "The Sound of the World Collapsing" reste un album réservé aux amateurs et amatrices de musiques expérimentales, arythmiques et/ou amélodiques. Mais c'est un disque trop saisissant pour le passer sous silence.


— lamuya-zimina

jeudi 23 décembre 2010

[Vise un peu] Une kyrielle d'albums (ou : Autour du monde musical de 2010 en onze disques)

Que les tops de fin d'année vous paraissent sympathiques, (in)dispensables ou superficiels, ils ont tous une chose en commun : ils sont incomplets. Personne ne peut écouter tous les albums sortis en une année, et même si l'on essaie de combler ses lacunes en découvrant le plus de disques possible avant la date fatidique, il est inéluctable que l'on en découvre certains trop tard…

Mais voyons le bon côté des choses : si ces oublis semblent inévitables, c'est qu'il y a toujours plein de bonnes surprises à faire, et souvent dans des genres que l'on n'a pas l'habitude d'écouter ! Si les albums "majeurs" de 2010 (disons, nos préférés et les plus attendus) ont déjà fait ou vont bientôt faire l'objet d'articles complets sur C'est Entendu, c'est un mini-panorama d'albums peut-être moins connus ou plus pointus, mais certainement pas moins bons ni moins intéressants que je vais tenter de vous présenter aujourd'hui — il y en aura presque pour tous les goûts (et aussi presque de toutes les nationalités) !


On commence par ce qui sera peut-être le disque le plus populaire du lot, un groupe britannique qui tire son inspiration de Broadcast et de Stereolab : "Celeste" de The Soundcarriers est un très bon disque d'indie rock chaud et mélodique, rétro sans être passéiste, soutenu par des basses et percussions aussi entraînantes que les voix sont gaies et légères ; un disque qui ne renie pas ses inspirations mais les distille avec classe, notamment sur la réjouissante Last Broadcast (hommage assumé et réussi). Si vous aimez les groupes cités précédemment, n'hésitez pas à y jeter une oreille !


(Last Broadcast)



Si vous aimez la musique psychédélique et que les derniers Bardo Pond et Tame Impala ne vous suffisent pas ou ne sont pas assez rock pour vous, je ne saurais trop vous conseiller d'écouter "Long Distance Trip", premier album des Allemands du Samsara Blues Experiment ! Les six pistes progressives qui forment cet album sont aussi planantes que décoiffantes, avec une première chanson du tonnerre (Singata Mystic Queen) et un final bien entendu long et épique (Double Freedom). À écouter fort ; le "trip" est alors garanti.


(Singata Mystic Queen)



Si votre truc, c'est plutôt la new wave, l'électropop, le kraut et/ou le post-punk (non, je ne confonds pas tout, c'est juste que cet album mélange un peu tous ces genres !), peut-être apprécierez- vous davantage le premier disque de K-X-P, trio finlandais qui se passe de guitare et fait résonner ses pistes à la fois sombres et dansantes au clavier, à la basse et à la batterie, dans un album au son synthétique et quelque peu froid mais pourtant très prenant ! Mention spéciale à Labirynth (sic), avec sa batterie et sa ligne de basse à faire danser les morts, qui ne pourra pas vous laisser de marbre si vous avez ne serait-ce qu'un muscle non allergique à ce genre de sons dans votre corps…


(Labirynth)



Complexe et surprenante, la musique des Italiens de Yugen risque de vous émerveiller ou de vous donner mal à la tête selon vos goûts et votre humeur : éclats dissonants de guitares, de piano ou de batteries qui rappelleraient presque le free jazz, voix androgyne qui chante des pistes étonnamment apaisées, "Iridule" se réclame entre autres du mouvement rock in opposition (pensez à Univers Zéro si vous connaissez). Une musique presque théâtrale, sans doute difficile à écouter tous les jours mais néanmoins brillante. À découvrir !


(The Scuttle of the Past out of the Cupboards)



Une sélection de pistes de Manorexia, le très bon projet solo de compositions quasi-cinématographiques aux sonorités expérimentales de l'Australien J.G. Thirlwell, arrangée pour un ensemble de musique de chambre ? C'est ce que propose "The Mesopelagic Waters", sorti chez Tzadik (le label du célèbre John Zorn, à surveiller si vous aimez les musiques qui sortent de l'ordinaire) ; et ces nouveaux arrangements (au violon, violoncelle, alto, piano…) sont tout aussi réussis que les pistes originales, preuve s'il en fallait encore que Thirlwell est un compositeur aussi doué que polyvalent.


(Toxodon Mourning)



Hommage au poète serbe Desanka Maksimović, contenant une référence à T.S. Eliot et la participation de la chanteuse américano-serbe Ivana Salipur, le dernier disque de Dead Voices on Air (le projet solo de Mark Spybey) est un excellent disque de dark ambient, de beaux paysages sonores formés de nappes de drones qui se superposent, de samples évocateurs et de voix envoûtantes ; un disque à l'image de sa pochette au final, une musique à la fois sombre et lumineuse qui donne réellement l'impression de traverser de vastes espaces sonores… une belle illustration du talent de Spybey.


