“Es lebe die Freiheit!”
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“Leuchtet das Leben uns denn nicht?”
“Leuchtet das Leben uns denn nicht?”
Ces lignes (“Vive la liberté !” ; “La vie ne nous éclaire-t-elle pas ?”) au dos du livret de "Masse Mensch Material" (le magnum opus précédent de Rome, sorti en 2008) présentaient déjà en bonne partie, si ce n'est l'idéologie du groupe, du moins son esthétique : une musique éminemment idéaliste, poétique et politique. Des chansons inspirées par des idéaux et des événements qui ont marqué l'histoire. Un projet qui a déjà fait ses preuves par le passé, mais qui prend une autre ampleur sur "Die Æsthetik der Herrschaftsfreiheit", “cycle de chansons” en trois volumes dont le titre est une référence à L'Esthétique de la Résistance de Peter Weiss et qui se voit inspiré par "l'esprit de révolte", la "joie de combattre pour la liberté", ainsi que des idées de Bertolt Brecht, Pablo Neruda, Abel Paz, Friedrich Nietzsche, Georg Büchner…
Certes, l'idée d'un triple album conceptuel et politique de neofolk (cette "nouvelle musique folk" européenne, aux tendances expérimentales et qui prend ses racines dans la musique industrielle) peut faire imaginer une œuvre intimidante et une écoute difficile. Pour ma part, je n'écoute que peu de neofolk ; et si je m'intéresse parfois à la politique, c'est franchement plus par devoir que par goût. Mais je crois que l'art peut sensibiliser à tout, et Jérôme Reuter (le compositeur, chanteur et musicien derrière Rome) a réussi à m'émouvoir d'une manière que je n'attendais pas, à me faire partager des passions que je consignais jusque là à d'autres lieux ou d'autres temps, aux journaux ou aux livres d'histoire, sans imaginer vraiment les ressentir.
"Die Æsthetik der Herrschaftsfreiheit" est une œuvre-fresque, ambitieuse, mais qui laisse assez d'espace à l'auditeur pour respirer et laisser courir son imagination. Chacun des trois disques (intitulés "Aufbruch", "Aufruhr" et "Aufgabe", soit respectivement : départ/renouveau, émeute/agitation, devoir/mission/reddition) contient des ballades, des chansons élégiaques (To Each His Storm ; The Death of Longing) ou remplies d'espoir (Seeds of Liberation), des pistes plus rythmées, martiales (Sons of Aeeth ; Our Holy Rue) mais aussi des plages quasi-ambient, qui évoquent certaines musiques et chants traditionnels (Red Years, Black Years ; The Brute Engine ; The Chronicles of Kronstadt). Les chansons, plus directes qu'à l'accoutumée, y compris dans les sons (Rome a fait le choix du tout analogique sur cet album) sont bien souvent violentes et mélancoliques à la fois, avec des lignes particulièrement marquantes (la voix grave, sévère et pourtant chaude de Jérôme n'est pas pour rien dans l'effet produit) ; on peut y entendre hymnes, chants de guerre, lamentations, poésies et plus encore. Les pistes instrumentales ou avec spoken word sont quant à elles tout aussi intéressantes et importantes pour se représenter l'univers de l'album : plus discrètes à première écoute, elles n'en forment pas moins une riche toile sans laquelle ces chansons ne seraient que des moments forts pris hors contexte. Elles capturent un état d'esprit, des moments d'agitation ou d'incertitude, peut-être le journal d'une personne dans son pays pris à feu et à sang, ou encore une évocation des terres (imaginaires, semble-t-il : cherchez donc la rivière "Aeeth" sur une carte…) où se déroulent les événements. Il ne fallait pas moins de trois disques pour représenter tout cela !
On peut reprocher à Jérôme Reuter d'utiliser encore un peu trop d'effets parfois ; on peut ne pas aimer l'accordéon sur Years of Abalone, et les longs passages de spoken word en allemand à la fin de chaque disque ne seront accessibles qu'à ceux qui maîtrisent bien la langue. Mais "Die Æsthetik der Herrschaftsfreiheit" dans son ensemble est trop beau pour ne pas provoquer l'admiration (n'y allons pas par quatre chemins : pour moi, c'est nettement le meilleur album de 2011). Toutes les idées présentées dans cet album ne feront pas l'unanimité (par exemple le fameux discours anarchiste de Pierre-Joseph Proudhon, cité sur To Be Governed) ; on peut toujours dire que la liberté totale est inaccessible et que l'anarchie, en pratique, est plus un danger qu'un idéal. Mais s'arrêter à cela serait confondre l'œuvre et un message. Ce que célèbre Rome ici, ce n'est pas un combat particulier, ni même la lutte en tant que telle (qui n'est d'ailleurs pas glorifiée) ; c'est l'humain et la liberté, une vision sans doute idéaliste, peut-être hélas utopiste, mais qui touche et qui peut être, comme ici, sacrément belle. Les photos de résistants et combattants qui illustrent les textes dans la première édition de "Die Æsthetik der Herrschaftsfreiheit" (en trois livres contenant les disques) vont dans ce sens : elles sont présentées sans commentaire ni contexte, simplement des visages, des attitudes, des tenues, des femmes et des hommes animés par un même esprit… Ce n'est pas là un documentaire, ni un manifeste, mais un superbe hommage à cette humanité, pas forcément innocente, mais toujours bien vivante.
