C'est entendu.

lundi 5 décembre 2011

Microcosme #14 - Décembre 2011

par Joseph Karloff
art par Jarvis Glasses

Avant d'évoquer deux formidables sorties microcosmiques à cheval entre 2011 et 2012, profitons de ce dernier numéro de l'année pour un petit communiqué à destination de tous ceux qui, depuis la naissance de C'est Entendu et son irrésistible ascension par la grâce de Lord Gonzalez, aka Gonzie, aka Le Gonz', maître incontesté de ces lieux, tous ceux qui, disais-je avant de me perdre en digressions serviles, nous ont envoyé et nous envoient encore démos, albums, CD, singles, clips, et autres photos de leur maman dans des mises en scène médiévales (si j'en juge par le choix des instruments de torture).

Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais ces mails d'auto-promo, nous en recevons une quantité phénoménale ; et la vérité est que nous ne sommes qu'un petit groupe de gentils bénévoles dont la solidité de la foi en la Musique Pop est parfois ébranlée en son coeur par les réalités socio-économiques modernes que constituent les heures sup' au (vrai) boulot pour payer les dernières Nike au petit, la bataille juridique pour conserver nos locaux que la régie souhaite revendre à quelque holding sans scrupules, ou un évier qui fuit. Aussi, ne soyez pas froissés si d'aventure nous ne vous répondons pas et/ou ne parlons pas de votre dernier side-project dubstep/musette, ça ne veut pas dire que nous ne l'avons pas aimé.

Sur ces belles paroles pleines de consensualité et d'hypocrisie bienveillante, je vous souhaite de joyeuses fêtes en compagnie de deux de mes micro-chouchous.


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Macrodisques

Parce que les étrangers sont plus doués que nous
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Curieuse pochette, étonnamment laide quand on sait que Micah Buzan, qui en est l’auteur, se proclame au moins autant dessinateur que musicien ; et pourtant fort à propos une fois que l’on s’est familiarisé avec son univers. Cette police de caractères qui jure avec le dessin, ce choix de couleurs, c’est le genre de contraste qu’il expérimente également dans sa musique, où entre deux ballades poignantes soigneusement écrites, il se plait à jouer avec les convenances de la pop, au risque de perdre l’auditeur qui n’y entendrait qu’un gribouillage sonore pathétique. "I prefer Expression over Technique. Mistakes are welcome" (Je préfère l’Expression à la Technique. Les erreurs sont bienvenues), annonce-t-il sur le fronton de sa page Facebook.




Jetons à nouveau un oeil à cette pochette : au premier abord, on ne voit que ce qui choque ; puis petit à petit, le dessin se dévoile et révèle une complexité insoupçonnée. Si le single Heal The Weak, chroniqué précédemment, suintait l'admiration pour un certain quintet ayant usé les bancs de l'université d'Oxford il y a une vingtaine d'années, l'album "Word Salad" (sur lequel le single ne figure d'ailleurs pas) s'en démarque nettement, souvent avec bonheur, parfois en provoquant des haussements de sourcils en se demandant ce qui est passé par la tête de Micah.




Heureusement, outre un sens mélodique infaillible surtout mis en avant sur les morceaux les plus classiques (Phantoms, Sow The Seed), il peut compter sur une voix au pouvoir de séduction rappelant à la fois Leonard Cohen et Phil Elvrum (leader de The Microphones). On lui pardonne aisément les quelques errements glitch d'un goût douteux qui parsèment "Word Salad" : tel un écrin délabré et graffité révélant en son sein les plus beaux bijoux, ils mettent en forme l'album de sorte qu'on ne peut qu'être instantanément saisi par la grâce de Sow The Seed ou de We Live In The Branches.





J.K.



DEPUIS LE TEMPS QUE JE VOUS ASSOMME AVEC EUX.

Septembre 2010 : Joe publie mon (quasi) premier article (et Félix/TANK commentait déjà dessus pour dire tout comme moi <3). Décembre 2011 : une recherche sur C'est Entendu des termes "Sea Oleena" renvoie à pas moins de 12 articles. Un cas de névrose monomaniaque de ma part, à première vue. Mais ça y est, je ne suis plus le seul à chanter dans toutes les rues les gestes de la Loseth Family : Holobody, leur dernier avatar en date, avec le grand frère Luke aux commandes et la petite soeur Charlotte en co-pilote, vient de signer chez Mush Records (label où figurent notamment Bibio et Busdriver) pour la sortie officielle le 1er janver 2012 de "Riverhood".




Ce n'est qu'un juste retour des choses, car cet album (LP ? EP ? On s'en fout !) est, comme tout ce que ces deux blondinets touchent, une réussite. Les arrangements et la production de l'ensemble, marque de fabrique de Luke Loseth, sont une fois encore un ravissement pour les oreilles. De plus, il introduit une évolution bienvenue dans leur musique : loin de se complaire dans les draps confortables de la dream pop, Luke distille ça et là des éléments hip-hop (jusqu'à un petit rap blanc sur Hurricane Season), en particulier sur les chansons chantées par sa soeur, afin de casser la redondance avec des choses déjà entendues chez Sea Oleena. Mission accomplie.




Cependant, malgré la grande cohérence de l'ensemble, accentuée par de nombreux morceaux de transition (à ce sujet, le passage de témoin entre Unfold et Hurricane Season est un modèle du genre) qui sont autant de petits exercices de style (difficile de ne pas sourire à l'écoute du medley de radios québécoises sur Stomp Coda), il manque à "Riverhood" un petit quelque chose, une vraie grande chanson au milieu de toutes ces bonnes compositions qui donne envie de s'y replonger de manière obsessionnelle.


4/5


J.K.

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