(Something Maybe)



Toujours dans le dark ambient, Maxime Vavasseur a.k.a. Witxes vient de sortir "Scrawls #01", album tout aussi sombre, beau et évocateur, qui rappelle certains artistes "isolationnistes" et dont chaque exemplaire a pour pochette un fragment d'une toile abstraite découpée ; un disque très réussi, avec là aussi une belle utilisation de samples et de drones enveloppants, mais aussi une certaine chaleur dans l'utilisation des cordes sur Grenelefe, Disquietude et Julius & Hobbes, ou encore dans la superposition des voix et de nappes sombres/chaudes sur Shelley. Une musique plus "intérieure" (intime ou claustrophobique ?) que le Dead Voices on Air aussi, même si les deux ont beaucoup de qualités en commun. Les deux disques sont plus que recommandables !

(pour l'écouter et se le procurer, c'est ici)



Le Belge Peter van Hoesen, quant à lui, présente un album de techno de grande qualité avec "Entropic City" ; beats posés (parfois même carrément lents) mais efficaces, textures sonores légèrement abrasives et mélodies discrètes mais efficaces, "Entropic City" peut paraître à la limite de l'austérité parfois mais il est surtout méticuleusement bien composé. Ce disque est hermétique uniquement quand on n'est pas dans l'humeur ; pour peu qu'on le soit, et il devient irrésistible !


(la page Bandcamp pour écouter et acheter)



L'Américano-Coréenne Jennifer Lee alias TOKiMONSTA, après un EP de bon augure intitulé "Cosmic Intoxication", nous propose "Midnight Menu", un album de hip-hop instrumental éclectique et coloré, qui rappelerait presque Flying Lotus en plus posé par moments. Les influences de TOKiMONSTA sont nombreuses : de la musique coréenne ( ? ) sur Sa Mo Jung (l'une des grandes réussites de l'album) à la soul, en passant par le jazz, la musique électronique et même la disco (Death by Disco) ; un disque imprévisible (tout en restant très accessible), varié, original et très prometteur !


(Sa Mo Jung)



Je voudrais aussi vous parler de Lapizjack, une collaboration entre Spiritjack (un type qu'on ne connaît pas et qui joue dans un groupe japonais qu'on ne connaît pas) et Lapiz (un autre type qu'on ne connaît pas non plus, qui joue dans un autre groupe japonais qu'on ne connaît toujours pas). Du coup personne ne connaît Lapizjack, et c'est dommage vu qu'il s'agit d'un projet tout à fait sympathique, basé sur un concept simple mais qui fonctionne étonnamment bien : Spiritjack assemble des samples pour former des montages cohérents et Lapiz joue de la guitare électrique par dessus, un mode opératoire qui rappelle parfois le hip-hop, avec des boucles plus pop/psychédéliques et de la guitare électrique à la place du rap. Les pistes sont à la fois faciles d'accès (presque évidentes) et difficiles à catégoriser, à la croisée de multiples genres ; les samples restent aisément reconnaissables mais sont très vite ré-interprétés par le groupe (sur Daita Boogie par exemple, le groupe réussit à s'approprier le rythme de Sunday Bloody Sunday de U2 à tel point qu'on oublie la référence au bout de quelques minutes !). C'est édité chez Reverb Worship, label "artisanal" britannique qui édite des CD-R en quantités très limitées et chez qui on peut faire de chouettes découvertes.


(Daita Boogie)



Enfin, si tout cela reste trop banal pour vous, si vous cherchez un véritable Objet Musical Non Identifié, une musique qui ne ressemble à rien de connu, connaissez-vous Phonophani ? Phonophani est le nom d'artiste d'Espen Sommer Eid, musicien norvégien qui construit ses propres instruments… et semble construire aussi toutes ses propres règles musicales ; en l'absence de repères (genres, groupes ou même instruments) assez proches pour vous donner une idée de sa musique (c'est bien beau de dire que son premier disque est sorti sur le label de Biosphere ; Phonophani ne ressemble presque en rien à Biosphere), la seule manière que je verrais pour la décrire serait une description linéaire et détaillée un peu maladroite, en parlant notamment du "grain" sonore de l'album et des jeux de rythmes inhabituels, mais je doute que cela suffise pour se rendre compte de l'étrangeté de "Kreken" — donc autant vous proposer de l'écouter vous-mêmes ! Ça tombe bien, la piste-titre fait l'objet d'une vidéo :




C'est tout pour le moment ! J'espère que vous aurez trouvé quelque chose à votre goût dans cette sélection éclectique ; sinon, rassurez-vous, nous continuerons à vous présenter d'autres albums dans les semaines qui viennent…

Bonne(s) écoute(s) et bonne fin d'année !


— lamuya-zimina