C'est entendu.

jeudi 19 janvier 2012

[Fallait que ça sorte] La complainte du Roi Bourdon, Troisième Partie

1995 : Phase 3 : Thrones and Dominions

Ça ne va plus très bien. Dylan Carlson a la nausée. Son meilleur ami s’est fait sauter la cervelle avec la carabine que lui-même lui avait acheté. Il est plongé dans la drogue jusqu’au coup. Je reprendrais bien une pilule, petite fille, merci bien. C’est un coup à finir aux urgences. Dylan bricole comme il peut, avec ce qu’il peut. C’est à dire plus grand chose, il assume à peu près tout tout seul cette fois. Ritournelles et traversées de déserts, parce qu’il faut toujours en avoir dans la tête, des ritournelles, quand on change de territoire. Celles-ci sont les plus simples du monde, des riffs plein de distorsions en boucle Harvey, en intro qui grinçouille ; le son tellurique et bourdonnant de Lullaby (Take 2 : How Dry I Am), presque comme si Carlson jouait un blues de fin du monde avec une guitare ankylosée, un son à faire vibrer les murs des cabanons alentours. Le glas a déjà sonné pour le son de Seattle. Du fameux grunge en berne, Carlson fait résonner les derniers riffs graisseux aux résonances folk, quelques notes d’acoustique en marge du mur du son, sur des morceaux ressemblant à des esquisses. Song 4 ou Song 6 (Chime), sans même un nom à leur crédit, de simples répétitions, au sens propre, d’accords minimalistes, traduisant la fatigue physique et psychique de leur auteur, des trucs simples à siffloter en attendant que la fièvre passe.



(Lullaby (Take 2 : How Dry I Am))

La fièvre ou l’insolation, la traversée du désert n’est pas qu’une métaphore, on y entend souffler le vent impitoyable pendant près de 12 minutes, Phase 3 : Agni Detonating Over The Thar Desert… Passé par des états de chaos mental frénétiques, bourdon et scansion de batterie traversés de guitare inquiétante et de percussions hasardeuses, Site Specific Carnivorous Occurrence, on est très loin du bien-être d’"Earth2", c’est du bad trip, de la mauvaise médecine... Médecine, pilules, sédatifs, Tibetan Quaalude, c’est marqué dessus, avaler des comprimés et sombrer dans un abrutissement malsain, le stoner en slow-motion qui travaille la caboche par du riff plongeant dans les entrailles du cerveau, et une fois logé à l’intérieur, rabote petit à petit la conscience jusqu’à se sentir bien, bien, bien… et se réveiller au pays des rêves, Thrones and Dominions, plus aucune distorsion en vue, le drone caressant, le drone ambient pur, en apesanteur, de Seattle, décollage chimique jusqu’à un improbable ashram onirique où il fait bon avoir la tête qui tourne, voir des couleurs mignonnes et respirer des senteurs doucereuses… et puis tel le cavalier solitaire paumé dans l’étendue désertique, improviser sur sa guitare rouillée et pleine de rugosité des bouts de mélodies, tenter de reconstruire une identité musicale par dessus le bourdon retombé dans le fuzz. Les seuls remerciements adressés sur cet album par Dylan Carlson le sont au 911, et au service des urgences de l’hôpital Harborview à Seattle. C’est assez clair ou il faut que je développe ?


(Thrones and Dominions)


D.E.L.

2 commentaires: