C'est entendu.

samedi 28 janvier 2012

Swing Spleen #1


par Bertrand Bruche
art par Jarvis Glasses


Et que ça swingue !


Ce que monde de la nuit propose en 2012 me laisse quelque peu dubitatif. Je vomis les mauvaises boites de nuit qui accueillent des centaines de clubbeurs trop bien coiffés chaque vendredi soir. En quoi un bain de foule moite aux arômes de Red Bull et de vodka offre-t-il la possibilité de se changer les idées ? Quel plaisir retire-t-on d'une nuit passée à se trémousser, malgré les chaussures qui collent au sol plaquant, évitant de justesse la transpiration du voisin, tandis que le dernier tube de Rihanna déchire les oreilles?

Ah, nous sommes bien loin des années fastes du swing, lorsque les new-yorkais sortaient se défouler sur les pistes de danse des différents clubs de la grosse pomme, un verre de whisky -sans glace- à la main et le cigare aux lèvres. Ils pouvaient y danser frénétiquement, swinguant sur la musique des grands big bands de l'époque, ceux de Benny Goodman, Count Basie et de Duke Ellington, par exemple.


(Le mythique Cotton Club, NYC)

C'est dans le courant des années 30 que ces big bands ont pris le contrôle des pistes de danse américaines. Composés d'une quinzaine de musiciens, ils jouaient, sous la conduite du chef d'orchestre, les tubes généralement arrangés par ce dernier. De manière générale, ils étaient composés d'une section rythmique (basse, batterie, piano, guitare) et de trois sections mélodiques (trompettes, sax, trombones) sagement alignées en gradins. Cette musique est bien différente du jazz né à la Nouvelle-Orléans. Le swing, ça transpire le chic, les musiciens sont magnifiquement sapés, gominés et les décors sont somptueux. Au milieu des strass, la musique est codée, écrite et préparée. Rien n'est laissé au hasard, hormis les libertés accordées aux musiciens lors de leurs improvisations. La raison d'être de cette musique se trouve dans les tourbillons des danseurs, en majorité blancs, qui s'amusent en l'écoutant.

(Le Benny Goodman Orchestra)

Benny Goodman, surnommé "le roi du swing", est celui qui donnera au style ses premiers titres de noblesse. Il crée son big band en 1934 et répand cette musique partout aux USA en se faisant enregistrer pour l'émission de radio, "Let's Dance". Le clarinettiste s'entoure de musiciens de qualité, notamment le déménageur Gene Krupa, auteur du mythique solo de batterie du célèbre Sing, sing, sing.



(Benny Goodman & his orchestra - Sing, sing, sing)

C'est à Kansas City que l'orchestre du comte, "Count" Basie, fit ses premières armes. Après un passage remarqué à la radio, un manager propose à Count de se produire dans d'autres grandes villes des USA : Chicago, New-York,… L'orchestre accueillera en son sein bon nombre de musiciens et chanteurs talentueux, notamment Lester Young et Billie Holiday. Aucune équivoque possible, ça balance ferme ! Ça swingue et ça déménage, au sens propre comme au figuré, car quand les habitués du Roseland Ballroom de New-York se plaignent de la puissance de jeu de son orchestre, Basie décide simplement de déplacer ses pupitres dans un autre établissement. Notons encore le jeu de wha-wha que les trompettistes de l'orchestre effectuent à l'aide de leur chapeaux dans cet enregistrement de Swingin' the Blues.

(Count Basie - Swingin' the Blues)

Le Duc, c'est le summum de la classe ! Ce sont les costumes blancs, la gomina dans toute sa splendeur, le Cotton Club, Caravan, It don't mean a thing (if you ain't got that swing) et bien d'autres ! It don't mean a thing, comme la majorité des tubes de Duke Ellington, est né de la collaboration entre le Duc et son ami Billy Strayhorn. Take the A Train est sans aucun doute le morceau le plus connu de l’œuvre ellingtionienne. Il sera en effet la chanson phare de l'orchestre, le morceau inévitable, qui débutera chaque concert. Il s'agit d'ailleurs d'une composition de Billy Strayhorn dont le titre, anecdotique et amusant, provient directement du quotidien de la vie new-yorkaise. Strayhorn avait en effet pris l'habitude de rappeler, aux amis qui venaient le voir, de "prendre le train A", plutôt que la ligne B, qui changeait de direction juste avant son arrêt. Ainsi, né le long des rails new-yorkais, le titre a fait le tour du monde, repris par bon nombre de formations dans des styles divers et variés.

(Duke Ellington & his orchestra - Take the A train)

J'échangerais cent fois ma place sur les guestlists des plus prestigieuses boites de nuit du monde pour sortir m'encanailler dans un de ces clubs sautillants, à grands coups de scotch, au bras d'une minette emplumée à moitié nue. Peut-être là, aurais-je alors pu apprendre à danser, armé d'un costume trois pièces et d'un chapeau. Peut-être aurais-je dû naître 70 ans plus tôt, car, in fine, au vu de la situation actuelle, crise financière pour crise financière, les années 30, ça avait quand même du bon !

1 commentaire:

  1. Le swing, le swing... Le New Jack Swing ?
    Bon, blague à part, j'ai souvent eu ce même fantasme. Les élégantes en bas de soie, les hommes en chapeaux, les boites de jazz... La classe quoi.

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