C'est entendu.

mardi 6 septembre 2011

[Fallait que ça sorte] Troum — Eald-Ge-Stréon

Troum, nommé d'après un ancien mot allemand signifiant "rêve", est un duo formé par deux anciens membres de Maeror Tri et quel 'on pourrait classer, faute de mieux, dans le tribal ambient, le post-industriel à tendance minimaliste, ou — si l'on considère ça comme un genre et pas seulement comme un son — le drone. Le groupe préfère travailler à partir de guitares et de sources analogiques qu'avec des synthétiseurs ou des ordinateurs, et leur musique rappelle assez vivement certains des passages les plus apaisés de certains disques de :zoviet*france: ; mais le meilleur moyen de décrire leur musique est sans doute de reprendre leur manifeste officiel, qui résume leur approche en une phrase : la musique en tant que "chemin direct vers l'inconscient".



(Elation)

L'une des œuvres majeures de Troum, la trilogie "Tjukurrpa" (le nom se réfère au concept aborigène du "Temps du Rêve", à la fois espace et temps qui précède l'apparition du monde matériel, qui transcende celui-ci et auquel on peut toujours accéder — une idée difficile à résumer mais particulièrement intéressante, qui dépasse largement nos définitions du "rêve"), consiste en trois albums de musique ambient lo-fi remplie d'effets, proposant peu de passages mémorables en surface (à part sur le troisième disque) mais possédant pourtant cette qualité hypnagogique que le duo recherche, évocatrice tout en restant abstraite, des "paysages oniriques organiques et archaïques" (selon les propres mots du duo) qui ne manquent pas de vous toucher lorsque vous vous y abandonnez.

C'est une toute autre affaire, cependant, que je vous propose d'écouter aujourd'hui. "Eald-Ge-Stréon" (qui signifie "trésor ancien" en vieil anglais) est un disque composé de vieilles faces B et raretés remaniées, et la différence avec les sons un peu en retrait de "Tjukurrpa" frappe immédiatement : les pistes sont ici rayonnantes, parfois violentes, empreintes de majesté ou de panique, virant parfois presque au noise et avec des percussions d'une vivacité étonnante. La première piste, Elation, est quelque chose d'à la fois massif et quasi-céleste : des nappes de guitares au son abrasif soutiennent de superbes harmonies lentes et sûres avec un effet quasi-orchestral. Usque Sumus Lux, la meilleure piste de l'album, va encore plus loin dans ces contrastes (imposant et aérien, atmosphérique et violent, harmonique et bruitiste), en démarrant avec un rythme mi-industriel mi-tribal sur des cloches, rythme qui grandit, passe à travers une nappe harmonique plus sombre, puis plus abrasive, menant lentement mais sûrement à une déflagration sous la forme d'une mélodie à la guitare ultra-saturée qui prend des allures de musique sacrée (pour peu que vous écoutiez l'album à volume suffisant, la puissance de ce morceau est écrasante). La suite de l'album alterne avec bonheur entre sons plus "intérieurs", organiques (sur Eolet), rythmes particulièrement prenants (sur Ecstatic Forlorness), ambiance plus mélancolique (Dhânu-H), avant de franchir les frontières des genres sur Procession, reprise du groupe de post-punk Savage Republic (écoutez l'originale ici et la version de Troum ci-dessous) et de finir sur le tour d'horizon Crescere.


(Procession)

On pouvait parfois reprocher à Troum d'être dans l'ombre de :zoviet*france:, un écho émoussé des étranges et fascinantes constructions des britanniques (qui touchent également à quelque chose de primitif et d'inconscient avec des moyens et instruments modernes). Rien de tout ça sur "Eald-Ge-Stréon", qui prend un chemin différent mais possède sa propre vision et sa propre puissance, ici faite de rythmes particulièrement vivants, d'harmonies minimalistes mais bien senties et d'une manière d'utiliser saturation et autres effets sans tomber dans l'artificiel — combinaison qui touche même parfois au sublime.


(Usque Sumus Lux)

Si je vous ai convaincus, un dernier conseil : essayez de trouver l'édition limitée en double CD de l'album, que l'on peut encore trouver chez certains vendeurs et qui comporte en bonus une piste inédite de 33 minutes intitulée Abhijñâ — addition plus que bienvenue à un disque qu'il serait dommage de laisser passer.


— lamuya-zimina

2 commentaires:

  1. J'adore le fait que rien qu'en lisant le titre de l'article, je SAIS que c'est un article de Lamuya !

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