— lamuya-zimina
N.B. Les extraits prévus initialement pour illustrer cet article ont été supprimés par le label en raison de violation de copyright. La première édition de l'album est désormais épuisée (même si vous pouvez encore la trouver chez quelques vendeurs en cherchant bien… si vous avez le porte-monnaie bien rempli !) ; mais chaque volume est disponible séparément en digipak. Inutile de vous dire que la trilogie forme un tout et qu'il faut écouter les trois !
Certes, l'idée d'un triple album conceptuel et politique de neofolk (cette "nouvelle musique folk" européenne, aux tendances expérimentales et qui prend ses racines dans la musique industrielle) peut faire imaginer une œuvre intimidante et une écoute difficile. Pour ma part, je n'écoute que peu de neofolk ; et si je m'intéresse parfois à la politique, c'est franchement plus par devoir que par goût. Mais je crois que l'art peut sensibiliser à tout, et Jérôme Reuter (le compositeur, chanteur et musicien derrière Rome) a réussi à m'émouvoir d'une manière que je n'attendais pas, à me faire partager des passions que je consignais jusque là à d'autres lieux ou d'autres temps, aux journaux ou aux livres d'histoire, sans imaginer vraiment les ressentir.
"Die Æsthetik der Herrschaftsfreiheit" est une œuvre-fresque, ambitieuse, mais qui laisse assez d'espace à l'auditeur pour respirer et laisser courir son imagination. Chacun des trois disques (intitulés "Aufbruch", "Aufruhr" et "Aufgabe", soit respectivement : départ/renouveau, émeute/agitation, devoir/mission/reddition) contient des ballades, des chansons élégiaques (To Each His Storm ; The Death of Longing) ou remplies d'espoir (Seeds of Liberation), des pistes plus rythmées, martiales (Sons of Aeeth ; Our Holy Rue) mais aussi des plages quasi-ambient, qui évoquent certaines musiques et chants traditionnels (Red Years, Black Years ; The Brute Engine ; The Chronicles of Kronstadt). Les chansons, plus directes qu'à l'accoutumée, y compris dans les sons (Rome a fait le choix du tout analogique sur cet album) sont bien souvent violentes et mélancoliques à la fois, avec des lignes particulièrement marquantes (la voix grave, sévère et pourtant chaude de Jérôme n'est pas pour rien dans l'effet produit) ; on peut y entendre hymnes, chants de guerre, lamentations, poésies et plus encore. Les pistes instrumentales ou avec spoken word sont quant à elles tout aussi intéressantes et importantes pour se représenter l'univers de l'album : plus discrètes à première écoute, elles n'en forment pas moins une riche toile sans laquelle ces chansons ne seraient que des moments forts pris hors contexte. Elles capturent un état d'esprit, des moments d'agitation ou d'incertitude, peut-être le journal d'une personne dans son pays pris à feu et à sang, ou encore une évocation des terres (imaginaires, semble-t-il : cherchez donc la rivière "Aeeth" sur une carte…) où se déroulent les événements. Il ne fallait pas moins de trois disques pour représenter tout cela !
On peut reprocher à Jérôme Reuter d'utiliser encore un peu trop d'effets parfois ; on peut ne pas aimer l'accordéon sur Years of Abalone, et les longs passages de spoken word en allemand à la fin de chaque disque ne seront accessibles qu'à ceux qui maîtrisent bien la langue. Mais "Die Æsthetik der Herrschaftsfreiheit" dans son ensemble est trop beau pour ne pas provoquer l'admiration (n'y allons pas par quatre chemins : pour moi, c'est nettement le meilleur album de 2011). Toutes les idées présentées dans cet album ne feront pas l'unanimité (par exemple le fameux discours anarchiste de Pierre-Joseph Proudhon, cité sur To Be Governed) ; on peut toujours dire que la liberté totale est inaccessible et que l'anarchie, en pratique, est plus un danger qu'un idéal. Mais s'arrêter à cela serait confondre l'œuvre et un message. Ce que célèbre Rome ici, ce n'est pas un combat particulier, ni même la lutte en tant que telle (qui n'est d'ailleurs pas glorifiée) ; c'est l'humain et la liberté, une vision sans doute idéaliste, peut-être hélas utopiste, mais qui touche et qui peut être, comme ici, sacrément belle. Les photos de résistants et combattants qui illustrent les textes dans la première édition de "Die Æsthetik der Herrschaftsfreiheit" (en trois livres contenant les disques) vont dans ce sens : elles sont présentées sans commentaire ni contexte, simplement des visages, des attitudes, des tenues, des femmes et des hommes animés par un même esprit… Ce n'est pas là un documentaire, ni un manifeste, mais un superbe hommage à cette humanité, pas forcément innocente, mais toujours bien vivante.
— lamuya-zimina
N.B. Les extraits prévus initialement pour illustrer cet article ont été supprimés par le label en raison de violation de copyright. La première édition de l'album est désormais épuisée (même si vous pouvez encore la trouver chez quelques vendeurs en cherchant bien… si vous avez le porte-monnaie bien rempli !) ; mais chaque volume est disponible séparément en digipak. Inutile de vous dire que la trilogie forme un tout et qu'il faut écouter les trois !
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